* Saxo Bank publie ses "prévisions chocs" pour 2020

* Des scénarios improbables mais riches d'enseignements

* Le thème de la disruption les traverse

par Patrick Vignal

PARIS, 3 décembre (Reuters) - Le consensus qui se dégage au sein des gérants et analystes sur les perspectives pour 2020 ne doit pas occulter des risques imprévus susceptibles d'enrayer la mécanique des marchés financiers, dit-on chez Saxo Bank.

La banque danoise rejoint une bonne partie des prévisionnistes en tablant pour l'an prochain sur un scénario de base guère enthousiasmant mais nullement catastrophique et même favorable aux actifs risqués, qui devraient continuer de bénéficier des injections de liquidité des grandes banques centrales.

Consciente des limites de l'exercice, Saxo Bank livre comme chaque année en parallèle ses "prévisions chocs", dix scénarios improbables mais qui appellent à la vigilance en raison de leur rattachement à des thématiques lourdes de menaces.

"Nous nous sommes rendu compte ces dernières années qu'il y avait des éléments perturbateurs sur le marché qui n'étaient pas du tout prévus et avaient un fort impact. La crise financière a été un détonateur pour systématiser un exercice que Saxo Bank avait commencé à faire dès 2002", explique à Reuters Christopher Dembik, responsable de l'analyse macroéconomique chez Saxo Bank.

"Nos clients connaissent tous le consensus et savent quelles sont les attentes pour l'année prochaine mais il est difficile d'en sortir et de prendre du recul, de réfléchir au-delà des schémas préconçus. Ces prévisions chocs ne changent ni leurs prévisions de marché, ni la composition de leur portefeuille mais cela leur permet de s'éveiller à des problématiques qui pourraient être émergentes."

ET SI LA BCE RELEVAIT SES TAUX ?

Si certains des scénarios noirs concoctés par Saxo Bank peuvent paraître surréalistes, comme celui d'une volte-face de la Banque centrale européenne relevant ses taux pour sauver le système bancaire de la zone euro, d'autres le sont un peu moins, à l'image de celui d'une large victoire démocrate à l'élection présidentielle américaine.

Parfois imaginatives, comme l'éclatement du modèle suédois face à la poussé des forces hostiles à l'immigration, les prévisions de la banque danoise sont toutefois toujours reliées à un thème d'actualité, comme par exemple celui où l'Afrique du Sud est menacée de défaut en raison de l'explosion de la dette de la compagnie publique d'électricité Eskom.

"Pour nous, l'Afrique du Sud, c'est un peu l'espoir que tout le monde avait sur les émergents qui est complètement déçu pour les facteurs que l'on connaît : fort endettement, mauvaise gestion politique, etc", résume Christopher Dembik.

La perspective d'un choc inflationniste n'est pas oubliée, avec un scénario de stagflation aux Etats-Unis, et la tendance de long terme qu'est la "dédollarisation" ne l'est pas non plus avec l'hypothèse de la création par l'Asie d'une monnaie numérique de réserve qui porte un coup dur au billet vert.

"On essaye de lier ces prévisions à des thématiques contemporaines mais d'être également à contre-courant, avec des scénarios ayant des probabilités infimes qui ne sont pas du tout intégrés par le marché mais qui pourraient quand même se produire", souligne l'analyste de Saxo Bank.

DISRUPTION À TOUS LES ÉTAGES

Christopher Dembik connaît parfaitement la théorie selon laquelle un cycle meurt de mort violente, avec un coup fatal qui vient souvent d'où on ne l'attend pas.

"On intègre des éléments qui vont avoir un effet très important sur le cycle, dit-il. S'il fallait identifier aujourd'hui un élément susceptible de provoquer la mort du cycle, ce serait l'endettement, mais il y a un consensus à cet égard."

L'équipe de Saxo Bank, qui se vante d'avoir vu venir une flambée surprise du pétrole et le Brexit dans des scénarios improbables précédents, a mis le doigt cette année sur le thème de la "disruption", une rupture qui dépasse largement le cadre de l'innovation technologique et traverse toutes les prévisions chocs pour 2020.

"Si vous n'avez pas de disruption, vous avez un statu quo complètement négatif qui va perdurer avec une faible croissance, une faible inflation, un niveau de dette extrêmement élevé, très peu de productivité et un accroissement des tensions au niveau des inégalités de richesse ou du moins de leur perception", argumente Christopher Dembik.

"Nous sommes arrivés à une étape où on ne peut plus se permettre la pérennité de ces grandes tendances. Le seul moteur, aujourd'hui, pour sortir de cette dynamique à l'oeuvre depuis plus de dix ans, c'est effectivement la disruption."

LE POINT sur les perspectives de marché 2020 des gérants et analystes

(édité par Marc Angrand)