* Lombard Odier voit le conflit commercial durer

* La crainte d'une récession paraît justifiée

* Une protection des portefeuilles recommandée

* Le crédit préféré aux actions

par Patrick Vignal

PARIS, 19 septembre (Reuters) - Le conflit commercial qui pèse sur les marchés depuis un an et demi n'est qu'une des facettes de la lutte pour la suprématie que se livrent les Etats-Unis et la Chine, dit-on chez Lombard Odier en invitant les investisseurs à se protéger contre un affrontement appelé à durer.

Les mesures tarifaires imposées par Washington ont désormais un impact considérable puisqu'elles concernent 22% des importations chinoises contre 0,5% seulement en janvier 2018, explique à Reuters Stéphane Monier, responsable des investissements pour la clientèle privée de la banque suisse, qui insiste également sur le caractère considérable des représailles décidées par Pékin.

"Ce que l'on a observé depuis l'imposition de ces tarifs, c'est qu'il y a vraiment un effondrement du commerce international qui se traduit par une récession dans le secteur manufacturier et, pour l'instant, un léger ralentissement des services et de la consommation", ajoute-t-il.

"Ce n'est pas encore très fort mais c'est un peu comme une gangrène. Si on ne renverse pas la dynamique sur le secteur manufacturier, cela va finir par contaminer le secteur des services et la consommation."

Le relatif pessimisme de Lombard Odier vient de recevoir une forme de justification sous la forme des attaques du week-end contre des installations pétrolières de la compagnie saoudienne Aramco, dont des responsables américains et saoudiens ont attribué la responsabilité à l'Iran, ajoute Stéphane Monier.

"Cette lutte pour la suprématie se traduit par cette guerre commerciale mais elle se traduit aussi par des éléments géopolitiques plus agressifs, notamment au Moyen-Orient, où on peu distinguer un bloc Chine-Russie-Iran qui s'oppose à un autre bloc Etats-Unis-Israël-Arabie saoudite-Europe de l'Ouest", dit-il.

"On est dans la confrontation de ces deux mondes et comme il est quand même difficile pour la Chine et les Etats-Unis de s'affronter directement, on trouve des régions où l'on s'affronte de manière indirecte", ajoute-t-il en référence à la situation du Yémen.

LA GUERRE COMMERCIALE N'EST PAS FINIE

Selon le scénario principal retenu par Lombard Odier, avec une probabilité de 55%, le différend commercial n'est pas près de s'éteindre, même si des progrès infimes pourraient être réalisés au cours des 12 prochains mois.

Dans ce cas de figure, la Fed devrait encore baisser ses taux de 25 points de base à deux reprises pour boucler le cycle entamé par les baisses de juillet et septembre, selon Stéphane Monier.

En termes d'investissement, Lombard Odier privilégierait dans ce scénario le crédit et adopterait un positionnement neutre sur les actions, les obligations souveraines, les matières premières et le dollar américain.

Cette problématique commerciale intervient à un moment où le cycle économique aux Etats-Unis n'a jamais été aussi proche de sa fin et alors que les politiques monétaires mises en oeuvre dans le sillage de la crise financière montrent leurs limites, rendant plus nécessaires que jamais des politiques de relance budgétaire, prolonge Stéphane Monier.

"Après une dizaine d'années, on a eu la première tentative de remonter les taux, ce qui a causé une phase de panique fin 2018 dans les marchés financiers", rappelle-t-il.

"On se rend compte qu'il est assez difficile de retirer cette accommodation et que les économies ne génèrent pas pour l'instant des capacités de croissance satisfaisantes, avec un accroissement des inégalités qui crée des problèmes sociaux."

PORTAGE ET OPTIONS AU MENU

Dans ce contexte, la crainte d'une récession est justifiée et demande que l'on protège les portefeuilles, avec des stratégies différentes en fonction de l'ampleur que pourrait prendre le retournement économique à venir, selon Lombard Odier.

"Oui, la récession est possible aux Etats-Unis. Elle est déjà là, pour moi, en Allemagne, et cela risque de contaminer le reste de l'Europe, en sachant que le Japon n'est pas non plus en très grande forme et que tous les pays exportateurs souffrent", dit Stéphane Monier.

Dans cet environnement complexe pour l'investissement, Lombard Odier préconise non seulement le portage, stratégie visant à jouer sur l'écart de rendement entre deux classes d'actifs, mais également le recours aux options à la vente d'actions ("put"), dont le coût de la prime s'est réduit avec le recul de la volatilité par rapport aux sommets du mois d'août.

"Comme le contexte est favorable au portage et quand même assez incertain, ce qui est important pour nous, c'est d'être relativement agiles, flexibles, et d'avoir des actifs relativement liquides", explique Stéphane Monier.

"Puisque le risque nous paraît relativement élevé, nous avons réduit la pondération en actions, particulièrement sur les actions émergentes et sur les petites capitalisations, pour des soucis de liquidité", dit-il.

Lombard Odier adopte également une position à "sous-pondérer" sur la dette souveraine, jugée peu intéressante en raison de son prix élevé et de son rendement faible, voire négatif.

La banque suisse aime en revanche le crédit et l'immobilier.

"On a aussi mis des positions d'amortisseurs en cas de crise, notamment sur le yen japonais", dit Stéphane Monier.

(édité par Marc Angrand)