Bruxelles (awp/afp) - L'économie européenne a affiché une croissance jamais vue durant l'été, profitant d'un rattrapage plus fort que prévu après la récession historique du printemps, mais le retour des mesures de confinement fait craindre le pire pour la fin d'année.

Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro s'est envolé de 12,7% de juillet à septembre, par rapport aux trois mois précédent, a annoncé vendredi l'Office des statistiques Eurostat.

Le chiffre est historique, mais il fait suite à un écroulement tout aussi inédit de 11,8% d'avril à juin, conséquence de la pandémie de coronavirus, dans les 19 pays partageant la monnaie unique européenne.

Le rebond a été "très fort" au troisième trimestre, après les mesures de confinement qui avaient fait plonger l'économie, et il est "bien meilleur que prévu", a salué Bert Colijn, analyste pour la banque ING. Mais il voit peu de raison de se réjouir.

"C'est un résultat doux-amer" au moment où les pays européens annoncent "de nouveaux confinements qui rendent inévitable une deuxième récession", selon lui.

Le rebond a été un peu moins marqué pour l'ensemble de l'Union européenne (+12,1%), après une chute également un peu moins forte au deuxième trimestre (-11,4%).

"Ce qui va être problématique, c'est le quatrième trimestre", estime aussi Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management.

"Compte-tenu du confinement qui va toucher plus ou moins tout le monde, on va avoir dans toutes les grandes économies européennes une croissance négative au dernier trimestre et on risque de voir le taux de chômage continuer de progresser", redoute-t-il.

Si le chômage est resté stable en septembre, touchant 8,3% de la population active selon Eurostat, l'indicateur avait subi auparavant cinq mois consécutifs de progression. Quelque 13,6 millions de personnes étaient au chômage dans la zone euro en septembre et près de 16 millions dans l'UE.

Le gouvernement français a prévenu vendredi qu'il tablait désormais sur une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 11% sur l'ensemble de l'année 2020, contre -10% prévu jusqu'ici.

La Commission européenne doit publier jeudi ses prévisions d'automne, un exercice périlleux compte-tenu des nombreuses incertitudes. Quel sera l'impact des nouvelles restrictions imposées aux populations ? Un vaccin efficace contre le Covid-19 sera-t-il disponible et à quel horizon ?

"L'Espagne, nouvel homme malade?"

L'évolution des prix nourrit également les inquiétudes.

Eurostat a annoncé vendredi que l'inflation était restée négative dans la zone euro en octobre, pour le troisième mois consécutif (à -0,3%), alimentant le spectre de la déflation, un cercle vicieux voyant s'enchaîner baisse des prix, des salaires et de la production...

Certes, le chiffre négatif s'explique essentiellement par la chute conjoncturelle des cours du pétrole. Mais hors énergie, alimentation, alcool et tabac, l'inflation est passée de 1,2% en juillet à seulement 0,2% en octobre.

"On voit mois après mois l'inflation sous-jacente battre des records de plus bas", constate M. Waechter qui y voit une tendance "extrêmement préoccupante".

L'inflation s'éloigne de plus en plus de l'objectif affiché par la Banque centrale européenne (BCE) d'une hausse des prix "proche mais inférieure à 2%". Inquiète, la BCE a clairement signifié jeudi qu'elle se préparait à muscler, d'ici la fin de l'année, ses mesures de soutien à l'économie.

Défi supplémentaire pour l'Europe, la crise ne frappe pas tous les pays de la même façon.

Le PIB de l'Allemagne, de la France et de l'Italie est resté au troisième trimestre environ 4% en dessous de son niveau de l'an dernier.

Mais celui de l'Espagne était encore 9% inférieur, malgré le rebond, signe de sa forte dépendance au tourisme, secteur le plus affecté par les mesures de confinement. Les transports, l'hôtellerie-restauration, les bars et cafés sont en effet sinistrés.

"L'Espagne est-elle le nouvel homme malade de la zone euro?", s'est interrogé sur Twitter Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture de Rexecode.

afp/rp