On s'habitue à tout, même à des taux d'intérêt plus élevés. C'est le message envoyé par les marchés financiers depuis le début de l'année. On assiste actuellement à ce que les juristes appelleraient sans doute une forme de renversement de la charge de la preuve. Jusqu'à la fin de l'année dernière, tout allait mal, jusqu'à preuve du contraire. Eh bien désormais, tout va mieux, jusqu'à preuve du contraire. Le changement est important parce qu'il revient à prendre en compte le côté positif d'un indicateur mitigé, au lieu de son côté obscur. Cette semaine l'illustre très bien. En 2022, la combinaison de chiffres d'inflation un peu moins favorables que prévu (c'était mardi) avec une consommation au beau fixe et un marché immobilier en amélioration (c'était hier) aurait probablement conduit les investisseurs à envisager de nouvelles hausses de taux directeurs. Ce qui les aurait profondément déprimés. Souvenez-vous, Il n'y a pas grand-chose que les financiers détestent plus que les politiques monétaires restrictives.

Mais en 2023, tout le monde s'en fout. En janvier, les actions avaient surfé sur la vague du ralentissement plus marqué que prévu de l'inflation, qui confirmait la fin prochaine du cycle de relèvement des taux de la banque centrale américaine. C'était assez logique. Il manquait juste un contexte un peu plus adverse pour tester la solidité de la reprise. Ce contexte plus adverse s'est matérialisé en février, avec des statistiques moins univoques et un dilemme non tranché à ce stade : mieux vaut-il avoir une croissance forte et quelques craintes sur une Fed qui risque de se montrer encore plus punitive, ou une croissance chancelante qui pousserait la Fed à repasser à une politique monétaire plus souple ? Mais ce qui est important ici, c'est que le marché dit : le dilemme n'est pas tranché mais les deux situations sont finalement acceptables si les données publiées restent dans des limites raisonnables, c’est-à-dire qu'elles ne nécessitent pas une réponse radicale du type relèvement de taux au forceps comme ce fut le cas il y a un an. Ce sentiment est renforcé par la non-matérialisation des scénarios extrêmes qui avaient été envisagés, en particulier un cataclysme énergétique en Europe et un coronavirus hors de contrôle en Chine après la fin de la politique zéro-covid.

Pour en revenir à des choses concrètes, les statistiques macroéconomiques américaines publiées hier montrent que des pans stratégiques de l'économie sont toujours solides, même si la production industrielle était un peu faiblarde. Dans un premier temps, ça a affecté les indices selon le schéma précité. Mais comme la veille, ils ont terminé assez proches de leurs sommets. En Europe, le vert a dominé partout, en particulier du côté du CAC40 français qui a repris 1,2%, dopé par ses grosses capitalisations dans le luxe ou l'industrie. Aux Etats-Unis, le Nasdaq 100 a poursuivi son ascension en s'adjugeant 0,8%, bien au-delà du S&P 500 (+0,3%). Un média américain (Bloomberg il me semble, j'ai oublié où je l'ai lu) soulignait que l'indice compilé par Goldman Sachs pour jauger l'appétence des investisseurs pour le risque à partir du parcours des sociétés technologiques non-rentables en est à +30% depuis le 1er janvier. Le Nasdaq 100 en est lui à près de 16%.

Pendant ce temps, le marché obligataire envisage à nouveau des taux plus élevés et/ou plus longtemps, mais sans entamer le moral des troupes. Le 10 ans US a retouché 3,8% hier, soit son plus haut niveau de l'année. La courbe des taux est toujours inversée, ce qui est historiquement un signal de récession. Mais on sent bien que les investisseurs ont l'air prêts à ranger cette sombre prédiction dans l'armoire aux curiosités, avec le cataclysme énergétique en Europe et le coronavirus hors de contrôle en Chine précités. Aujourd'hui, nouvelle série de statistiques aux Etats-Unis pour tester la solidité de l'ambiance que je viens de tenter de dépeindre. Avec la prudence qui s'impose, puisqu'on sait bien que l'effet de balancier est puissant sur les marchés actions.

La séance est aussi marquée par un gros agenda des résultats de sociétés en Europe, où la seconde quinzaine de février est traditionnellement embouteillée, alors que les Etats-Unis ont déjà soldé la majeure partie de leurs publications. En Europe donc, Airbus, Air Liquide, Nestlé, Schneider, Pernod Ricard, Orange, Standard Chartered et beaucoup d'autres ont publié leurs résultats ce matin.

Le vert domine un peu partout en Asie Pacifique ce matin. Le Japon prend 0,8%, Hong Kong 1,6%, Séoul 1,8% et Sydney 0,8%. Comme le disait Patrick hier, si vous avez suivi, les marchés ne baissent plus. En Europe non plus où les indicateurs avancés sont haussiers au moment où j'écris.

Les temps forts économiques du jour

A 14h30 aux Etats-Unis, le marché suivra surtout les prix à la production et dans une moindre mesure l'indice Philly Fed, les inscriptions hebdomadaires au chômage et les données sur les mises en chantier et les permis de construire. Tout l'agenda ici. Ce matin, le Japon a annoncé une accélération de ses exportations en janvier, alors que les économistes craignaient une contraction.

L'euro se négocie 1,0707 USD. L'once d'or reste positionnée autour de 1840 USD. Le pétrole rebondit, avec un Brent de Mer du Nord à 85,70 USD le baril et un brut léger américain WTI à 79,25 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans se tend à 3,78%. Le bitcoin bondit à 24 600 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Barco : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 30 à 32 EUR.
  • Bavarian Nordic : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 310 à 325 DKK.
  • Haulotte : Société Générale reste à l'achat avec un objectif relevé de 3,30 à 6,80 EUR.
  • Heineken : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 115 à 120 EUR.
  • Implenia : Credit Suisse reste neutre avec un objectif de cours relevé de 36 à 40 CHF.
  • Inchcape : Citigroup démarre le suivi à l'achat en visant 1131 GBp.
  • Ipsen : Morgan Stanley passe de souspondérer à pondération liée en visant 103 EUR.
  • Kering : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 660 à 650 EUR.
  • Polypeptide : Baader Helvea passe d'acheter à accumuler en visant 28 CHF.
  • RS Group : Morgan Stanley démarre le suivi à pondération en ligne en visant 950 GBp.
  • SFC Energy : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 34 à 28 EUR.
  • Stillfront : SEB Equities passe de conserver à acheter en visant 27 SEK.
  • Synlab : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 8,20 EUR.
  • Tecnicas Reunidas : JB Capital Markets démarre le suivi à l'achat en visant 18 EUR.
  • Uniphar : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 4,85 à 4,50 EUR.
  • Vontobel : Citigroup passe de vendre à neutre en visant 58,50 CHF.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Air Liquide : vise une hausse de sa marge opérationnelle et de son résultat net récurrent en 2023.
  • Airbus : vise un Ebit ajusté de 6 Mds€ en 2023 avec 720 livraisons d'avions, même si la montée en cadence des A320 est décalée.
  • Gecina : l'ANR NTA atteint 172,20 EUR, le ratio LTV 33,7% et le dividende 5,30 EUR. Cette année, le résultat net récurrent se situera entre 5,80 et 5,90 EUR (+4,3 à +6,1%).
  • Klépierre : l'ANR NTA atteint 30,90 EUR, le ratio LTV 37,7% et le dividende 1,75 EUR. Cette année, le cash-flow net courant devrait progresser de 5%.
  • Orange : l'opérateur a présenté un plan stratégique de moyen terme en marge de l'annonce de ses résultats 2022 ce matin.
  • Pernod Ricard : affiche une forte croissance au S1 fiscal et renouvelle ses objectifs.
  • Renault : renoue avec les pertes suite au retrait de la Russie mais propose un dividende et affiche une marge opérationnelle un peu plus élevée que prévu.
  • Schneider : vise une croissance organique comprise entre 9 et 11% cette année, pour une progression de sa marge d'EBITA ajustée de 50 à 80 points. Le groupe va dissocier cette année les fonctions de président et de directeur général.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Cisco : l'action reprend 3% hors séance après la publication de ses trimestriels.
  • Nestlé : la croissance organique s'annonce plus forte que prévu cette année, après une rentabilité 2022 qui s'est effritée.
  • Shopify : l'action perd 10% hors séance après la publication de ses trimestriels.
  • Standard Chartered : la banque ultramarine britannique a publié des résultats inférieurs aux attentes, tout en annonçant un programme de rachat d'actions de 1 Md$.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Newcrest Mining repousse l'offre de Newmont sur son prix, mais reste à l'écoute.
  • Credit Suisse abandonne l'activité de trading créances spéculatives pour réduire ses risques.
  • Les données volées chez ASML provenaient du référentiel technique des machines de production.
  • Le département de la justice américain accélérait son enquête antitrust contre Apple, selon le Wall Street Journal. Par ailleurs, le groupe repousse jusqu'en juin la sortie de son nouveau casque.
  • BP Plc va investir 1 Md$ dans des stations de recharge de VE aux États-Unis d'ici 2030.
  • Stellantis rappelle 340 000 véhicules Ram, citant un risque d'incendie.
  • Le conseil de surveillance de la Commerzbank nomme l'ancien directeur de la Bundesbank, Jens Weidmann, au poste de président.
  • Rio Tinto signe un accord sur les produits en aluminium avec le japonais Marubeni.
  • Glencore envisage de vendre sa participation de 23% dans le minier péruvien Volcan.
  • Tesla a épuisé le Model Y aux États-Unis pour ce trimestre, après de grosses commandes.
  • Stadler Rail va construire un train de passagers alimenté par batterie aux États-Unis.
  • Les principales publications du jour : Airbus, Nestlé, Schneider, Vale, Applied Materials, Air Liquide, RELX, Pernod Ricard, Orange, Standard Chartered, BridgestoneTout l'agenda ici.

Lectures