Bienvenue dans un monde où la moindre petite phrase peut faire s'évaporer des centaines de milliards ou faire exploser à la hausse les indices boursiers. L'une des caractéristiques d'une crise importante est d'exacerber les réactions. Et là, on est en plein dedans. Avant d'écrire des tartines sur d'autres sujets, je vous rappelle brièvement le zeitgeist du moment. Les optimistes (qui sont peu nombreux, il faut bien l'admettre) pensent que la guerre commerciale lancée par Donald Trump va conduire à plein d'accords bilatéraux plus favorables aux Etats-Unis, dans un laps de temps suffisamment court pour que l'économie américaine ne soit pas trop touchée. Et si les choses commencent vraiment à foirer, la Fed sera forcée de baisser ses taux à marché forcée. Les pessimistes pensent que la guerre commerciale va créer de l'inflation, la fin de l'exceptionnalisme américain, va cliver un pays déjà bien fracturé, entraîner une équation inflation-dette-taux-emploi-prospérité impossible à gérer pour Washington voire quelques catastrophes latentes allant d'une effondrement du private equity à une crise de la dette publique. Comme souvent, la vérité sera probablement entre les deux, mais cet entre-deux ne dit rien qui vaille aux investisseurs.

Allez, parlons un peu de marchés qui font n'importe quoi, ce qui est une autre des caractéristiques d'une crise importante.

Dans le monde financier, il existe un outil qui permet de déterminer à quel point les professionnels du secteur sont nerveux. C'est l'indice VIX, qui mesure la volatilité implicite des options. Pour faire simple, cet indice observe les écarts du prix des produits qui servent à anticiper les mouvements du marché américain (en l'occurrence l'indice S&P 500). Plus ces prix partent dans tous les sens, plus il est probable que la période est agitée. C'est un sismographe du marché boursier en quelque sorte, où "l'indice de la peur", comme les gazettes se plaisent à l'appeler. La plupart du temps, le VIX évolue sous les 20 points. Les petites phases de stress du marché le conduisent ponctuellement au-delà. En 2023 par exemple, l'indice a connu trois séquences de ce type, pour un pic légèrement inférieur à 26 points. En 2024, il y a eu 4 incursions au-delà de 20, et un pic autour de 38,5 points (hors envolée express du 5 août 2024, avec un sommet éphémère à 65,73 points).

Hier, le VIX a touché un pic à 60,1 points, pour une clôture à 46,98 points. Ce niveau de fin de séance est extrêmement élevé, signe de la forte tension qui règne actuellement sur les marchés financiers. Il n'a été dépassé que deux fois depuis le début du siècle. En octobre 2008, lors de la faillite de Lehman Brothers, et en mars 2020, lors de l'explosion de la pandémie de covid. On reste donc sur le référentiel de ces deux bouleversements majeurs, puisque l'ampleur de la baisse enregistrée sur les trois séances de jeudi, vendredi et lundi est d'une ampleur identique à ce qui avait été enregistré en 2008 et en 2020. Nul ne peut prédire la suite, mais je rappelle que la pandémie avait provoqué un flash-krach suivi d'une remontée spectaculaire par son ampleur et sa rapidité, tandis que la crise des subprimes avait brillé par sa durée (point haut du S&P 500 en octobre 2007 et point bas en mars 2009).

Je me suis pas mal attardé sur le VIX, parce qu'il permet de comprendre le terreau qui conduit à des variations décérébrées comme celles qui ont émaillé la séance boursière d'hier à Wall Street. Le Nasdaq a ouvert en baisse de 3,6%, puis il a gagné 4,5% à un moment de la séance. Il a aussi perdu 4,9% à un autre moment. Pour finir en hausse de 0,19%. Pour résumer : les investisseurs sont hypers nerveux, donc ils ont des réactions démesurées face aux stimuli négatifs et positifs. Hier, un obscur post sur les réseaux sociaux a conduit la machine médiatique à s'emballer (je ne ferai pas d'introspection sur mon métier ce matin, mais vous y aurez droit une prochaine fois). Voilà ce que disait ce post : Kevin Hassett, conseiller à la Maison Blanche, aurait déclaré que le président Donald Trump envisageait une pause de 90 jours dans l'application des droits de douane. Le truc, repris par CNBC en direct, a fait un buzz pas possible. Sauf que l'information était fausse, et que tous les gens qui l'ont reprise l'ont fait de bonne foi. Les réseaux sont magiques, si magiques que personne n'a l'air d'avoir vraiment pu remonter à la source pour le moment. Je soupçonne Mamie Lucette, qui commençait à trembler pour ses actions de la Compagnie des Indes, d'avoir monté cette arnaque sur X. Je reprends le commentaire du compte Quantian, cité par Alphaville hier, parce que je ne saurai mieux résumer la situation : "Nous avons donc rebondi de 8% sur un faux titre, vendu lorsque les gens ont réalisé qu'il était faux, puis rebondi à nouveau lorsqu'il est apparu aux gens que si nous avions rebondi autant sur un faux titre, imaginez combien nous rebondirions sur un hypothétique vrai titre."

A ce propos, la tectonique des plaques douanières a pas mal évolué ces dernières heures. Tous les pays ciblés par les surtaxes douanières sont prêts à négocier, mais certains ne le feront qu'après avoir répliqué. C'est manifestement le cas de l'UE, qui fourbit ses armes, mais surtout de la Chine, qui a décidé de maintenir une position ferme, contrairement à ce qui s'était produit lors du premier mandat de Donald Trump. Ce qui a déclenché l'ire du président américain, qui a exigé de Pékin un retrait de ses mesures de rétorsion, sans quoi il ajoutera 50% de surtaxes aux 54% déjà prévues. La Chine a répliqué qu'elle n'avait pas l'intention de céder au chantage et a enclenché une politique de soutien à ses propres marchés financiers. Les milieux d'affaires pensent que le pays va puiser dans ses réserves pour tempérer l'impact de la guerre commerciale.

Cette posture permet aux indices chinois de se reprendre ce matin. Le Hang Seng gagne 1,6%. Mais dans la mesure où il s'est effondré hier de 13,5%, on est loin du jeu à somme nulle. On note également un rebond d'ampleur suspecte à Tokyo (+5%), où le marché salue le coup de fil entre Donald Trump et le premier ministre japonais comme un signe d'ouverture, d'autant que Scott Bessent a expliqué que le Japon devrait obtenir un traitement prioritaire s'il s'engage rapidement dans le dialogue. Obtenir une étiquette de "gentil" ou de "méchant" de la part de l'administration américaine risque d'entraîner des parcours singuliers dans les jours à venir. Ailleurs en Asie Pacifique, l'Australie reprend 2%, pendant que les hausses sont plus ténues en Inde et en Corée du Sud. Les indicateurs avancés sont fortement haussiers en Europe et aux Etats-Unis. J’espère que Mamie Lucette n'aura pas envie de faire rechuter ses actions de la Compagnie des Indes.

Le CAC40 gagne 1,86% à 7056 points à l'ouverture. Même variation ou presque pour le SMI, à 11 248 points, et pour le Bel20, à 4003 points.

Les temps forts économiques du jour

Aucun indicateur majeur n'est programmé aujourd'hui. Tout l'agenda ici.

Les cotations sont celles du jour autour de 7h00 :

Les principaux changements de recommandations

  • Accelleron Industries : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 44,90 à 42,40 CHF.
  • Adecco Group : Morgan Stanley maintient sa recommandation de sous-pondérer avec un objectif de cours réduit de 21 à 19,50 CHF.
  • Aena : Goldman Sachs dégrade de neutre à vendre avec un objectif de cours réduit de 210 EUR à 189 EUR.
  • AMS-Osram : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 12 CHF à 9,50 CHF.
  • Amundi : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 79 à 78 EUR.
  • Antin Infrastructure Partners : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 12,90 à 11,20 EUR.
  • ArgenX : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 831 à 821 EUR.
  • EQT : JP Morgan passe de surpondérer à neutre avec un objectif de cours réduit de 425 SEK à 269 SEK.
  • Euronext : AlphaValue/Baader Europe maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours relevé de 108 à 122 EUR.
  • Geberit : Morgan Stanley maintient sa recommandation de sous-pondérer avec un objectif de cours réduit de 432 à 428 CHF.
  • Hays : Morgan Stanley relève de souspondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 68 GBX à 66 GBX.
  • Infineon Technologies : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 50 à 42 EUR.
  • L'Oréal : Stifel maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 395 à 375 EUR.
  • MPC Container Ships : DNB Markets améliore son conseil de vendre à conserver avec un objectif de cours réduit de 17,90 NOK à 14,90 NOK.
  • Orange : JP Morgan maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 16,20 à 15,90 EUR.
  • Pandora : Bernstein démarre le suivi à la sous-performance avec un objectif de cours de 700 DKK. JP Morgan passe de surpondérer à neutre avec un objectif de cours réduit de 1400 à 1100 DKK.
  • Publicis Groupe : Deutsche Bank maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 106 à 100 EUR.
  • Schneider Electric : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 280 à 269 EUR.
  • Sika : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 250 à 200 CHF.
  • Sodexo : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 89 à 90 EUR.
  • STMicroelectronics : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 34 à 30 EUR.
  • Taaleri : Inderes améliore sa recommandation d'accumuler à acheter avec un objectif de cours de 9 EUR.
  • TF Bank : Carnegie Group passe de conserver à acheter avec un objectif de cours réduit de 430 SEK à 420 SEK.
  • VAT Group : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 306 à 309 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)

  • Stellantis propose d'aider ses fournisseurs à payer les frais de douane, selon Bloomberg.
  • Vinci signe le 1er partenariat public-privé dans la transmission électrique en Australie.
  • GTT va équiper 130 navires avec sa solution de navigation "intelligente".
  • Stellantis et Valeo lancent deux nouveaux produits : le premier projecteur à LED remanufacturé d'Europe, et le premier écran d'affichage remanufacturé.
  • Vallourec remporte un contrat OCTG auprès de Sonatrach en Algérie.
  • Viridien obtient un contrat de retraitement sismique en Algérie.
  • Hanwha Systems UK a démissionné de son poste d'administrateur non exécutif d'Eutelsat.
  • Getlink enregistre une légère hausse de ses navettes camions et une baisse marquée de ses navettes passagers en mars (effet calendaire weekend de Pâques et vacances UK).
  • VESA Equity Investment franchit le seuil des 20% du capital de Quadient.
  • Tikehau émet 500 M€ d'obligations 2031 à 4,25%.
  • Atland rachète Keys REIM, spécialiste de la gestion de fonds immobiliers.
  • Le DSMB donne son feu vert à la poursuite de l'étude de phase IIb de Maat Pharma avec Maat033.
  • Gensight est financée jusqu'en juin.
  • Quantum Genomics a quatre mois de visibilité.
  • Europlasma tire sur son financement dilutif.
  • Les principales publications du jour : Rapid NutritionLe reste ici.

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)

D'Europe

  • Marvell vend son activité Ethernet automobile à Infineon pour 2,5 milliards de dollars en espèces.
  • Novo Nordisk investit 1 Md€ pour accroître la production d'Ozempic et de Wegovy au Brésil. Novo qui se prépare à lancer rapidement son médicament amaigrissant Wegovy en Inde.
  • Les activités de Pirelli aux États-Unis sont entravées par la participation de Sinochem, selon Tronchetti Provera.
  • Frasers détient 49,8% du capital d'Hugo Boss.
  • Bayer dépose une demande d'approbation d'aflibercept 8 mg pour le traitement de l'occlusion veineuse rétinienne dans l'UE.
  • Au Pérou, des groupes indigènes suspendent le blocage de la mine de cuivre de Glencore.
  • Eni envisage de nouvelles ventes potentielles d'actifs dans l'amont après l'accord avec Vitol.
  • Sika met en service une nouvelle usine au Kazakhstan.
  • Skanska va rénover la route 78 aux États-Unis pour 102 millions de dollars.
  • Snam signe un accord pour l'acquisition de 24,99% d'Open Grid Europe.
  • Les principales publications du jour : Clas Ohlson, Industrivärden

D'Amérique du Nord

  • Broadcom annonce un nouveau plan de rachat d'actions de 10 milliards de dollars.
  • Apple prévoit de renforcer sa production d'iPhones en Inde pour remédier aux droits de douane, selon le WSJ.
  • Le directeur financier de CVS Health va quitter son poste, selon Bloomberg.
  • Levi Strauss gagne 7% hors séance après avoir confirmé ses prévisions 2025.
  • Viatris va payer jusqu'à 335 millions de dollars pour résoudre des contentieux liés aux opioïdes.
  • Les principales publications du jour : néant…

D'Asie Pacifique et d'ailleurs

  • Donald Trump a demandé un réexamen de l'offre de rachat de United States Steel par Nippon Steel, rouvrant la voie à un hypothétique accord.
  • MercadoLibre investira 5,8 milliards de dollars au Brésil cette année.
  • Samsung anticipe un bénéfice supérieur aux prévisions du marché au 1er trimestre.
  • Seven & I enregistre une baisse de 24% de son bénéfice au quatrième trimestre, ce qui accentue la pression en faveur d'un changement pour le distributeur courtisé par Alimentation Couche-Tard.
  • Les principales publications du jour : néant…

Le reste de l'agenda mondial des publications ici.

Lectures