Bruxelles (awp/afp) - L'UE a ouvert jeudi une enquête sur un régime fiscal britannique qui favoriserait les multinationales, leur permettant de payer moins d'impôts au Royaume-Uni, une décision qui ressemble à "un signal" en pleine négociation sur le Brexit.

La Commission européenne, qui a fait de la lutte contre l'évasion fiscale l'une de ses priorités depuis l'arrivée fin 2014 du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à sa tête, a décidé de cibler cette fois le Royaume-Uni, après s'être attaqué aux avantages fiscaux accordés par le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique et l'Irlande.

"Nous allons examiner attentivement une exemption aux règles britanniques de lutte contre l'évasion fiscale appliquée à certaines opérations de multinationales, afin de nous assurer qu'elle ne viole pas les règles de l'UE en matière d'aides d'Etat", a déclaré la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans un communiqué.

Un porte-parole du Trésor britannique a réagi dans la foulée: "Nous ne croyons pas que cette législation soit incompatible avec les règles européennes, mais nous allons coopérer avec la Commission européenne dans le cadre de cette enquête".

- Brexit-

L'annonce de cette investigation survient au moment même où les négociations entre Bruxelles et le Royaume-Uni, qui a prévu de quitter l'UE en mars 2019, piétinent.

Généralement les enquêtes de la Commission dans ce genre d'affaires durent plus de dix-huit mois. Le résultat pourrait donc tomber après la sortie de l'UE de la Grande-Bretagne.

"Il y a un lien avec le Brexit, c'est sûr", a estimé Jacques Lafitte, de la société de conseil Avisa à Bruxelles.

"D'une part, il y a des rumeurs persistantes sur une période de transition où le Royaume-Uni resterait dans le marché intérieur, et donc continuerait à être soumis aux mêmes règles de concurrence que les membres de l'UE. Et d'autre part, c'est un signal fort aux Britanniques pour les dissuader de toute tentative d'attirer sur leur sol les multinationales par une législation avantageuse", a-t-il commenté.

De son côté, l'exécutif européen s'est gardé d'être trop explicite. Questionné sur l'intérêt de cette enquête à un an et demi de la date présumée du Brexit, un porte-parole de la Commission européenne, Alexander Winterstein, a répondu: "Une chose est claire: tant qu'un Etat est membre du marché intérieur, il reste assujetti aux règles de concurrence européennes, y compris les règles sur les aides d'Etat."

- Apple -

Au coeur de l'enquête de la Commission européenne: une exception, en vigueur depuis 2013, à des règles britanniques visant à empêcher les sociétés du Royaume-Uni d'utiliser une filiale située dans un pays à la fiscalité faible ou nulle pour éluder l'impôt.

Ces règles permettent notamment à l'administration fiscale britannique de réaffecter à la société mère britannique tous les bénéfices transférés artificiellement vers une filiale offshore et donc de les taxer en conséquence, a rappelé la Commission.

Or, il y a quatre ans, sous la houlette du ministre britannique des Finances d'alors, George Osborne, une exception a été introduite pour certains revenus de financement (paiements des intérêts perçus sur les prêts).

"De manière générale, les multinationales utilisent souvent les revenus de financement comme moyen de transfert des bénéfices, compte tenu de la mobilité des capitaux", explique la Commission.

Grâce à cette exemption particulière, les revenus de financement perçus par la filiale offshore auprès d'une autre société étrangère du groupe ne sont pas imposés au Royaume Uni.

Après avoir déclenché fin 2015 une offensive contre le Luxembourg et les Pays-Bas pour des avantages fiscaux accordés respectivement à Fiat et Starbucks, l'exécutif européen s'était attaqué début 2016 à la Belgique et à son régime fiscal favorable aux grands groupes.

A l'été 2016, elle s'en était pris à l'Irlande et Apple, puis au Luxembourg et Amazon en octobre 2017.

afp/al/rp