(Actualisé avec suspension des délibérations jusqu'à lundi)

par Nathan Layne et Karen Freifeld

ALEXANDRIA, Virginie, 17 août (Reuters) - Le juge du procès de Paul Manafort, ancien directeur de campagne de Donald Trump, a annoncé vendredi avoir reçu des menaces alors que les jurés poursuivaient leurs délibérations pour déterminer si le consultant politique s'est rendu coupable ou non de fraudes bancaires et fiscales.

Son procès, même s'il ne porte pas sur des faits directement liés à une possible collusion entre des membres de l'équipe de campagne du président américain et des responsables russes, est le premier à découler des investigations menées depuis mai 2017 par le procureur spécial Robert Mueller.

Les délibérations ont été suspendues vendredi en fin d'après-midi sans que les jurés soient parvenus à se mettre d'accord sur un verdict, pour le second jour consécutif. Elles reprendront lundi matin, a annoncé le juge T.S. Ellis.

Donald Trump, qui qualifie l'enquête russe de "chasse aux sorcières", a estimé vendredi devant des journalistes que ce procès qui se tient devant le tribunal fédéral d'Alexandria, en Virginie, était "triste" et a réaffirmé que Manafort était une "très bonne personne".

"Il n'a travaillé pour moi que sur un très court laps de temps. Mais vous savez quoi ? Il s'est révélé être une très bonne personne. Et je pense que ce qu'ils ont fait à Paul Manafort est très triste", a-t-il dit, sans crainte de donner le sentiment de vouloir faire pression sur les jurés.

Peu après les déclarations de Trump, le juge Ellis a annoncé avoir reçu des menaces et avoir été placé sous la protection des US Marshals, la police fédérale dépendant du ministère de la Justice.

Le magistrat a indiqué qu'il ne rendrait pas public les noms des jurés, comme le lui demandaient des journalistes, par crainte pour "leur tranquillité et leur sécurité".

"Je n'imaginais pas que cette affaire susciterait de telles émotions. Je ne me sentirais pas bien si je donnais leurs noms", a-t-il déclaré devant le tribunal. Il a ajouté que certains documents liés au procès avaient été placés sous scellés pour éviter toute interférence dans l'enquête.

Au début du mois déjà, Trump avait pris la défense de son ancien collaborateur, établissant sur Twitter une comparaison avec le traitement réservé à Al Capone, figure de la mafia durant la Prohibition.

"En nous penchant sur l'Histoire, qui a eu droit au pire traitement: Alfonse Capone, légendaire parrain de la mafia, tueur et 'ennemi public numéro un', ou Paul Manafort, acteur politique et coqueluche de Reagan/Dole aujourd'hui à l'isolement cellulaire alors qu'il n'a été reconnu coupable de rien ?", avait-il interrogé.

DOUTE RAISONNABLE

A un journaliste lui demandant vendredi s'il pourrait faire usage de son droit de grâce dans l'éventualité d'une condamnation de Manafort, Trump a répondu: "Je ne parle pas de cela pour le moment."

Il est tout à fait inhabituel qu'un président se prononce sur un procès en cours, qui plus est en pleines délibérations du jury.

Les six hommes et six femmes composant le jury ont déjà délibéré pendant deux jours, jeudi et vendredi, dans une pièce du tribunal, près de Washington, sans parvenir à se mettre d'accord sur un verdict concernant les 18 chefs d'inculpation visant Manafort.

Au terme de la première journée, ils avaient demandé au juge Ellis de définir le concept de "doute raisonnable" - les jurés doivent établir si l'accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable. Ils attendent aussi une définition du concept de "société dormante" (shelf company).

Ces demandes, estiment des spécialistes de la procédure judiciaire, suggèrent qu'un juré au moins n'a pas été convaincu par l'accusation.

Lors du procès, qui a duré deux semaines, les procureurs ont fait déposer 27 témoins à la barre. La défense n'a pas souhaité produire de témoins, estimant que l'accusation avait échoué à démontrer la réalité des charges retenues contre Manafort.

Le dossier porte sur les millions de dollars gagnés par Manafort, aujourd'hui âgé de 69 ans, pour son travail de consultant politique auprès de politiciens pro-russes en Ukraine, dont l'ex-président Viktor Ianoukovitch qu'il a conseillé lors de sa campagne électorale victorieuse en 2010.

Les procureurs accusent Manafort d'avoir dissimulé plus de 16 millions de dollars au fisc et d'avoir obtenu frauduleusement 20 millions de prêts bancaires.

Ses avocats ont notamment attaqué la crédibilité de Rick Gates, ancien associé de leur client et témoin-clef de l'accusation. Lui aussi inculpé par le procureur Mueller, Gates a plaidé coupable et coopère avec les enquêteurs. Kevin Downing, avocat de Manafort, a notamment utilisé une liaison extraconjugale de Gates pour tenter de mettre sa parole en doute. (Henri-Pierre André et Tangi Salaün pour le service français)