Les marchés actions sont en pleine forme. Au fond du trou il y a à peine plus d’un mois, les indices ont fortement rebondi, au point de dépasser les niveaux qui prévalaient avant le "jour de la libération", le 2 avril. Les investisseurs saluant la détente dans la guerre commerciale lancée par Donald Trump.

Le "pivot américain" se situe en réalité le 9 avril, date à laquelle Donald Trump a suspendu pour 90 jours les droits de douane réciproques. Depuis cette date, les indices actions ont rebondi, au fur et à mesure des signes d’ouverture américains. Et ces derniers jours les premiers accords ont été annoncés.

La semaine dernière, c’est le Royaume-Uni qui a eu l’honneur d’ouvrir le bal. En contrepartie de l’ouverture plus large aux produits agricoles américains, le Royaume-Uni bénéficiera d’un allègement de certains droits de douane - les tariffs sur les voitures britanniques sont ramenés à 10% dans la limite d’un quota de 100 000 véhicules annuels et l’acier et l’aluminium sont exemptés de la surtaxe de 25%.

Et lundi, les Etats-Unis et la Chine ont annoncé un accord pour une pause de 90 jours, après un week-end de discussions à Genève. Les droits de douane américains sur les produits chinois passent de 145% à 30%, tandis que les surtaxes chinoises sur les produits américains passent de 125% à 10%.

"Plus méchant que la Chine"

Une détente qui laisse imaginer aux marchés financiers que d’autres accords suivront. Du point de vue de l’Union Européenne, cette dynamique peut sembler encourageante. Mais quelques heures après l’annonce de la pause avec la Chine, Donald Trump estimait que l’Union Européenne est "plus méchante que la Chine." Un commentaire qui fait suite à ses déclarations du mois du mars : "l’Union Européenne a été créée pour entuber les Etats-Unis".

Tout cela confirme ce que l’on savait déjà : Donald Trump n’est pas un fan de l’Union Européenne. Et tactiquement, il a peut-être intérêt à durcir le ton avec l’UE, pour faire un exemple, alors que les accords des derniers jours laissent un peu l’impression que les Etats-Unis ont fait beaucoup de concessions. D’autant que la détente sur les marchés financiers offre un peu de marge de manœuvre pour adopter une position plus ferme.

Surtout, sur le fond, c’est avec l’Union Européenne que les discussions semblent les plus difficiles. En effet, les reproches des Etats-Unis envers l’Union Européenne sont nombreux. D’abord, l’Union Européenne a le 2ème plus important excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis (236 milliards de dollars en 2024). Ensuite, si le niveau de droits de douane moyen de l’UE est assez proche de celui des Etats-Unis (avant le début du second mandat de Donald Trump), il y a la question des barrières non tarifaires. En clair, tous les éléments qui empêchent la juste compétition (subventions, règlementations, dévaluation de la monnaie), et donc défavorisent les produits américains. De ce point de vue, l’Europe, avec sa réglementation dense et complexe, apparaît comme un partenaire particulièrement difficile aux yeux des États-Unis.

L’administration Trump a aussi dans son viseur la TVA. Comme nous l’expliquions le mois dernier, la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) est un impôt payé par le consommateur final. C’est donc neutre pour les entreprises qui ne font que la collecter pour le compte de l'Etat. Mais comme il n’y a pas d’équivalent aux Etats-Unis, Donald Trump estime que c’est une barrière douanière déguisée. Et c’est un point sur lequel il sera difficile pour les Européens de faire une concession à Washington, car la TVA est une source majeur de revenus pour les états. En France, par exemple, la TVA représente 27% des recettes dans le budget 2025.

Des positions à clarifier

L’autre problème, c’est que la position américaine n’est pas claire. C’est ce qui ressort des trois rencontres entre le commissaire européen au commerce, Maroš Šefčovič, et ses homologues américains Howard Lutnick (secrétaire au commerce), Kevin Hassett, et Jamieson Greer. Pour le résumer simplement, les Européens sont prêts à faire un certain nombre de concessions pour échapper aux droits de douane américains mais ces derniers ne sont ni clairs ni constants dans leurs exigences.

Pour rappel, l’UE s’était vu imposer des droits de douane réciproques de 20% le jour de la libération, ramené à 10% après la pause de 90 jours annoncée le 9 avril. Et les droits de douane de 25% sur les exportations d’automobile, d’acier et d’aluminium s’appliquent toujours pour les entreprises européennes.

En cas d’échec des négociations, l’Union Européenne a annoncé la semaine dernière des mesures de rétorsions aux droits de douane américains, visant Boeing, le Bourbon, ou encore les produits agroalimentaires, pour un montant total de 95 milliards de dollars.

Il reste désormais un peu moins de deux mois avant la fin de la suspension des droits de douane réciproques. Un horizon assez court pour conclure un deal. Hier, depuis l’Arabie Saoudite, Scott Bessent indiquait d’ailleurs qu’il ne s’attendait pas à un accord rapide, estimant que l’Europe a un "problème d’action collective, c’est que les Italiens veulent quelque chose de différent des Français". En effet, chaque pays a des intérêts divergents dans ces négociations. La clé maintenant pour les européens est de conserver une forme d’unité, et d’éviter que les Etats-Unis n’essayent de négocier directement avec chaque gouvernement.