Jusqu’à présent, nous avons connu deux bouleversements majeurs sur Internet. Les premières lignes de code d’Internet créées par un nombre limité de sociétés ont vu le jour dans les années 90, avec des pages statiques, en lecture seule, ne permettant aucune interaction avec les utilisateurs. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. En revanche, le Web 1.0 a le mérite d’avoir été la révolution technologique permettant de démocratiser l’accès à l’information :

Page d’accueil de Yahoo en 1995
Source : Waybackmachine.com

Si les utilisateurs pouvaient rechercher des informations et lire des pages sur internet, l’interaction entre les sites et les internautes était inexistante. Les interfaces étaient à la fois désorganisées et contre-intuitives, mais, comme toute nouvelle technologie, il est nécessaire que jeunesse se fasse avant de s’imposer. Le Web 2.0 est arrivé en trombes au milieu des années 2000. Les plateformes connues de tous à l’instar de Google, Amazon, Twitter ou encore Facebook ont émergé pour faciliter les connexions, les transactions entre l’utilisateur et les éditeurs sur Internet. Nous pouvons désormais créer nos propres comptes, nos propres blogs, naviguer entre moult applications, ce qui implique donc de posséder une identité numérique sur internet. Les sociétés ont flairé l’affaire du business des données personnelles à l’ère du commerce électronique, et les GAFAM ont pu commercialiser à moindre coût des produits et services auprès d’utilisateurs de plus en plus addicts aux différents services sur le web. Vous savez, lorsque vous recherchez des avis sur des produits sur un site internet et que quelques instants plus tard, sur votre réseau social favori, vous tombez nez-à-nez sur une publicité du même type que le produit dont vous avez recherché des avis quelques minutes plus tôt. Coïncidence? Hasard ? Non. 

Applications partageant le plus les données personnelles
Source : Statista (2021)

Le business juteux des données personnelles, habilement utilisé à des fins commerciales ont permis à des sociétés d’engranger des bénéfices records ces dernières années.

 

Evolution du chiffre d'affaires annuel des FAAMNG en milliards de dollars
entre 2005 à 2020. 
Source : Statista

Les critiques se sont propagées contre ces marchands de données, peut-être un peu trop tard puisqu’ils sont désormais considérés comme étant plus puissants que certains Etats. Si les entreprises ont accumulé trop de pouvoir, le Web 3.0 consiste à récupérer une partie de ce pouvoir.

Web 3.0 : se réapproprier ses données

Un Internet où de nouveaux réseaux sociaux et moteurs de recherche apparaissent sans aucun suzerain d’entreprise. Une promesse de décentralisation du pouvoir vers les utilisateurs ? C’est l’ambition de cette nouvelle ère internet. Un web décentralisé alimenté par la technologie de la blockchain et de ses registres distribués. Imaginez-le comme une sorte de grand livre public de la comptabilité où de nombreux ordinateurs hébergeant des données consultables partout dans le monde et par n’importe qui. Un grand livre public des données exploité par les utilisateurs collectivement, plutôt que par une société.  

Système décentralisé VS Système centralisé

Les utilisateurs qui contribuent au système seront alors rémunérés pour leur contribution et leur participation afin de valider les opérations sur la blockchain. Une opération pourrait être, par exemple, de publier un post sur un réseau social, une requête sur un moteur de recherche ou encore envoyer un email à votre collègue préféré et tout ça de manière algorithmique via une blockchain. Ne vous inquiétez pas, nos bestioles informatiques sont là pour faire ces calculs à notre place.

Je suis bien conscient que le Web 3.0 peut s’apparenter à du vaudou, une utopie numérique lointaine de l’idée de la réinvention de l’ensemble d’Internet. Mais comme pour beaucoup de disruptions technologiques, les premiers pas de ces innovations sont souvent associés à des projets obscurs tels que le financement du terrorisme ou le blanchiment d’argent et donc peu médiatisé sur les ondes radios ou les chaines télévisés, ou si elles le sont, c’est rarement à leur avantage. Le Web 1.0 n’a pas échappé à ces critiques dans les années 90 et les cryptomonnaies ont, elles, démocratisé la technologie qui soutient le Web 3.0, à savoir la blockchain. Bien que les cryptomonnaies sont largement critiquées, attaquées de toute part par des feux croisés de banques centrales et par un certain nombre de médias, la blockchain semble, elle, faire quasiment l’unanimité quant à la technologie apportée, générant beaucoup d’argent frais pour les acteurs privés la déployant dans leur business model.

Il faut dire que l’architecture du Web3, et implicitement la blockchain, s’intègre parfaitement dans les préoccupations éthiques des consommateurs, à savoir : se réapproprier la confiance de la sécurisation des données personnelles, le respect de la vie privée et la transparence des informations. En utilisant le réseau d’une blockchain, constitué de nœuds (par déformation, des ordinateurs connectés) décentralisés capables de valider les transactions sécurisées par cryptographie, nous pouvons nous passer des entités centralisées. Par extension nous pouvons considérer l’exemple suivant : 

Message de Romain à Roxane sur une application de messagerie décentralisée sur une blockchain : “Salut, comment ça va ?” => message crypté sur la blockchain :

(adresse publique, Romain) 
26f5e963125dioe9989b7884569277eb8e731rrczota9e68f79f8ca43c570b94b

(message crypté : “Salut, comment ça va ?”)
9172e6rtc99f144f72eca9a569412580azopt2cfd174567f07e657569493bc44

(adresse publique, Roxane)
6PMnRF6NbRnIp7KkqBGorSyLGM16NVW2LA87456azddrf269fdaze1489poiurt32d

Nous comprenons qu' à la fois, nous sommes en capacité de conserver notre identité privée et qu’en plus, nos interactions sont pseudonymisées et non  pas anonymes, permettant ainsi la traçabilité, et d’éviter la récupération et la commercialisation  des données à outrance comme c’est le cas à l’heure actuelle. 

Nous dédierons un article spécifique explicatif du processus de création de l’adresse publique, qui implique différentes fonctions, comme la génération de clé privée et de clé publique. Mais il faut retenir qu’il est possible de retracer les agissements de chaque adresse publique, mais sans en connaître le contenu,  depuis la création de la blockchain. Ici, il s’agit de montrer le côté pseudonymisé des individus sur une blockchain, et non anonymisée comme certains détracteurs le laissent sous-entendre. Bien que certaines blockchains sont anonymisées, ce n’est pas le cas de Bitcoin par exemple. D’ailleurs il est possible de retracer les montants échangés entre chaque adresse publique sur Bitcoin depuis sa création, ce qui prouve son degré de transparence. Nous pouvons savoir combien de bitcoins ont été échangés entre l’adresse A et l’adresse B ces dix dernières années par exemple. Si en plus, vous avez confié votre compte à des géants du type Binance ou Coinbase, les services de Police peuvent découvrir immédiatement l’identité derrière ces adresses en contactant ces plateformes. Revenons-en à notre Web3.

Si cette nouvelle technologie permet de pseudonymiser notre identité et de crypter nos interactions tout en permettant la traçabilité et la transparence sans organe centrale de contrôle, alors nous comprenons que les géants de la tech ont du souci à se faire. L’internet actuel est un marché oligopolistique de la commercialisation des identités et des données sociales des utilisateurs, mais il est fort à parier que les règles du jeu vont changer, bien qu’il soit très improbable que les entités géantes et centralisées cèdent aussi facilement le contrôle de ces données génératrices de profits monstrueux. Les puristes de la blockchain visent une éradication pure et simple de ces acteurs, mais avec une vision moins radicale, nous pouvons penser que l’oligopole du web 2.0 intégrera des services du web 3.0 pour rester pertinents. 

Entre pourfendeur et fanatique de la cryptoshpère, la question de la décentralisation et de la désintermédiation fait largement débat. Les initiateurs de la mise en lumière de la blockchain à l’image du mystérieux Satoshi Nakamoto, ont probablement fait émerger une technologie disruptive de l’internet de nos jours. Redonner le pouvoir aux utilisateurs ne sera pas une mince affaire, mais la promesse est belle. 

Cet épisode 1 du Web 3.0 est finalement une longue introduction du cataclysme technologique qui se prépare en coulisse, pour l’épisode 2, je vous concocte une série de cas concret dans l’univers des  NFT, et loin de moi l’idée de vous convaincre d'acheter un Cyberpunk ou autre monstruosité numérique pouvant atteindre des sommes stratosphériques. Nous mettrons sur la table les initiatives actuelles ayant l’ambition de vous redonner le contrôle de vos données, et encore mieux, de pouvoir monétiser vos créations et expériences digitales. Convaincu de vous avoir fait saliver, je m’empresse de rédiger l’épisode 2 afin de le publier dans les colonnes de Zonebourse. A la question : Le Web 3.0 est-il à l'assaut des GAFAM ? La réponse est définitivement oui. Petit spoil, la prochaine question est : dans quelle mesure ? Rendez-vous au prochain épisode.

Episode suivant : Episode 2 : Le Web 3.0 à un clic de protéger nos données personnelles