Lien vers l'épisode 1 avant de commencer cet épisode 2  : Le Web 3.0 à l’assaut des GAFAM ?

A l’heure actuelle, la publicité, pour qu’elle soit efficace, doit être ciblée. Inutile de montrer des encarts publicitaires promouvant du matériels de piscine ou des biberons à un jeune étudiant célibataire dans une collocation à Paris. Le Graal pour les annonceurs est d’envoyer les bons messages aux bonnes personnes, et pour ce faire, les acteurs de la publicité doivent créer des profils virtuels et y intégrer les activités de navigation afin d’y concentrer les goûts et les aversions de leurs utilisateurs. Si cela semble inoffensif, limite bienveillant, pour aider le consommateur à gagner du temps pour son shopping virtuel, les techniques utilisées deviennent particulièrement invasives avec une frontière de plus en plus fine entre comportement éthique et poursuite incessante du profit.

L’enquête de 2020 sur les droits fondamentaux menée par l’European Union Agency For Fundamental Rights révèle, entre autres, que : 

  • 41% ne souhaitent partager aucune donnée personnelle avec des entreprises privées, soit presque le double par rapport aux organismes publics ;
  • 55% craignent que des criminels ou des fraudeurs n'accèdent à leurs données personnelles. Environ 30 % s'inquiètent de l'accès à l'information des annonceurs, des entreprises et des gouvernements étrangers à leur insu ;
  • Seulement 51% savent qu'ils peuvent accéder à leurs données personnelles détenues par les entreprises.

L’agence européenne s’appuie sur les réponses de 35 000 personnes dans tous les États membres de l'UE, la Macédoine du Nord et le Royaume-Uni. Vous vous reconnaissez dans les réponses de cette enquête ? Alors comment se prémunir de l’exploitation à outrance de nos données personnelles ? La première étape lorsque nous voulons surfer sur le web, est de faire une requête sur Google un moteur de recherche. Une étape recueillant déjà un grand nombre de données pour ériger notre identité numérique.   

Brave : l’alternative surprenante à la publicité traditionnelle

Un navigateur Web de Brave Software a été lancé en 2016 par l’américain Brendan Eich, co-fondateur de Mozilla Firefox et créateur du JavaScript, autrement dit, pas un jeune geek inconnu au bataillon. Brave utilise un modèle commercial atypique : il supprime les publicités des sites Web et bloque les trackers (technique farfelue par laquelle un site web collecte, enregistre et partage les informations sur les activités d’un individu naviguant sur la toile) par défaut. Vous imaginez bien la levée de boucliers des sites web dont les revenus proviennent essentiellement des publicités. Mais c'était sans compter sur le Brave Rewards qui permet de récompenser les sites les plus visités mais aussi et surtout de donner la possibilité aux internautes de récompenser à leur tour les créateurs de contenus directement. Une sorte d'utopie numérique ? Décortiquons le moteur de recherche 3.0. 

Un modèle économique basé sur l’utilisateur

Brave, au même titre que les autres navigateurs, permet aux utilisateurs de se balader de site web à site web, d'exécuter des applications et d’afficher du contenu en ligne. Jusqu’ici rien de bien nouveau et comme ses consorts, Brave est gratuit et téléchargeable par tous. En revanche, le navigateur 3.0 peut se targuer de deux choses : la vitesse et l’intimité. Les deux résultent de sa stratégie de suppression des publicités. C’est d’ailleurs plutôt logique puisque en éliminant les publicités et les trackers, Brave télécharge beaucoup moins de contenu d’un site web que n’importe quel autre navigateur sans extension de blocage de publicités. 

Confidentialité en ligne par défaut : Brave comparé à d'autres navigateurs
Source : Brave.com

Depuis l'apparition de Brave, les navigateurs grand public comme Chrome, Edge, Firefox, Safari et autres ont également adopté divers types de défenses anti-pistage. En fait, là où les performances de rapidité d'exécution étaient autrefois le champ de bataille entre les navigateurs, les fonctionnalités de confidentialité représentent désormais le point névralgique de cette guerre, et c'est le blocage des trackers sur lequel les applications sont dorénavant jugées. La prétention de Brave à la supériorité de la confidentialité, alors, n'est pas aussi convaincante qu'il l'était, disons, à sa genèse.

Si l’attitude anti-tracking agressif à de quoi séduire les internautes en nettoyant les dites publicités des sites web, Brave les remplace par ses propres publicités qui ne sont pas ciblées individuellement mais plutôt agrégées anonymement. De plus, au lieu d’afficher des publicités sur des sites internet, Brave envoie une notification afin d’inciter l’utilisateur à cliquer sur celle-ci plutôt qu'à polluer le site consulté :

En bas à droite la notification publicitaire
Source : Brave.com

En cliquant sur la notification, vous ouvrirez “la réelle” publicité. En éliminant les trackers qui collectent les données des utilisateurs, le respect de la vie privée sur internet peut-être honoré. Jusqu’à présent nous comprenons que nous pouvons nous promener sur internet, sans que nous soyons tracés et sans que nos données personnelles soient collectées. Une étape déjà importante pour une grande partie d’entre nous, navigateurs chevronnés du web. 

Mais, vous vous rappelez, lorsque quelques lignes plus haut, je mentionnais “Brave Rewards permet de récompenser les sites les plus visités mais aussi et surtout de donner la possibilité aux internautes de récompenser à leur tour les créateurs de contenus directement.” Plongeons dans l’écosystème Web3 de Brave.

Le programme Brave Rewards

Commençons par le cœur du système. La pierre angulaire du programme est la devise utilisée derrière le Brave Rewards qui n’est pas une devise traditionnelle à l’instar de l’euro ou du dollar, mais une monnaie numérique dénommée le BAT (Basic Attention Token) basée sur la blockchain Ethereum. Ces jetons sont attribués en fonction de l’attention de l’utilisateur, ou plutôt du temps passé à regarder des publicités et du contenu. C'est-à-dire qu’une part des revenus publicitaires sont distribués aux sites web, aux utilisateurs et à Brave. N'espérez pas vous la couler douce en sirotant des cocktails tout en regardant des publicités qui vous mèneront à la liberté financière, à titre d’exemple, j’ai péniblement réussi à engranger l’équivalent de 5$ en BAT sur un mois qui sont directement stockés sur mon portefeuille Brave. Je peux désormais les transformer en devise traditionnelle ou encore faire un don de mes BAT à un créateur de contenu que j’affectionne (encore faudrait-il qu’il soit vérifié et certifié par les développeurs de Brave afin qu’il puisse recevoir les BAT).

Interface pour envoyer un pourboire à un créateur de contenus digitaux
Source : Brave.com

Avec quelque 26 millions d’utilisateurs mensuels sur le navigateur, ils représentent une goutte d’eau dans l’océan de recherches quotidiennes sur Internet. Pour convaincre les annonceurs de s'intéresser à la plateforme et de dépenser de l’argent en publicité, l’adoption pour la navigateur doit être massive, sans quoi, comme beaucoup d’autres innovations, le projet plongera dans les abysses. 

Pas de dépenses publicitaires = pas de bénéfices = pas d’économie viable pour Brave = Jeton sans valeur

Prix et performances 

Je tiens à vous faire un petit aparté concernant la valorisation du BAT sur le marché des actifs numériques. Le jeton BAT a progressé de plus de 450% depuis le début de l’année passant de 0,20$ l’unité à 1,20$. Car oui, quand nous convertissons nos BAT générés en visionnant des publicités, la conversion n’est pas aussi intéressante lorsque le jeton vaut 0,20$ que lorsqu’il vaut 1,20$. La capitalisation boursière (Market Cap) du BAT dépasse désormais les 1,7 milliards de dollars.

Cours du jeton BAT (2021)
Source : CoinMarketCap

Brave se veut être un navigateur open source compatible avec la cryptographie et un outil nécessaire dans l’économie du Web3. Le navigateur prouve qu’il est possible de conserver ses données personnelles en surfant sur la toile sans qu’elles soient utilisées, une grande majorité du temps à notre insu, à des fins commerciales générant des profits monstrueux pour des entités centralisées. En plus, Brave permet de donner une partie des revenus publicitaires à l’utilisateur, qui dans le Web2 est tout simplement la poule aux œufs d’or d’un oligopole de sociétés de la revente d’identités numériques. La simple ambition de vouloir redonner une partie du pouvoir aux utilisateurs, sans qu’ils soient pistés au moindre clic sur le web par les mastodontes outre-Atlantique est une initiative remarquable. Si Brave ne vient pas à s’imposer en tant que navigateur dans les prochaines années, il pourra au moins s'enorgueillir d’avoir été un des premiers à vouloir changer la façon dont nous utilisons Internet.

Pour ce deuxième épisode du Web 3.0, j’ai voulu commencer par le commencement, autrement dit, présenter une alternative à la première étape lorsqu’on parle d’Internet : réaliser une recherche sur un navigateur. Je note dans ma longue “To-Do List” du Web3 de vous réaliser un tutoriel complet présentant de fond en comble chaque interface, chaque onglet, chaque outil de Brave. Pour le prochain épisode de cette saga dédiée au Web3, nous laisserons de côté l’aspect publicitaire lié à la navigation sur les sites web, afin de concentrer nos efforts sur la monétisation de nos expériences et créations digitales sur la toile. L’heure de la rémunération de nos efforts digitaux a sonné. Rendez-vous au prochain épisode.

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