Qu’est-ce que la confiance ? 

Il n’est pas facile de définir le concept de confiance. D’ailleurs il existe différents courants scientifiques et philosophiques pour l'expliquer. Partons du simple principe que la confiance peut être définie, comme le dictionnaire le prévoit, de la manière suivante : “Sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à un individu ou à un système”. La confiance peut prendre diverses formes : la confiance en un ami, en un professionnel de santé, en Dieu, en un gouvernement ou encore en une monnaie. Je pourrais même dire en un vaccin, mais je ne me ferais pas que des amis. A noter que la confiance n’exige pas une maîtrise et compréhension complètes de tous les composants techniques qui constituent un système particulier. 

Par exemple, il n’est pas nécessaire de comprendre le fonctionnement technique d’un avion pour être “sûr” que l’avion volera en toute sécurité et arrivera à destination. La confiance peut être obtenue grâce aux expériences antérieures et aux connaissances générales accumulées au fil du temps. Dans le cas d’un avion, nous avons la connaissance commune que très peu d’avions s’écrasent et nous avons confiance dans les ingénieurs qui ont conçu, testé et validé toutes les pièces de l’avion ainsi qu’aux multitudes de réglementations de sécurité qui contraignent les compagnies aériennes afin que le voyage se passe en toute sécurité. 

Mais comme nous l’avons vu ou vécu, cette confiance peut se perdre ou du moins s’effriter que ce soit envers une personne ou un système. Reprenons nos avions. Les accidents mortels du Boeing 737 Max en 2019 ont engendré automatiquement une baisse de confiance envers cette catégorie d’avion aussi bien du côté des passagers que du côté du personnel navigant : “Il faut que nous puissions faire confiance à Boeing quant à la divulgation sincère des informations nécessaires au fonctionnement de nos avions en toute sécurité", Capitaine Jonathan Weaks, président de l'Association des pilotes de Southwest Airlines (SWAPA). Cela montre bien à quel point la notion de confiance peut s’épuiser rapidement. L’aéronautique est un exemple, mais cela s’applique à tous les secteurs, et les médias n’y échappent pas car certains sont régulièrement pointés du doigt pour la désinformation.

 

Evolution de la confiance envers les médias
Source : Statista 

La blockchain : élimination ou maximisation de la confiance ?

La crise financière de 2008, qui a été en partie attribuée à l’incapacité des institutions traditionnelles de contenir un krach financier a provoqué un regain d'intérêt des individus pour le concept de confiance. Plus récemment, les abus de quelques sociétés championnes de la commercialisation des données personnelles, et parfois même accusées de coercition publique, ont effrité la confiance des utilisateurs envers ces entités privées. Mais en quoi la blockchain pourrait résoudre ce souci de confiance ? 

Nous pouvons considérer que la nécessité de confiance réside où l’incertitude règne. Autrui peut-être défaillant en ne tenant pas ses engagements, une autorité souveraine peut être plus faible que l’on pensait, une société détentrice de données personnelles peut être piratée, un homme peut corrompre sa foi envers Dieu… Philosophiquement, la blockchain tend alors, par le biais mathématique et algorithmique, à permettre aux individus de traiter entre eux en éliminant le besoin de confiance. Conceptuellement, cette technologie tend plutôt à maximiser le degré de confiance au point de ne plus se soucier du besoin de confiance. 

L’exemple de Bitcoin : la confiance dans la rigueur mathématique

Dans le cas de Bitcoin, toute personne qui comprend le protocole peut être sûre que le réseau générera une quantité particulière de nouveaux bitcoins (6,25, bitcoins) dans des conditions spécifiques (chaque fois qu'un mineur trouve la solution mathématique pour fermer un bloc avec la fonction mathématique de hachage) et à un rythme particulier (dans un délai moyen de 10 minutes), sans avoir besoin de s'appuyer sur une quelconque institution financière ou autre autorité centralisée. De plus, comme tout le monde peut détenir une copie de la blockchain (pour plus de 300 Go), les utilisateurs peuvent collectivement revoir et vérifier toutes les transactions exécutées sur le réseau (depuis sa création), afin de s'assurer qu'elles sont toutes conformes aux règles du protocole. 

Source : aef.asso.fr

Le fonctionnement de la rémunération des mineurs et donc de la validation des transactions via le consensus algorithmique de “preuve de travail” fera l’objet d’un prochain épisode. Ici nous nous cantonnons au concept de confiance. Retenez pour cet épisode, que les mineurs sont ceux qui connectent leurs ordinateurs (à l’aide du matériels de minage) sur la blockchain (grâce à l'installation d'un logiciel). Une fois connectés, les ordinateurs (appelés "nœuds" sur la blockchain) vérifient les transactions et valident les blocs de la chaîne. On comprend alors qu’il est nécessaire d’avoir confiance dans les mineurs qui valident nos transactions.

Schéma d’une transaction sur une blockchain
Source : Changethework.com

 

Blockchain Bitcoin : la corruption est évincée

Etant donné que les nœuds sur la blockchain sont en fin de compte contrôlés par des individus et peuvent donc être soudoyés ou corrompus, des garanties supplémentaires doivent être introduites dans ces systèmes afin de réduire davantage le besoin de faire confiance à un mineur individuel. D'une part, l'algorithme de consensus de “preuve de travail” de Bitcoin (bien qu’il en existe d’autres) est destiné à répartir la confiance entre une grande variété de mineurs, réduisant ainsi le risque d'opportunisme individuel (les transactions sont vérifiées par l’ensemble du réseau et non par un seul mineur qui ferait guise d’autorité centrale). D'un autre côté, comme tous les nœuds (ordinateurs connectés au réseau) détiennent une copie de la blockchain (c’est une condition pour miner), ils peuvent toujours vérifier que chaque transaction enregistrée est valide et légitime. Par conséquent, toute personne interagissant avec la blockchain Bitcoin peut avoir un niveau élevé de confiance qu'elle fonctionnera comme prévu, car chaque transaction est traçable par tout le monde. D’où l’adjectif largement répandu concernant la blockchain Bitcoin, qui est dite : d'infalsifiable. Enfin, contrairement à une entité centralisée, si un nœud venait à être défaillant, tout le système ne serait pas remis en cause car l’ensemble des autres nœuds du réseau prendrait le relais (puisque tout le monde a le même historique de données). Alors qu'aujourd'hui, lorsqu’une entité centrale est piratée, tout le système est paralysé.  

La limite au système : la confiance est déplacée 

La confiance ne peut jamais être complètement éliminée, elle est partiellement déplacée aux développeurs et mineurs du réseau. Par conséquent, bien que le protocole blockchain puisse contribuer à accroître la confiance dans la manière dont les transactions seront traitées, un tel degré de confiance n'est possible que dans la mesure où l'on peut faire confiance aux mineurs ainsi qu’aux principaux développeurs du réseau d'agir d'une manière qui ne compromet pas la sécurité, la fiabilité et la prévisibilité du système basé sur la blockchain. Le code source pourrait être modifié si la majorité du réseau le décidait. La confiance est finalement remise entre les mains du réseau et tous ses acteurs. Un réseau qui se veut cependant transparent et accessible à tous. 

Pour l'heure, le réseau Bitcoin se révèle inviolable et sans faille depuis sa création, et la constante augmentation du nombre de nœuds favorise son degré de décentralisation, car de plus en plus de machines vérifient les blocs afin qu’ils soient légitimes.

Nombre de noeuds sur le réseau Bitcoin et sa répartition géographique
Source : bitnodes.io

Ici, nous avons compris que la blockchain réinvente le concept de confiance. Une confiance décentralisée (à travers tous les nœuds) et transparente (car accessible à tous) qui permet d’éliminer le besoin de confiance. Ou du moins le déplacer vers plusieurs entités utilisant un algorithme mathématique transparent, plutôt que vers une seule entité centrale aux moyens opaques. Vous vous rappelez quand je disais un peu plus haut que  “La confiance peut être obtenue grâce aux expériences antérieures et aux connaissances générales accumulées au fil du temps”? Comme pour les avions, la blockchain doit accumuler des expériences et des connaissances générales par ses utilisateurs et observateurs afin qu’elle soit potentiellement largement adoptée. La confiance suivra.

Dans cette saga nous allons accumuler les connaissances pour être averti et être en mesure de mieux appréhender cette technologie si jamais elle s’imposait, dans une certaine mesure, dans notre quotidien. 

Si cette technologie permet de transférer la confiance des entités centralisées traditionnelles à un réseau décentralisé peuplé de mineurs, plusieurs questions se posent. Comment pouvons-nous nous fier à cette confiance décentralisée ? Qu’est-ce qui pousse les mineurs à dépenser de l’énergie pour enregistrer les transactions ? Comment sommes-nous identifiés par les mineurs (clé publique et clé privée) ? Une cessation de l’activité des mineurs et donc de la validation des transactions est-elle possible ? Après avoir compris que la notion de confiance décentralisée est permis avec la blockchain, nous allons dans le prochain épisode explorer les tenants et les aboutissants du système de minage qui se révèle être le cœur de la confiance de la blockchain. Rendez-vous au prochain épisode.

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