par Inmaculada Sanz et Paul Day

MADRID, 20 mai (Reuters) - Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui s'est déchiré à l'automne dernier sur l'attitude à adopter face au gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, se dote ce dimanche d'un nouveau secrétaire général sur fond de bataille pour le leadership sur la gauche espagnole, que lui conteste Podemos.

Pedro Sanchez, hostile au maintien au pouvoir du dirigeant du Parti populaire (PP), a démissionné en octobre dernier après avoir été mis en minorité par les instances dirigeantes du PSOE et remet son mandat en jeu devant les quelque 188.000 adhérents du parti.

Sa principale rivale, Susana Diaz, présidente de l'exécutif régional d'Andalousie, avait plaidé pour sa part pour une abstention des députés socialistes sur le gouvernement Rajoy. Sa ligne l'a emporté, permettant à Rajoy d'obtenir la confiance du Parlement et à l'Espagne d'éviter de retourner une nouvelle fois aux urnes après les élections législatives de décembre 2015 et juin 2016.

A 42 ans, soutenue par la vieille garde du PSOE dont les ex-chefs de gouvernement Felipe Gonzalez et José Luis Rodriguez Zapatero, Susana Diaz, si elle l'emporte, deviendra la première femme à diriger le parti en 138 ans d'existence.

Un troisième candidat, l'ancien président du Congrès des députés et ex-chef du gouvernement régional du Pays basque Patxi Lopez, se présente mais ses chances semblent minimes.

Du choix des militants pourrait dépendre le leadership que le PSOE, qui a subi l'an dernier ses plus mauvais scores électoraux, exerce encore sur la gauche espagnole mais que menace Podemos.

L'émergence du parti de la gauche radicale conjuguée à la poussée des centristes de Ciudadanos ont balayé le bipartisme qui organisait la vie politique espagnole depuis le rétablissement de la démocratie - ces deux nouveaux venus disposent, ensemble, de près d'un tiers des sièges au Congrès des députés (71 pour Podemos et 32 pour Ciudadanos), le PP en contrôle 137 et le PSOE 85. Depuis 2008, le PSOE a perdu 5,8 millions de voix.

"PASOKISATION" ?

En annonçant vendredi le dépôt d'une motion de défiance contre le gouvernement Rajoy, Podemos s'est invité dans la primaire socialiste.

Le mouvement anti-austérité, qui a recueilli près d'un cinquième des suffrages lors des législatives de 2016, ne compte pas suffisamment de députés pour faire tomber le président du gouvernement espagnol. Mais son initiative est un message adressé aux adhérents du PSOE: choisissez-vous un leader capable de détrôner Rajoy ou au contraire un dirigeant qui vous condamnera à rester dans l'opposition.

Interrogé par Reuters, le député José Luis Ábalos, coordinateur de la campagne de Sanchez, ne dit pas autre chose et met en garde les socialistes: "Quand le PSOE perd son image d'alternative et se confond avec l'adversaire, l'électorat ne se reconnaît plus en lui et finit par se tourner vers d'autres propositions plus populistes", dit-il.

La porte-parole de Podemos, Irene Montero, qui a déposé vendredi la motion de défiance au Congrès des députés, a souligné que son mouvement incarnait "une alternative sérieuse au Parti populaire, une alternative qui respecte les droits humains et la démocratie, qui ne tolère pas les pratiques autoritaires, le pillage ou les pratiques corrompues", a-t-elle dit.

Ce qui se joue sur la gauche de l'échiquier politique espagnol reflète des batailles similaires engagées dans d'autres pays européens, comme la France où les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon ont contribué au cuisant revers du Parti socialiste, Benoît Hamon signant au première tour de l'élection présidentielle le plus mauvais score d'un candidat PS depuis 1969.

Podemos espère aussi une "pasokisation" du Parti socialiste espagnol, qui s'engagerait sur un déclin comparable à ce qu'a vécu le Parti socialiste grec (Pasok), débordé sur sa gauche par le parti Syriza du Premier ministre Alexis Tsipras.

Notant que le PSOE conserve une solide bases territoriale, les politologues jugent faible la probabilité de voir les socialistes espagnols suivre la même voie que leurs homologues grecs.

"Le problème fondamental (du PSOE), c'est qu'il va rester dans l'opposition dans de nombreux cycles électoraux à venir, non pas parce qu'il disparaîtrait, mais parce qu'il n'aura pas la capacité de forger des coalitions alternatives pour déloger le PP de La Moncloa (ndlr, le siège de la présidence du gouvernement)", explique le politologue Pablo Simón. (Henri-Pierre André pour le service français)