(répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* De nouvelles règles conduiront à requalifier certaines créances

* Les provisions nécessaires pourraient atteindre E8 milliards

* L'Etat pourrait encore être appelé à la rescousse

* Un effort de transparence jugé positif sur le long terme

par Julien Toyer et Sarah White et Tomás Cobos

MADRID, 12 mai (Reuters) - L'assainissement du secteur bancaire espagnol est sur le point d'entrer dans une phase décisive car de nouvelles règles fixées par la banque centrale vont probablement forcer les établissements de crédit à reconnaître de nouvelles créances douteuses.

Analystes et banquiers estiment que ces règles vont peser sur les résultats et réduire les dividendes, ce qui obligera certaines banques à céder des actifs ou à envisager une fusion. Quant à l'Etat, il pourrait être contraint d'injecter plusieurs milliards d'euros supplémentaires dans le secteur.

A plus long terme, toutefois, les banques espagnoles pourraient bénéficier de l'avance prise sur leurs concurrentes étrangères.

Les banques ont déjà passé de lourdes provisions l'an dernier pour couvrir les risques liés à leurs actifs immobiliers "toxiques" mais elles n'ont pas encore provisionné les risques que leur font courir quelque 208 milliards d'euros de prêts refinancés aux entreprises et aux ménages.

Les nouvelles règles édictées par la Banque d'Espagne vont les forcer à reclassifier d'ici septembre une partie de ces prêts en créances de qualité inférieure nécessitant donc de nouvelles provisions.

Celles-ci pourraient atteindre huit milliards d'euros pour l'ensemble du secteur bancaire espagnol selon une analyse de Reuters, qui a interrogé sur le sujet plus de 20 personnes au sein des banques, des autorités de régulation, de la banque centrale, du ministère de l'Economie, ainsi que des analystes financiers.

52 MILLIARDS DE PRÊTS À REQUALIFIER ?

Si la banque centrale assure que les nouvelles règles auront un impact limité sur le secteur, elle a reconnu dans un rapport publié la semaine dernière s'attendre à une augmentation des créances douteuses cette année. Certains analystes estiment que celles-ci pourraient atteindre 20% de l'encours total de prêts, contre 10,4% aujourd'hui.

L'une des conséquences indirectes de cette évolution pourrait être une multiplication des dépôts de bilan chez les entreprises endettées, les banques étant désormais dissuadées de refinancer des prêts à des entreprises moribondes.

On ne saura sans doute pas avant plusieurs mois si certaines banques auront besoin d'augmenter leur capital, et éventuellement de faire appel à l'Etat pour les recapitaliser.

Une source gouvernementale haut placée, qui a requis l'anonymat, a reconnu que les nouvelles règles pourraient faire apparaître un besoin de provisions supplémentaires d'un montant global supérieur à 10 milliards d'euros et des besoins de recapitalisation de trois à quatre milliards, auxquels Madrid pourrait toutefois faire face sans avoir à solliciter l'aide de l'Union européenne.

Selon les calculs de Reuters, en excluant leur exposition au marché immobilier, déjà largement provisionnée l'an dernier, les 15 principales banques espagnoles détenaient fin 2012 116 milliards d'euros de prêts refinancés.

Sur ce montant, 45%, soit 52 milliards d'euros, sont classés comme prêts sans risque mais devront être réévalués selon les nouvelles règles, qui considèrent a priori un prêt refinancé comme étant de qualité inférieure si la banque ne peut pas prouver le contraire.

Si tous les prêts concernés étaient requalifiés, et en prenant comme hypothèse un provisionnement à 15%, un niveau moyen pour le secteur, les établissements de crédit espagnols devraient passer des provisions d'un montant total susceptible d'atteindre 7,9 milliards d'euros.

TROIS CATÉGORIES DE BANQUES

De ce point de vue, les banques espagnoles pourraient être classées en trois catégories, selon la difficulté qu'elles auraient à s'adapter à la nouvelle donne.

La plus basse, regroupant d'anciennes caisses d'épargne régionales (les "cajas"), inclurait les groupes Bankia , Catalunya Banc et Banco Mare Nostrum, passés sous le contrôle de l'Etat, qui risquent de subir des pertes et d'être contraintes soit de faire appel à une nouvelle aide publique, soit d'accepter un rapprochement avec un concurrent plus sain.

La catégorie intermédiaire réunirait des banques qui n'ont pas eu besoin d'être recapitalisées l'an dernier, comme CaixaBank, Popular ou Sabadell, mais qui pourraient désormais devoir passer des pertes, sans pour autant avoir à rechercher un soutien extérieur.

Enfin, les trois principales banques du pays, Santander , BBVA et Bankinter, pourraient facilement s'adapter aux nouvelles règles.

Reuters a contacté les 15 banques concernées par l'analyse mais seules Bankia et Bankinter ont accepté de s'exprimer sur le sujet.

"Nos calculs nous disent que nous pouvons absorber l'impact des nouvelles règles et maintenir nos bénéfices", a dit une porte-parole de Bankia.

Un porte-parole de Bankinter a déclaré qu'il était trop tôt pour estimer l'impact mais il a précisé que des calculs préliminaires faisaient ressortir un montant plus limité que pour d'autres banques.

Le sort définitif de plusieurs des 15 banques concernées dépendra des modalités de mise en oeuvre des nouvelles règles, mais la plupart des sources du secteur auxquelles à parlé Reuters estiment que cette évolution sera bonne pour le secteur à long terme.

"Cela augmente les doutes sur les banques, surtout au moment où l'horizon semblait avoir été dégagé. Mais si cela contribue à clarifier la situation, nous jugeons cela positif", a dit une source.

Les analystes jugent que les résultats financiers et les cours de Bourse des banques pourraient profiter d'une transparence améliorée. Un effort de transparence qui devrait favoriser la réouverture des circuits du financement bancaire, donc les flux de crédit dans l'économie espagnole. (Marc Angrand pour le service français)