L’approche traditionnelle qui consiste à investir pour la retraite 60 % en actions et 40 % en obligations (approche américaine) ou une bonne partie de son capital sur du fonds en euros (approche française) est un peu dépassée... surtout la seconde option. Les rendements obligataires sont en effet proches de zéro et cette tendance - bien ancrée dans notre monde d’aujourd’hui - ne risque pas de s’inverser dès demain. Partant de ce constat, le but est de trouver des investissements alternatifs qui génèrent du rendement avec un niveau de risque tolérable. Pour cela, l’étude de la corrélation des actifs est essentielle et le Bitcoin montre des résultats intéressants en la matière.  

De la recherche d’une corrélation négative...

Développée par Harry Markowitz en 1952, la théorie moderne du portefeuille fait valoir que les investisseurs peuvent construire un portefeuille avec un couple rendement/risque optimal grâce à la diversification. Afin de maximiser son rendement tout en réduisant son risque au maximum, Markowitz préconise d’étudier la corrélation des actifs entre eux. Pour rappel, la corrélation peut varier de -1 à 1. Une corrélation de 1 indique une corrélation positive parfaite c’est-à-dire que les variables évoluent ensemble. A l’inverse, une corrélation de -1 correspond à une corrélation négative indiquant que les variables évoluent dans des directions opposées. Or, les travaux de Fidelity (Bitcoin Investment Thesis) montrent que la corrélation moyenne du Bitcoin entre janvier 2015 et septembre 2020 est de 0.11 avec une série d’actifs, en l’espèce les actions américaines, internationales, des pays émergents, l’or, l’immobilier etc. On pourrait donc parler d’une corrélation neutre.

Par le passé, il est déjà arrivé que le Bitcoin connaisse des périodes de corrélations élevées notamment avec l’or et les actions. L’exemple le plus récent est le premier trimestre 2020 suite à la crise sanitaire qui a engendré une contagion baissière sur l’ensemble des actifs. Cette corrélation ne tient plus sur un horizon de temps plus long - en l’espèce 5 ans - comme le montre Fidelity, mais qu’il convient donc de relativiser. Les corrélations ne sont pas immuables et sont amenées à varier au fil du temps. D’ailleurs, une adoption à grande échelle du Bitcoin pourrait augmenter la corrélation du Bitcoin avec d’autres actifs et diminuerait ainsi ses atouts pour une diversification optimale.

Selon le rapport de Fidelity, le prix du Bitcoin dépendrait davantage de sa popularité auprès des investisseurs, sentiment qui serait mesurée par la croissance du nombre de hashtag #Bitcoin sur Twitter. L’étude montre également que les variations sur le Bitcoin ne sont pas historiquement corrélées à ses fondamentaux comme le nombre de transactions ou la croissance du réseau mais que cette situation pourrait évoluer à mesure que la crypto-monnaie devienne largement utilisée.

"Les corrélations sont construites à partir de ce que les gens anticipent. Si l’histoire du Bitcoin devient plus cohérente, ses corrélations avec d’autres classes d'actifs pourraient augmenter." - Jeff Dorman, ARCA

En effet, une autre hypothèse avancée par Fidelity est que le manque de corrélation entre le Bitcoin et les actifs traditionnels, pourrait être dû à l’absence d’un consensus clair sur la fonction du Bitcoin. Est-ce un moyen de paiement, une valeur refuge, une devise numérique internationale, un véhicule pour optimiser ses placements ou peut-être tout à la fois ? Si le “bitcoin’s narratives” devait converger vers une seule thèse, sa corrélation pourrait tendre à plus de positivité avec les actifs traditionnels comme l’explique Jeff Dorman précédemment. 

Peu importe cette évolution à court terme, si Fidelity estime que le Bitcoin constitue un bon véhicule de diversification sur 5 ans, reste à savoir si son profil rendement/risque en vaut la chandelle.

… à un couple rendement/risque optimal 

Dans son papier de recherche, Fidelity a backtesté quatre portefeuilles : le 60/40 traditionnel et trois alternatives avec des allocations contenant chacune 1 %, 2 % ou 3 % de BTC. Les résultats montrent que si la volatilité augmente selon la quantité du capital alloué au Bitcoin, cette progression reste toutefois nettement inférieure à celle des rendements. En outre, de manière surprenante, le max drawdown - qui correspond à la perte maximale d’un investisseur s’il avait acheté au plus haut et revendu au plus bas - est le même quelque soit le portefeuille. Ainsi, peu importe le montant alloué au Bitcoin, la perte maximale est la même sur la période soit -14,2 %.

En outre, le portefeuille avec 3 % de Bitcoin a bénéficié d’un rendement annualisé supérieur de 3,4 %, en contrepartie, d’une volatilité annualisée légèrement supérieure de 1,5 %. Par conséquent, même s’il reste inférieur à 1, le ratio de Sharpe - qui mesure le couple rendement/risque d’un portefeuille - est bien meilleur pour l’allocation avec 3 % de Bitcoin puisque son résultat est 32 % plus élevé que le portefeuille classique 60/40. 

Les investisseurs qui peuvent supporter cette augmentation marginale de la volatilité préféreront sans doute une allocation avec du Bitcoin, surtout quand on sait que le max drawdown a été équivalent sur la période. Des gros investisseurs n’ont pas attendu cette conclusion pour se positionner sur la cryptomonnaie.

Suivre la smart money 

Jack Dorsey, CEO de Twitter, a fait l’acquisition de 50 millions de dollars de Bitcoin via sa société de paiement Square en 2020. On peut également noter que MicroStrategy, un éditeur de logiciel d’analyse quantitative, a investi 250 millions de dollars dans le Bitcoin en août 2020 puis à nouveau 175 millions de dollars en septembre invoquant la crise sanitaire et les incertitudes économiques mondiales. 

"Ces facteurs [la crise économique et sanitaire, les injections monétaires] et d'autres pourraient bien avoir un effet de dépréciation important sur la valeur réelle à long terme des monnaies fiduciaires et de nombreux autres types d'actifs conventionnels [...]. Nous estimons que l'acceptation mondiale, la reconnaissance de la marque, la vitalité de l'écosystème, la dominance du réseau, la résilience architecturale, l'utilité technique et l'éthique communautaire de Bitcoin sont des preuves convaincantes de sa supériorité en tant que classe d'actifs pour ceux qui recherchent une réserve de valeur à long terme” - Michael Saylor, P-DG de MicroStrategy

Autres lectures sur l’allocation d’actifs

Pour approfondir le sujet, vous pouvez également consulter la recherche complète de Fidelity (en anglais). Le rapport aborde en effet une partie plus technique. Les auteurs montrent qu’un portefeuille avec une allocation en Bitcoin aurait généré un rendement excédentaire cumulé positif sur tous les trimestres depuis janvier 2015 par rapport à une allocation sans Bitcoin. D’après le rapport, un rééquilibrage régulier expliquerait cette surperformance (vendre le Bitcoin quand il augmente ; acheter le Bitcoin dans la baisse).

Si un investisseur constituait un portefeuille contenant 3 % de Bitcoin (et 58,5 % d'actions / 38,5 % d’obligations) en janvier 2015, les rendements excédentaires cumulés par rapport à un portefeuille sans exposition aux Bitcoins seraient de 29 % en septembre 2020. Avec un rééquilibrage régulier, un portefeuille avec 3 % de Bitcoin constitué au T1 2018 aurait surperformé un portefeuille sans BTC de 1,1 %, même si son prix a ensuite chuté de plus de 70 % fin 2018.