WASHINGTON (Reuters) - La crainte des marchés financiers d'un emballement des prix entraînant un resserrement monétaire prématuré a été alimentée mercredi par l'annonce d'une accélération des prix à la consommation aux Etats-Unis plus franche qu'attendu au mois d'avril.

L'indice des prix à la consommation (CPI) a en effet progressé de 4,2% sur un an en avril, ce qui marque sa plus forte hausse depuis 2008, après 2,6% le mois précédent, montrent les statistiques publiées mercredi par le département du Travail.

Sa progression d'un mois sur l'autre s'affiche à 0,8% contre 0,6% en mars.

Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne une hausse de 0,2% d'un mois sur l'autre et de 3,6% sur un an.

L'indice d'inflation dite "core", qui exclut les éléments les plus volatils que sont l'énergie et des produits alimentaires frais, a grimpé de 0,9% sur un mois et de 3,0% sur un an alors que le consensus Reuters le donnait à +0,3% et +2,3% respectivement.

Sur les marchés, le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans a pris plus de deux points de base pour repasser au-dessus de 1,64%, le dollar a amplifié ses gains face à un panier de référence et le contrat à terme sur le Nasdaq a creusé ses pertes pour céder 1,5% à la suite de la publication de cette statistique, une heure avant l'ouverture de Wall Street.

Le Dow Jones et le S&P 500 perdent respectivement 0,7% et 0,8% vers 14h00 GMT, le Nasdaq, à forte composante technologique, reculant pour sa part de 1,6%.

Les valeurs de croissance, géants de la "tech" en tête, présentent en effet des valorisations extrêmement tendues et sont très sensibles à la hausse des rendements obligataires, qui profite en revanche à d'autres secteurs, à commencer par les banques.

Les responsables de la Réserve fédérale ne cessent de répéter qu'ils s'attendent à une hausse transitoire de l'inflation, due à des facteurs temporaires, et qu'il est trop tôt pour envisager un retrait progressif ("tapering") du soutien que la banque centrale offre au marché par ses rachats massifs de titres.

PAS DE "TAPERING" EN VUE, DIT CLARIDA

Il faudra encore un certain temps avant que l'économie des Etats-Unis soit suffisamment rétablie pour permettre à la Fed de diminuer ses achats mensuels d'actifs, a déclaré mercredi le vice-président de l'institut d'émission, Richard Clarida.

"Les perspectives de court terme pour le marché du travail apparaissent plus incertaines que celles pour l'activité économique", a-t-il dit lors d'un symposium en ligne, en faisant référence aux créations d'emplois au mois d'avril aux Etats-Unis, annoncées vendredi et inférieures aux attentes.

Les pressions sur l'inflation de base sont temporaires, a-t-il dit avant de prévoir que les prix augmenteraient encore quelque peu avant de s'apaiser plus tard dans l'année.

"Sans négliger le flux récent de données macroéconomiques encourageantes, l'économie demeure très éloignée de nos objectifs", a-t-il dit.

Il en faudrait cependant davantage pour apaiser la nervosité des marchés.

"De toute évidence, les données sont pires que ce que le monde attendait et le marché réagit en conséquence", a ainsi commenté Peter Tuz, président de Chase Investment Counsel, après avoir pris connaissance des chiffres de l'inflation.

"La question est de savoir si cette poussée de l'inflation est passagère ou non. Je pense que cela durera tant que les coûts du travail et des ressources de base ne s'apaiseront pas quelque peu", a-t-il ajouté.

"Cela amène évidemment à penser que la Fed va peut-être devoir changer sa politique accommodante plus tôt que prévu."

(Lucia Mutikani, avec Howard Schneider, version française Laetitia Volga et Patrick Vignal, édité par Jean-Michel Bélot)