Lyon (awp/afp) - Arrivée "aux deux tiers" de son radical plan de transformation éditoriale, la chaîne d'informations Euronews commence à en recueillir les premiers fruits mais "le pari n'est pas encore gagné", avertit le président du directoire Michael Peters.

"Nous allons réaliser une année record en 2018" au niveau du chiffre d'affaires, souligne M. Peters dans un entretien accordé à l'AFP au siège de l'entreprise à Lyon. "Sur un marché publicitaire prévu en recul de 11%, on va faire +30%".

"Nous sommes en ligne avec notre budget - on fera même mieux en 2018. Et on espère être conforme à notre plan de marche en 2019 dans un contexte financier tendu: il nous faudra faire +20% dans un marché publicitaire vu en recul de 15%".

Le "pari n'est pas encore gagné", ajoute toutefois M. Peters, en référence aux difficultés financières récurrentes de la chaîne. "Il nous faut encore être mieux distribués et mieux nous vendre", relève-t-il.

Il y a deux ans, Euronews annonçait l'arrivée à son capital - à hauteur de 25% - de NBC. Avec des financements à la clef. Mais le groupe américain était aussi censé devenir son "opérateur industriel".

Il devait en particulier aider Euronews, dont toutes les éditions diffusaient alors les mêmes programmes traduits en une variété de langues locales, à se transformer en l'opérateur de douze chaînes (dont trois diffusées uniquement sur le net) avec leurs personnalités propres.

Pour adapter son outil à cette nouvelle donne, le groupe a dû engager un plan de départs, qui a rencontré un écho inattendu et coûté "beaucoup plus que prévu".

"Glocale"

Grâce à NBC, "on a investi énormément dans l'anglais", explique M. Peters. Disposant de son propre studio et d'un réseau de correspondants fraîchement embauchés, enrichie par des plateaux en direct, l'édition en langue anglaise se pose en concurrente de CNN et vise un public mondial. Elle va être baptisée Euronews World.

Sans les mêmes moyens, quatre - et bientôt cinq - éditions de langue ont commencé à produire leur propre journal dans des conditions proches du direct. Euronews français ou Euronews Deutsch visent, elles, un public plus ciblé, conformément à la stratégie "glocale" du groupe qui veut s'adresser à la fois à une audience globale (avec World) et une audience locale.

Quitte à faire craindre à certains journalistes non anglophones de devenir des journalistes de deuxième classe au sein du groupe.

"Avec World, on est à 90% de ce qu'on voulait faire. Maintenant, il faut travailler sur les autres éditions", notamment en les enrichissant avec des émissions et débats coproduits avec d'autres médias, leur répond M. Peters.

"Jamais autant parlé d'Europe"

La semaine dernière, la chaîne a annoncé le lancement d'une première édition en franchise, en Albanie.

"Il nous reste aussi des choses à faire dans l'offre digitale", note le patron de la chaîne.

Contrairement à ce qui avait été annoncé au moment de l'accord avec NBC, Euronews n'a pas encore accolé le nom de son partenaire au sien, ni adopté sa charte graphique.

"On pensait alors que NBC pourrait être un catalyseur pour améliorer la perception de notre marque. Or - surprise ! - celle-ci a connu une énorme progression après les changements engagés". "Il n'y a pas l'ombre d'une mésentente entre nous", tient à préciser M. Peters, mais ce changement de nom "n'arrivera peut-être jamais".

Si l'effacement des fondateurs - les chaînes publiques européennes - au profit d'actionnaires extra-européens (le milliardaire égyptien Naguib Sawiris et l'américaine NBC) a pu faire craindre une trahison des ambitions européennes d'origine de la chaîne, il n'en a rien été, explique M. Peters.

"On n'a jamais autant parlé d'Europe sur Euronews", fait-il valoir, en évoquant notamment le recrutement de trois correspondants permanents à Bruxelles, le direct quotidien depuis le Parlement européen et la carte blanche donnée à Daniel Cohn-Bendit, qui sera renouvelée l'an prochain.

afp/jh