* La guerre d'images se poursuit

* Les deux candidats se disputent "le peuple"

* Emmanuel Macron à Sarcelles

* Marine Le Pen en meeting à Nice

* L'électorat mélenchoniste en ligne de mire

par Sophie Louet

PARIS, 27 avril (Reuters) - Au lendemain de la première escarmouche de l'entre-deux-tours, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont poursuivi jeudi leur confrontation à distance avec l'objectif de gagner les voix d'un électorat populaire orphelin pour partie de Jean-Luc Mélenchon.

Critiqué pour une campagne à éclipses depuis sa victoire au premier tour de la présidentielle, le candidat d'En Marche! avait promis mercredi soir de ne pas laisser à son adversaire "un centimètre d'espace, une seconde de répit" au terme d'une journée mouvementée sur le site de Whirlpool à Amiens.

De nouveau défié dès les premières heures de jeudi par une Marine Le Pen au côté des pêcheurs, sur un chalutier au Grau-du-Roi (Gard), le favori des sondages s'est rendu dans l'après-midi à Sarcelles (Val-d'Oise) où le candidat d'extrême gauche est arrivé en tête du premier tour avec près de 30% des voix.

Emmanuel Macron y a recueilli 22,20%, juste derrière François Fillon. L'ex-présidente du FN, persona non grata dans les cités, seulement 11,80%.

Chahuté la veille à l'usine Whirpool, Emmanuel Macron a reçu un accueil chaleureux dans cette ville de la banlieue parisienne où le taux de chômage dépasse les 20% de la population active.

"Je ne choisis pas les endroits uniquement faciles", a-t-il dit à la presse, critiquant implicitement Marine Le Pen qui privilégie les terres d'élection du FN dans sa campagne.

"Je veux aller parler à toutes les Françaises et tous les Français (...): la France, ce n'est pas le visage haineux et répressif que porte Mme Le Pen", a-t-il poursuivi, dénonçant dans le Front national un "parti xénophobe".

"JEUNE TRADER"

L'ascension du FN "est le fruit de notre inefficacité collective à régler les problèmes des gens", a-t-il dit, accusant Marine Le Pen de "mentir" aux Français.

Le candidat, qui avait raillé la veille les selfies de Marine Le Pen avec les ouvriers de Whirlpool, s'est prêté à l'exercice jeudi et a joué au football devant les caméras avec des enfants membres d'une association d'insertion par le sport.

Le matin même, au Grau-du-Roi, Marine Le Pen, qui se présente comme la candidate des oubliés de la mondialisation et de l'Europe, avait mis en garde contre la volonté prêtée à Emmanuel Macron de "détruire l'intégralité de notre structuration économique et sociale".

"Je veux une France sereine, apaisée, qui affirme avec fierté que sa construction, qu'elle soit politique, constitutionnelle, territoriale, est le fruit d'une sagesse millénaire et je n'entends pas qu'un jeune trader vienne balayer tout cela", dit la candidate d'extrême droite dans Nice Matin.

Deux sondages publiés jeudi donnent Emmanuel Macron largement vainqueur le 7 mai : 60,5% pour l'enquête Ifop-Fiducial (), score stable par rapport à mercredi, mais celle d'OpinionWay relève un recul de deux points du candidat en deux jours, à 59% contre 41% à Marine Le Pen.

"NI NI"

Face à un front républicain qui se lézarde, la députée européenne, qui joue "le peuple" contre "l'oligarchie", se tourne vers les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (19,6%) qui a refusé au soir du premier tour de donner une consigne de vote.

Le chef de file de La France insoumise devait s'exprimer vendredi sur sa chaîne Youtube sans toutefois ne rien révéler de son choix personnel.

Son directeur de campagne, Manuel Bompard, a dénoncé jeudi sur RMC "un championnat du monde de l'indécence" après la passe d'armes sur l'avenir de Whirpool-Amiens, renvoyant dos à dos les deux finalistes dans cette "guéguerre de com'".

"Parmi les sept millions de gens qui sont venus voter pour Jean-Luc Mélenchon, il y a certains de nos amis qui utiliseront le bulletin de vote Macron et d?autres, sans doute, qui voteront le bulletin blanc ou nul", avait dit mercredi Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, souhaitant que "pas une voix" n'aille au FN.

Dans ce climat d'indécision et de confusion, sans commune mesure avec la mobilisation qui avait suivi la qualification de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002, un "ni ni" d'un nouveau genre prospère : ni Marine Le Pen, ni Emmanuel Macron, "ni patrie ni patron".

Pour preuve les manifestations lycéennes qui se sont déroulées jeudi à Paris et plusieurs villes de province, pour certaines émaillées d'incidents, avec deux mots d'ordre : le premier pour dénoncer la présence de l'extrême droite au second tour, le deuxième pour dire son refus du "fascisme" et du "libéralisme".

"Voter blanc, c'est voter Le Pen", a affirmé jeudi sur BFM TV le dirigeant centriste François Bayrou, soutien d'Emmanuel Macron.

"Je veux bien que l'on considère qu'il y ait des imperfections dans le programme d'Emmanuel Macron. Or l'extrême droite, c'est le pire", a-t-il plaidé. (Avec Service France, édité par Yves Clarisse)