(Mis à jour après la conférence de presse de Thomas de Maizière, réaction de Vienne, autres déclarations)

par Michelle Martin et Noah Barkin

BERLIN/MUNICH, 13 septembre (Reuters) - Plus d'une semaine après avoir ouvert ses frontières aux réfugiés arrivant de Hongrie via l'Autriche, le gouvernement allemand a provisoirement rétabli des contrôles à ses frontières dimanche pour tenter de ralentir le flot de migrants affluant sur son territoire.

Plusieurs ministres de haut rang du gouvernement d'Angela Merkel sont intervenus dans les médias pour expliquer que le pays arrivait à ses limites en termes de capacités d'accueil.

L'Allemagne, économie la plus riche d'Europe, attire depuis plusieurs semaines nombre de personnes fuyant la guerre et la misère en Syrie et dans d'autres pays d'Afrique et du Moyen-Orient.

Selon la police, 13.000 migrants sont arrivés à Munich dans la seule journée de samedi et 4.500 autres dimanche. Depuis le 31 août, 63.000 réfugiés sont arrivés à Munich et de l'avis de l'administrateur bavarois Christoph Hillenbrand, la ville ne pourra pas indéfiniment faire face à un tel afflux.

"Il n'est pas viable pour nous d'accueillir chaque jour l'équivalent de la population d'une petite ville. Sur un plan logistique, ce n'est tout bonnement plus tenable", ajoute-t-il.

Le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière a estimé que les réfugiés affluant massivement en Europe ne devaient pas pouvoir choisir eux-mêmes où ils s'installent. Les réfugiés arrivent principalement via la Turquie, la Grèce, les Balkans, la Hongrie et l'Autriche.

"Nous ne pouvons pas permettre que les réfugiés choisissent librement où ils veulent rester. Ce n'est le cas nulle part ailleurs dans le monde", a déclaré le ministre allemand dans une interview au journal Der Tagesspiegel.

TRAFIC FERROVIAIRE INTERROMPU

Réagissant au rétablissement de contrôles frontaliers à la frontière austro-allemande, les autorités de Vienne ont dit s'attendre à voir arriver ce dimanche un nombre record de migrants sur le territoire autrichien. Selon la police, 8.400 étaient arrivés de Hongrie en début de soirée.

Le chancelier autrichien Werner Faymann a déclaré que pour le moment, Vienne ne comptait pas introduire de contrôles supplémentaires à sa frontière mais que les conséquences de la décision de Berlin étaient difficiles à prévoir.

"L'objectif de cette mesure est de limiter l'afflux actuel vers l'Allemagne et d'en revenir à des procédures ordonnées pour l'entrée des personnes dans le pays", a expliqué Thomas de Maizière lors d'une conférence de presse.

La décision a été prise samedi lors d'une téléconférence réunissant la chancelière Angela Merkel, le vice-chancelier Sigmar Gabriel, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, le ministre-président de Bavière Horst Seehofer et le chef de cabinet de Merkel Peter Altmaier.

"Les contrôles frontaliers (...) ne sont pas la solution ultime. Il faut prendre un certain nombre de mesures. Mais c'est un signal très important envoyé au reste du monde et également au peuple allemand", a déclaré Horst Seehofer.

Le ministre bavarois de l'Intérieur, Joachim Herrmann, a précisé que le trafic ferroviaire entre l'Autriche et l'Allemagne était interrompu pour douze heures à compter de 17h00 locales (15h00 GMT).

Les tensions montent en Allemagne, où les Länder se plaignent du fardeau de plus en plus lourd provoqué par le plus important afflux de réfugiés en Europe depuis des décennies.

RÉDUIRE LES ALLOCATIONS

Horst Seehofer a réclamé le doublement des quatre milliards d'euros d'aide versés pour 2015 par le gouvernement fédéral aux régions et aux municipalités. Il a également appelé Berlin à prendre en charge la répartition des demandeurs d'asile à travers l'Allemagne et réclamé qu'un "sommet sur les réfugiés" programmé le 24 septembre entre le gouvernement fédéral et les Länder soit avancé à cette semaine.

Le ministre des Transports Alexander Dobrindt a estimé que l'Allemagne avait atteint son point de saturation et Sigmar Gabriel que le pays atteignait désormais ses limites en termes de capacité d'accueil de migrants.

"C'est vrai: l'absence de décisions européennes dans la crise des réfugiés accule l'Allemagne à la limite de ses possibilités", a déclaré le ministre allemand de l'Economie dans une interview parue sur le site internet du Tagesspiegel.

Les ministres de l'Intérieur des 28 pays de l'Union européenne doivent se retrouver lundi à Bruxelles pour débattre des propositions de la Commission européenne de répartir environ 160.000 demandeurs d'asile à travers les Etats membres.

Paris et Berlin soutiennent la mise en place d'un système de répartition contraignant auquel s'opposent d'autres pays membres comme la Slovaquie ou la République tchèque.

Pour le commissaire européen à l'Economie numérique et à la société, l'Allemand Günther Oettinger, l'Allemagne doit revoir à la baisse les allocations qu'elle verse aux demandeurs d'asile, afin d'attirer moins de réfugiés.

"Les allocations versées aux demandeurs d'asile en Allemagne doivent être ajustées, de sorte qu'elles s'alignent sur celles versées dans les autres pays de l'UE", dit-il dans les colonnes du Welt am Sonntag.

"Nous devons harmoniser les versements faits aux demandeurs d'asile en Europe, car s'il y a des différences au sein de l'UE, cela crée de mauvais stimulants", ajoute-t-il. (Michelle Martin, Jens Hack et Francois Murphy; Eric Faye pour le service français)