1- Risque lié au déploiement d’une politique anti-monopole :
Le premier risque mais aussi le risque majeur concernant Alibaba est probablement le Parti Communiste Chinois qui se montre de plus en plus oppressant à l’égard des mega-cap. La règle centrale du PCC est que l’État ne doit en aucun cas perdre le contrôle sur le secteur privé. Rien ne change ni ne bouge sans son accord.
Afin de parvenir à cet objectif, le gouvernement Chinois utilise parfois son pouvoir pour influencer l’économie et donc par répercussion les marchés. Il est donc, vous vous en doutez, très complexe pour une entreprise comme Alibaba, de passer sous les radars du PCC. D’autant plus lorsque son fondateur critique ouvertement le système bancaire et financier Chinois. Et dans ce genre de cas, la réaction du gouvernement ne se fait pas attendre et sert d’exemple. Dans le cas d'Alibaba, l’introduction en bourse de Ant Financial, filiale d’Alibaba fut bloquée par le gouvernement quelques semaines seulement après. Mais ce qui inquiète davantage les marchés, ce sont les lois anti-monopoles que la Chine met en place depuis quelques temps. Récemment, Alibaba à reçu une amende de 2,75 milliards de dollars (2,5% du CA 2020) pour avoir abusé de sa position dominante pendant plusieurs années.
Si ces lois existent partout dans le monde, il semble qu’elles inquiètent davantage en Chine. Les investisseurs étrangers ont notamment peur d’un démantèlement d’Alibaba qui prendrait potentiellement trop de place, ce qui inquiétait le gouvernement dans sa quête de contrôle total. A la lecture du rapport du PCC, l’amende paraît plus ou moins compréhensible, en tout cas basée sur des éléments tangibles.
« Depuis 2015, le groupe Alibaba a abusé de sa position dominante sur le marché en interdisant aux commerçants de la plateforme d'ouvrir des magasins ou de participer à des activités promotionnelles sur d'autres plateformes concurrentes ».
Rapport du PCC
Il faut reconnaître que c’est effectivement anticoncurrentiel. Pour résumer, la Chine semble surtout mettre en place de nouvelles règles afin de mieux contrôler son économie. Les lois anti-monopoles existent partout dans le monde, comme en attestent les procès en cours contre Apple et Microsoft aux USA, Europe, Corée du Sud etc… Effectivement, la Chine y va fort. Quitte à sacrifier des secteurs de son économie, comme en interdisant, il y a quelques semaines, à l'industrie de l'éducation à but lucratif de faire du profit.
Mais une chose est sûre, le PCC est très heureux que Alibaba existe. Le géant du e-commerce à énormément aidé au développement de la Chine et joue un rôle très important dans l’économie. En 2024 Alibaba devrait compter plus d’un milliard de clients chinois entraînant 1555 milliards de dollars de flux de transactions sur la plateforme. Maintenant, il est tout à fait possible, bien que extrêmement peu probable, que le Chine souhaite détruire Alibaba. Mais nous devons nous demander si c’est réellement dans l’intérêt du PCC de faire tomber l'une des plus importantes entreprises du pays et un des symboles majeurs du soft power chinois. Comme le souligne Mohnish Pabrai, Alibaba est un des joyaux de l’économie chinoise. Ces entreprises peuvent jouer un rôle central dans l’économie mondiale de demain. Le gouvernement à peu d’intérêt à sacrifier une entreprise comme Alibaba, qui à rapporté, soulignons-le, 7,7 milliard de dollars en 2019 à l’État via l’ensemble des cotisations et taxes. De plus, grâce à sa capacité à faciliter le commerce en Chine entre les commerçants et consommateurs, Alibaba à surement permis de générer des milliards de dollars, qui eux aussi seront taxés.
Mais restons prudent, la Chine a récemment affirmé que dans les cinq prochaines années, en plus de renforcer les lois anti-monopoles, elle souhaitait durcir les réglementations sur la finance, sur internet, le big data et le cloud. Réglementations qui étaient pour l’instant inexistantes et qui auront toutes un impact sur Alibaba. La prime de risque sur ce titre est donc très élevée et les cours de bourse pourraient encore en pâtir dans les prochains mois/années avant de se redresser.
2- Risque de fraude comptable :
Le deuxième risque est un risque de fraudes comptables. Certains investisseurs ne font pas confiance aux chiffres des entreprises chinoises qui, à l’image du PCC, peuvent parfois être douteux et obscurs. Cependant Alibaba, étant coté à New York, produit ses comptes avec les principes comptables généralement admis aux États-Unis et les font auditer par PWC depuis plus de 20 ans. PriceWaterhouseCoopers (PWC) est considéré comme l'un des quatre plus grands cabinets comptables dans le monde, il opère dans 157 pays et emploie environ 284.000 personnes dans le monde entier. Il est néanmoins possible que l’équipe de direction d'Alibaba falsifie ses chiffres en accord avec l’un des quatre plus grands cabinets comptables au monde, mais la probabilité de cette hypothèse reste a priori infime. Cependant, il est important de noter que Alibaba n’a jamais été inspecté par The Public Company Accounting Oversight Board étant donné que le gouvernement chinois interdit ce type d’inspection pour les sociétés chinoises, et a fortiori leurs audits. Pour rappel, le PCAOB est une société privée à but non lucratif, créée par la loi américaine en 2002 visant à superviser les audits des entreprises cotées afin limiter les abus et les irrégularités comptables des sociétés détenues par le public.
Principales firmes d’audit mondiales en 2020, en millions de dollars de chiffre d’affaires
3- Risque de retrait de la cote du NYSE :
Enfin, le troisième et dernier grand risque concernant Alibaba est le de-listing. En d’autres termes, un retrait des actions de la bourse de New York. Pour plonger dans ce risque nous devons comprendre comment est structuré Alibaba.
Pour acheter des actions d’Alibaba, trois options s’offrent à nous. Nous pouvons acheter celles cotées à Hong-Kong, celles cotées à New-York ou celles cotées à Francfort. Pour les deux dernières vous n’achetez pas réellement des actions d’Alibaba mais vous achetez des actions d’Alibaba Group Holding Limited. Il s’agit là d’une entité à intérêt variable (EDDV). Mais qu’est ce qu’une EDDV ?
Une EDDV est une entité juridique répondant à l'un des trois critères décrits dans le FASB ASC 810-10-15-14. Pour faire simple, détenir des actions d’une EDDV certifie la propriété d'un droit contractuel à un pourcentage des bénéfices d'une entreprise. Contrairement à une action traditionnelle, l'action d’une EDDV confère un droit de propriété juridique sur les actifs d'une société totalement distincte (parfois appelée société écran). Dans le cas d’Alibaba, les actionnaires détenant des actions BABA cotées sur le NYSE, détiennent une participation, par le biais d'actions dépositaires américaines, dans Alibaba Group Holding Limited, une entité enregistrée aux îles Caïmans. Entité qui est sous contrat avec Alibaba afin de recevoir les bénéfices des actifs chinois lucratifs. Les actionnaires de BABA n'ont pas de droit de propriété sur les actifs de la société Alibaba enregistrée en Chine, mais uniquement sur ses bénéfices. Un EDDV protège donc une entreprise contre les poursuites judiciaires de ses créanciers. Mais Alibaba n’a pas créé une EDDV pour cette raison. Le gouvernement chinois n’apprécie pas les participations étrangères dans son économie et les à donc interdites. Ainsi, les entreprises chinoises ont été contraintes de mettre en place ces entités étrangères afin de faciliter leur accès aux investisseurs étrangers. De cette façon, vous achetez toujours des parts d'Alibaba mais vous le faites à travers une entité étrangère.
Sources : ZoneBourse
Le problème étant que pour l’action coté à New-York, ce sont les États-Unis qui ont la responsabilité des entreprises étrangères pour que les actions cotées aux USA restent cotées. Ainsi, les entreprises étrangères doivent prouver qu'elles ne sont pas contrôlées par un gouvernement et elles doivent également auditer leurs comptes par un cabinet certifié par le PCAOB. Et il s’agit là d'un problème potentiel puisque le gouvernement chinois interdit au PCAOB d'effectuer des inspections des entreprises chinoises et de leurs audits de sociétés américaines . Cela devra être résolu au cours des trois prochaines années, puisque dans le cas contraire la version cotée à New York sera retirée. Un de-listing des places boursières étrangères (NYSE et Francfort) n'entraînera pas une perte de vos actions. Cela signifie simplement que ces actions seront échangées de gré à gré, mais il ne fait aucun doute que cela influencerait fortement les cours de bourse. De plus, les institutionnels seraient obligés de vendre ces actions étant donné que les règles juridiques n’autorisent pas la détention des actions s'échangeant de gré à gré. La sortie importante de capitaux des institutionnels entraînerait donc une chute encore plus importante des cours. Même en achetant l’action cotée à Hong-Kong, cela vous protégera du risque de de-listing mais pas de l’impact négatif de cette potentielle mesure sur le cours de bourse. Peu importe vos actions Alibaba, il s’agit d’un risque à prendre en compte.