Washington (awp/afp) - La Fed l'a dit et redit: elle va désormais être "patiente" avant d'agir sur les taux. Et les données économiques mitigées de ces dernières semaines ne devraient pas changer son attitude lors de sa réunion de politique monétaire mardi et mercredi.

"Ils ne vont pas relever les taux d'intérêt cette fois-ci", a assuré à l'AFP Joe Gagnon, un ancien économiste de la Fed, qui a rejoint le Peterson Institute for International Economics (PIIE).

Le Comité monétaire de la Banque centrale (FOMC) devrait plutôt "indiquer qu'il va patiemment évaluer les données économiques avant de s'engager vers un nouvel ajustement des taux d'intérêt", ajoutent les économistes de Barclays Research. Ils estiment que les perspectives économiques penchent plutôt vers un affaiblissement de l'activité.

Il y a huit jours, la Banque centrale européenne (BCE) a surpris les marchés en se montrant très accommodante face au ralentissement économique annoncé. Elle a repoussé le moment de relever ses taux et annoncé une nouvelle vague de prêts bon marché pour les banques.

Aux Etats-Unis, un des indicateurs clés qui invite la Fed à la pause est l'atonie de l'inflation. Celle-ci a marqué le pas sur un an en février à 1,5%, loin de la cible des 2% que la Fed juge saine pour l'économie.

Du côté de la consommation, moteur de l'expansion américaine, si les ventes de détail ont rebondi en janvier, elles se sont avérées pour décembre encore plus faibles que précédemment estimé.

Enfin, la production manufacturière a piqué du nez pour le deuxième mois d'affilée en février, montrant "que les Etats-Unis ne sont pas immunisés contre les ralentissements en cours en Europe et en Chine", souligne Michael Pearce, de Capital Economics.

Sur le front de l'emploi, les embauches se sont effondrées en février, dans ce qui pourrait être une anomalie, après de très fortes créations d'emplois le mois d'avant.

Les indices d'activité dans les services, en revanche, de même que le moral des ménages, ont rebondi après les mois d'inquiétudes suscitées par les turbulences boursières et la fermeture partielle des services administratifs américains ("Shutdown") au début de l'année.

Globalement, les économistes s'attendent à une croissance américaine très atténuée au premier trimestre, autour de 1,5% après 2,9% sur l'ensemble de 2018.

Nouvelles prévisions

Si la pause sur les taux est acquise, tous les regards vont se braquer sur les nouvelles prévisions économiques de la Fed et surtout sur les fameux "dot plots" ou "points de projection" des taux d'intérêt.

Ces taux au jour le jour qui influencent tous les autres types de crédits ainsi que l'activité industrielle, immobilière et la consommation, se situent actuellement entre 2,25% et 2,50%.

Les dernières prévisions du Comité, qui remontent à décembre, misaient encore sur deux hausses des taux d'un quart de point de pourcentage en 2019. Mais, alors qu'on est déjà en mars et que la croissance économique "va considérablement ralentir", selon les mots de John Williams de la Fed de New York, tous les analystes s'attendent à ce que les membres du FOMC révisent leurs ambitions.

Les opinions divergent. Chez Barclays Research, on assure que la Fed ne voudra plus du tout relever le coût du crédit cette année. Pour Kathy Bostjancic, d'Oxford Economics, "c'est très serré (...) mais je crois qu'ils ont été surpris que l'inflation ne grimpe pas". "Nous prévoyons au plus une seule hausse" cette année, a-t-elle indiqué à l'AFP.

Joe Gagnon du PIIE pense qu'un relèvement d'un quart de point restera inscrit aux prévisions en parallèle à une expansion du PIB encore supérieure à 2% sur l'année.

Le président de la Fed Jerome Powell, qui tient désormais une conférence de presse à l'issue de chaque réunion monétaire toutes les six semaines, pourrait aussi divulguer le sort du bilan de la Fed. La Banque centrale doit "bientôt" indiquer, a-t-il récemment promis, quand elle va cesser de se défaire d'actifs investis pendant la reprise.

La réduction de ce bilan de la Fed a agité les marchés qui voient ces désinvestissements comme une action à la hausse sur les taux, malvenue alors que l'économie mondiale ralentit.

afp/rp