par Simon Evans

MANCHESTER, Angleterre, 19 avril (Reuters) - L'UEFA, instance dirigeante du football européen, a averti lundi que les clubs et les joueurs prenant part au projet de "Super Ligue" européenne risquaient d'être exclus de l'ensemble des compétitions qu'elle organise ainsi que de la Coupe du monde de football.

Au lendemain de l'annonce soudaine par 12 des plus grands clubs européens de la création d'une compétition en partie fermée destinée à concurrencer la Ligue des champions, le président de l'UEFA, Aleksander Ceferin, a dénoncé une initiative absurde et "honteuse".

Lors d'une réunion d'urgence organisée lundi, le patron du football européen a prévenu que les clubs impliqués dans ce projet de scission "devraient être, tout comme leurs joueurs, interdits de toutes nos compétitions dès que possible".

"Nous vérifions encore avec notre équipe juridique mais nous prendrons toutes les sanctions que nous pouvons", a déclaré Aleksander Ceferin.

Selon lui, "l'UEFA et l'ensemble du monde du football font front uni contre cette proposition honteuse, égocentrique (...) et motivée par la cupidité", a-t-il souligné en qualifiant ce projet d'absurde.

L'opposition à cette "Super Ligue", à laquelle le Paris Saint-Germain et le Bayern Munich ne se sont pour l'heure pas associés, dépasse le monde du football puisque le président français, Emmanuel Macron, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson, ont déjà exprimé leur hostilité à ce projet aux implications financières et diplomatiques.

COEXISTENCE

"Ce serait un véritable séisme si cette 'Super Ligue' voyait le jour, pour le football européen, bien sûr, mais surtout pour le sport mondial de manière générale", a réagi lundi sur Franceinfo la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu.

"Aussi bien l'UEFA que la Fifa se sont montrées solidaires avec un certain nombre de gouvernements, dont l'Etat français. Nous devons faire confiance aux instances sportives pour ne pas laisser faire n'importe quoi dans le monde du football", a-t-elle souligné.

Parmi les "clubs fondateurs" de la "Super Ligue" figurent les six plus grandes équipes de Premier League, la première division anglaise - Manchester United, Manchester City, Liverpool, Arsenal, Chelsea et Tottenham -, ainsi que le Real Madrid, le FC Barcelone ou encore la Juventus Turin. Aucun club français ni allemand ne figure dans la liste.

"Nous vous invitons à participer au plus vite à une discussion avec nous sur les détails de la compétition et sur son articulation autour de l'écosystème du football", ont dit lundi les 12 clubs réunis au sein de la "Super League Company" dans un courrier adressé à l'UEFA et à la Fifa que Reuters a pu consulter.

"Nous ne voulons pas remplacer la Ligue des Champions de l'UEFA ou l'Europa League mais qu'elles soient concurrentes et qu'elles coexistent."

Ce courrier informe par ailleurs les deux instances que des précautions juridiques ont été prises pour les empêcher de bloquer le processus lancé par les 12 clubs.

JP MORGAN DANS LA BOUCLE

Dans un communiqué, les clubs fondateurs (*) ont indiqué qu'ils prévoyaient de lancer la saison inaugurale de la compétition "dès que possible" et qu'une enveloppe de 3,5 milliards d'euros était prévue pour contribuer aux projets d'infrastructures et compenser l'impact de la crise sanitaire du coronavirus. Pour financer ce projet, ils ont mandaté la banque d'affaires américaine JP Morgan.

"Nous allons aider le football à tous les niveaux et le mettre à la place qu'il mérite dans le monde. Le football est le seul sport mondial avec plus de quatre milliards de fans et notre responsabilité en tant que grands clubs est de répondre à leurs désirs", a fait valoir le patron du Real Madrid, Florentino Perez, président fondateur de cette Super Ligue.

Une "Super Ligue" féminine sera aussi lancée une fois que la compétition masculine sera installée, est-il dit dans le communiqué.

L'objectif est que la "Super Ligue" soit disputée chaque saison, d'août à mai, par 20 équipes - les 12 clubs fondateurs, trois clubs permanents supplémentaires et cinq équipes qualifiées annuellement "sur la base de leurs accomplissements lors des saisons précédentes", dit le communiqué.

En rompant avec la tradition européenne qui voit les clubs couronnés dans les championnats nationaux l'année précédente s'affronter à l'échelle européenne, cette nouvelle formule devrait permettre, selon ses promoteurs, de définir un modèle économique plus viable.

Au lendemain de cette annonce, les actions de Manchester United et de la Juventus Turin ont grimpé en Bourse, s'adjugeant respectivement près de 8% et plus de 18% à une heure de la clôture.

Le président de la Juventus Turin, Andrea Agnelli, l'un des deux vice-présidents de la nouvelle Ligue, a déclaré que cette compétition allait garantir l'avenir à long terme du football, en "permettant à la compétition européenne de se transformer, en renforçant la solidarité de manière substantielle et en offrant aux fans et joueurs amateurs des flots d'affiches qui vont alimenter leur passion pour le jeu".

(*) Liste des 12 clubs fondateurs de la "Super Ligue": AC Milan, Arsenal, Atlético de Madrid, Chelsea, Barcelone, Inter Milan, Juventus Turin, Manchester City, Manchester United, Real Madrid et Tottenham. (version française Jean Terzian, Nicolas Delame et Myriam Rivet, édité par Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey)