Paris (awp/afp) - Les taux d'emprunt des pays du sud de l'Europe se tendaient fortement lundi, la crise turque ayant déclenché une poussée d'aversion au risque chez les investisseurs, qui s'inquiétaient en outre au sujet du futur budget italien.

La chute de la livre turque sur fond de crise diplomatique entre la Turquie et les Etats-Unis a secoué vendredi les Bourses européennes et les marchés des changes, suscitant les craintes d'une contagion à d'autres économies émergentes, notamment dans le secteur bancaire.

En réaction, cette aversion au risque faisait grimper les taux d'emprunt des pays du sud de l'Europe, jugés les moins solides de la zone euro.

Les marchés s'inquiétaient en outre des tractations en cours au sein du gouvernement italien pour le budget 2019, qui entend avancer sur les promesses phares des deux partis: baisses d'impôts drastiques et création d'un revenu de citoyenneté.

"En Europe, le scepticisme est monté d'un cran ces dernières semaines", notamment en raison de "l'ouverture des discussions budgétaires en Italie, venues rappeler les résultats d'une élection que les marchés avaient, sans doute, trop rapidement ravalés", a commenté dans une note Véronique Riches-Flores, présidente du cabinet d'analyse RichesFlores Research.

"Cacophonie"

Dans un entretien au Corriere della Sera lundi, Luigi Di Maio, vice-Premier ministre italien et chef de file du Mouvement 5 étoiles, a certes promis "le plus grand respect des équilibres budgétaires", mais tout en demandant à l'Europe de les "laisser faire les réformes" qui permettront "de réduire la dette publique et l'augmentation de la demande interne".

De toutes les façons, après les élections européennes de 2019, "on en aura fini avec l'époque de l'austérité et on entamera un septennat de budgets d'expansion", a prévenu M. Di Maio.

Le vice-Premier ministre a par ailleurs démenti des propos dimanche de Giancarlo Giorgetti, éminence grise de la Ligue et secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, qui évoquait des attaques potentielles de fonds spéculatifs à la fin du mois.

Toutes ces déclarations ont encore avivé les craintes des investisseurs: ils privilégiaient donc les emprunts allemands, dont les taux enregistraient une petite détente.

"La cacophonie venant d'Italie est stupéfiante", jugent ainsi les stratégistes obligataires de Société Générale dans une note.

"M. Salvini (ministre italien de l'Intérieur) a réclamé vendredi des crédits d'impôts plus généreux pour les familles; M. Di Maio a un peu plus tard appelé à l'abandon de l'obligation constitutionnelle de présenter un équilibre budgétaire. Aucune de ces mesures ne sera mise en place dans l'immédiat, mais les investisseurs et les agences de notation préfèreraient voir les membres du gouvernement se concentrer pour trouver un accord sur un plan cohérent pour le gouvernement", poursuivent-ils.

A 14H10 (12H10 GMT), le taux d'emprunt à dix ans de l'Allemagne se détendait un peu à 0,308% contre 0,317% vendredi, à la clôture du marché secondaire, où s'échange la dette déjà émise.

Celui de la France montait un peu, s'établissant à 0,684% contre 0,670%.

Le taux d'emprunt à dix ans de l'Italie progressait nettement à 3,082% contre 2,993%. Celui de l'Espagne suivait la même tendance à 1,505% contre 1,407%, tout comme celui du Portugal à 1,864% contre 1,778%.

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