Alors que des pans entiers de l'économie française sont à l'arrêt depuis quatre semaines et que les dépenses publiques s'envolent pour tenter de limiter les conséquences de la plus importante récession dans l'Hexagone depuis 1945, le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, qui doit être présenté mercredi en conseil des ministres, prévoit finalement une contraction de 8% du produit intérieur brut (PIB) cette année et un déficit public s'établissant aux environs de 9% du PIB à fin 2020.

La première ébauche de ce texte, présentée la semaine dernière avant l'annonce de la prolongation du confinement jusqu'au 11 mai, reposait sur des prévisions d'une contraction de 6% de l'activité cette année et d'un déficit public atteignant 7,6% du PIB fin 2020.

Et la première loi de finances rectificative pour 2020, promulguée fin mars, tablait sur une contraction de 1% du PIB et sur un déficit public à -3,9% du PIB.

"Le confinement est plus long que ce qui pouvait avoir été anticipé (...) évidemment ça aura un impact plus fort sur notre croissance nationale. Nous avions prévu une croissance à -6, nous aurons une prévision de croissance qui va être fixée à -8 pour le projet de loi de finances rectificative", a déclaré mardi le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire sur BFMTV et RMC.

Cette prolongation du confinement va également "aggraver les chiffres des comptes publics. On va passer par exemple de -7,6% de déficit (...) à -9% de déficit. Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais notre pays n'a connu ça", a de son côté déclaré le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin sur la radio France info.

La contraction encore plus marquée de l'activité économique va se traduire par une perte de recettes fiscales de l'ordre de 43 milliards d'euros pour l'Etat (contre 37 milliards évoqués précédemment), précise-t-on dans l'entourage de Gérald Darmanin.

PLUS DE DETTE "POUR SAUVER L'ÉCONOMIE"

Concernant la dette publique, qui était estimée à 112% du PIB dans la première mouture de ce nouveau PLFR, les deux ministres n'ont fourni aucun chiffre.

"La dette, nous sommes en train de l'évaluer", a dit Bruno Le Maire, en défendant le "choix stratégique" de l'exécutif d'accroître l'endettement "pour sauver notre économie".

Le plan de soutien à l'économie française a déjà été plus que doublé, à 100 milliards d'euros, soit plus de 4% du PIB, Bruno Le Maire a assuré que "si à un moment donné il faut faire encore davantage, nous ferons encore davantage, nous serons là (...) tant que ce sera nécessaire".

Le fonds de solidarité pour les TPE, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales, dont bénéficient déjà plus de 900.000 entreprises, "va être beaucoup plus généreux, beaucoup plus substantiel et beaucoup plus ouvert à tous les entrepreneurs qui ont été touchés par la crise", a annoncé Bruno Le Maire.

"Nous avons vu qu'il y avait des trous dans la raquette et nous avons voulu y répondre", a-t-il précisé. "Du coup, les sommes vont exploser. On avait prévu un milliard d'euros sur ce fond (par mois pour mars et avril-NDLR), ce sera sept" milliards, pour les mois de mars, avril et mai.

Au-delà de l'Etat, ce fonds est également abondé par les régions, ainsi que par les assureurs, qui ont proposé de doubler leur participation à 400 millions d'euros et prévoient d'accroître leur soutien à l'économie, sous la pression du gouvernement.

RAPPEL À L'ORDRE DES GRANDES FONCIÈRES

Après avoir déjà exhorté les banques et les assurances à participer davantage à l'effort de solidarité nationale, Bruno Le Maire a aussi appelé les foncières à prendre leur part.

"Les grands bailleurs peuvent et doivent faire plus pour ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer", a-t-il insisté.

Comme annoncé par Emmanuel Macron lundi, Bruno Le Maire a confirmé qu'un plan spécifique serait mis en oeuvre pour les secteurs durablement affectés, comme le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, la culture et l'événementiel.

Pour ces secteurs "le report (des cotisations sociales déjà mis en place) pourra se transformer en annulation de charges", a souligné Bruno Le Maire.

Tout en précisant qu'il faudrait "faire attention parce que constitutionnellement, on ne peut normalement pas annuler par secteur", Gérald Darmanin a quant à lui déclaré que "la mise en place d'une possible annulation de charges pour ces secteurs qui ont été fermés à la demande du gouvernement" serait organisée "sous dix jours".

Le montant alloué au financement du chômage partiel - dont bénéficient huit millions de salariés - a par ailleurs été porté de 20 à 24 milliards d'euros.

(Myriam Rivet, Leigh Thomas et Nicolas Delame)