* Quatre animateurs d'un site prônant le djihad

* Farouk ben Abbes, un nom de l'islam radical belge

* Soupçonné mais pas jugé dans d'autres dossiers

PARIS, 4 juillet (Reuters) - Quatre précurseurs du "djihad électronique", dont l'Etat islamique (EI) a fait une spécialité, sont jugés à partir de mercredi par le tribunal correctionnel de Paris, dont le belgo-tunisien Farouk ben Abbes, mentionné également dans une série d'autres affaires depuis la fin des années 2000.

Ils répondent d'association de malfaiteurs terroriste pour avoir animé un site internet favorable aux thèses de l'islam radical, Ansar al Haqq (les "partisans de la vérité"), entre sa création fin 2006 et 2010, avant que l'EI se fasse connaître et revendique une série d'attentats en Europe.

Ce site appelait notamment à soutenir l'action d'Al Qaïda, de son chef Oussama Ben Laden et de ses ramifications dans le monde musulman, de l'Afghanistan au Maghreb.

Il mettait en ligne des messages envoyés de zones de conflit par des djihadistes, des communiqués, photographies, vidéos, revendications d'attaques et règles de comportement.

Farouk ben Abbes a notamment mis en ligne en août 2008, de la bande de Gaza où il se trouvait alors auprès d'un groupe proche d'Al Qaïda, l'"Armée de l'Islam", un guide intitulé "39 moyens pour servir le djihad et y participer", qui mentionne notamment parmi ces moyens le "djihad électronique".

"On est vraiment à l'origine de la propagation de l'islam radical, à une époque où on n'en avait pas encore conscience", estime Me Claire Josserand-Schmidt, avocate de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT). "On l'a découvert après coup, alors que ce discours avait déjà imprégné les âmes et corrompu les esprits les plus fragiles."

Les avocats de Farouk ben Abbes, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, défendent une toute autre lecture de ce dossier et dénoncent un "acharnement administratif".

"Il a toujours reconnu qu'il avait relayé du contenu mais n'a jamais participé de près ou de loin à des recrutements et encore moins à des projets d'attentat", a déclaré à Reuters Me Vincent Brengarth.

"On a l'impression que le contexte l'emporte sur les éléments matériels", a-t-il ajouté. "Le fait que des usagers du site soient partis en Syrie ou en Irak ne le rend pas responsable de quoi que ce soit."

UN PRÉVENU DÉTENU PAR LES KURDES

Pour les avocats de Farouk ben Abbes, les faits reprochés à leur client relèvent au mieux de l'apologie du terrorisme, non de l'association de malfaiteurs terroriste qu'ils entendent contester par une question prioritaire de constitutionnalité.

Aux yeux de l'accusation, Farouk ben Abbes, né à Bruxelles il y a près de 33 ans, a un parcours troublant, qui l'a conduit à fréquenter le réseau franco-belge d'acheminement de candidats au djihad ancrée dans la région toulousaine, avant de partir pour l'Egypte en 2007, puis à Gaza en 2008.

Au Caire, il retrouve des figures du djihadisme français, dont les frères Fabien et Jean-Michel Clain, qui revendiqueront les attentats du 13 novembre 2015 à Paris au nom de l'EI.

Il est encore dans la bande de Gaza lors de l'attentat du Caire qui a tué le 22 février 2009 une lycéenne française et fait 24 blessés, dont de nombreux Français. Les autorités égyptiennes le soupçonnent d'être impliqué dans cette action et l'arrêtent à son retour en Egypte, le 3 avril 2009.

Expulsé d'Egypte en mars 2010, il est arrêté en France le 16 juillet 2010. Selon les autorités égyptiennes, il projetait un attentat contre une cible juive à Saint-Denis, près de Paris, ou contre la salle de spectacle parisienne du Bataclan, où l'un des commandos du 13 novembre 2015 commettra un massacre.

Farouk ben Abbes bénéficie cependant d'un non-lieu en septembre 2012, faute d'éléments probants.

"On aimerait que, pour une fois, son cas soit regardé de très près", a déclaré à Reuters Chantal Anglade, mère d'une lycéenne blessée dans l'attentat du Caire.

Assigné à résidence jusqu'en mai dernier, il comparaît sous contrôle judiciaire, aux côtés de deux autres prévenus âgés de 35 ans, David Ramassamy, converti à l'islam en 2002, et le franco-marocain Nordine Zaggi.

Le quatrième homme, Léonard Lopez, 32 ans, parti en Syrie en 2015, sera absent : selon ses avocats, Mes Didier Seban et Mathieu Henon, il est détenu dans le Kurdistan syrien, près de la frontière turque, par des combattants kurdes qui retiennent aussi sa femme et ses trois enfants en bas âge.

Ses défenseurs entendent demander que le cas de leur client soit disjoint de ce dossier et reporté à plus tard, quand il sera en mesure de comparaître en France. (Emmanuel Jarry, édité par Simon Carraud)