PARIS, 3 octobre (Reuters) - La commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR) a ordonné le renvoi en procès du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, pour "prises illégales d'intérêt", a déclaré lundi à Reuters une porte-parole de la Cour de cassation.

C'est la première fois qu'un ministre français en exercice est renvoyé devant la CJR, juridiction spécialement chargée de juger les ministres ou ex-ministres pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.

Eric Dupond-Moretti avait été mis en examen l'an dernier pour avoir ordonné, peu après avoir été nommé ministre de la Justice, l'ouverture d'enquêtes administratives contre des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu'il était avocat.

Les magistrats de la commission d'instruction de la CJR, issus de la Cour de cassation, ont estimé dans leurs conclusions rendues lundi qu'il y avait suffisamment d'éléments dans le dossier pour caractériser la "prise illégale d'intérêts", un délit passible de cinq ans de prison et 500.000 euros d'amende.

Pour les avocats du ministre, la décision de la CJR est "sans surprise" puisqu'il s'agit de "la traduction judiciaire de la déclaration de guerre annoncée par certains syndicats de magistrats le soir-même de la nomination d'Eric Dupond-Moretti."

"Il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'une instrumentalisation gravissime du droit pénal et de la Cour de justice dont le seul objectif est de nuire à l'action politique du ministre de la Justice", a dit à Reuters l'un des conseils d'Eric Dupond-Moretti, Me Rémi Lorrain.

Les avocats du ministre ont annoncé qu'ils allaient se pourvoir en cassation contre son renvoi en procès.

Eric Dupond-Moretti, qui conteste avoir été à l'initiative de ces enquêtes pouvant déboucher sur une procédure disciplinaire contre les magistrats concernés, a toujours exclu de démissionner.

"Le ministre est extrêmement serein, il ne va pas démissionner", a déclaré Me Rémi Lorrain. "La Constitution ne prévoit pas que les syndicats de magistrats puissent choisir leur ministre ou avoir un droit de véto sur le nom du ministre de la Justice."

"Comme il l'a rappelé à plusieurs reprises, le ministre tire sa légitimité du président de la République et de la Première ministre", a-t-il insisté. (Reportage de Tassilo Hummel et Elizabeth Pineau, rédigé par Tangi Salaün, édité par Kate Entringer et Sophie Louet)