* Des manifestations à répétition depuis le 17 novembre

* Le mouvement a un impact sur l'image de la France, dit Jean-Michel Blanquer

* Laurent Berger (CFDT) met en garde contre une hystérie collective

* Le gouvernement incapable de régler la crise, dit l'opposition

PARIS, 6 janvier (Reuters) - L'exécutif a appelé dimanche les Français à se "désolidariser" des violences commises en marge des manifestations des "Gilets jaunes", au lendemain d'une nouvelle journée d'actions caractérisée par une participation en deçà des premières mobilisations et par une radicalisation des actions.

"Je souhaite que tous ceux qui croient à la démocratie, tous ceux qui croient à la représentation du peuple souverain se rassemblent et disent: 'ça suffit'", a dit le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire au Grand Rendez-vous d'Europe 1, CNews et les Echos, au lendemain de l'"acte 8" de la contestation.

"Ces actes cinq, six, sept, à répétition ne mèneront nulle part", a-t-il ajouté. "Il y a aujourd'hui des forces qui veulent tout simplement mettre à bas la démocratie (...). Ils sont une minorité du peuple français et en démocratie, c'est la majorité qui décide."

"La violence n'a jamais résolu aucun problème", a dit la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur BFMTV. "Ceux qui encouragent ou tolèrent la violence" s'opposent "à la démocratie". "Il faut se désolidariser des plus violents", a-t-elle ajouté.

Pour le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, "les Français voient bien qu'on est en train de faire du mal à l'économie, on est en train de faire du mal à l'image de la France". "Si on veut sincèrement faire avancer la France, alors on joue le jeu (du) grand débat (national)", a-t-il poursuivi lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.

LE PAYS "S'HYSTÉRISE"

De nouvelles scènes violentes ont émaillé samedi les rassemblements de l'"acte 8" du mouvement, notamment à Paris où le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a dû être évacué de son bureau après l'intrusion de manifestants violents dans la cour de son secrétariat d'Etat.

La vidéo d'un homme boxant un gendarme mobile sur une passerelle enjambant la Seine a également tourné en boucle. Une péniche a été incendiée près du musée d'Orsay. Des dégâts ont aussi été constatés par des journalistes de Reuters sur le boulevard Saint-Germain où des voitures, des scooters et du mobilier urbain ont été vandalisés et incendiés.

Des heurts entre manifestants et forces de l'ordre ont également éclaté en province.

Ce samedi a réuni quelque 50.000 personnes sur tout le territoire, contre 280.000 au plus fort de la mobilisation et 32.000 le samedi précédent, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Près de 3.500 personnes ont manifesté à Paris, où la police a procédé à 35 interpellations.

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, s'est dit "inquiet et scandalisé par ce qui s'est passé hier".

"Je crois que notre pays est en train de s'hystériser, il est en train de vivre un épisode extrêmement dangereux pour notre démocratie, pour notre cohésion sociale", a-t-il dit lors de l'émission Questions politiques de France inter, franceinfo et Le Monde.

"On est dans une impasse. On a un mouvement violent (...) et on a face à cela un gouvernement qui considère qu'il va pouvoir trouver les solutions tout seul, et ça ne marche pas", a-t-il poursuivi, regrettant de ne pas avoir eu de contact avec le président de la République depuis le 10 décembre dernier, jour de présentation des mesures d'urgence sur le pouvoir d'achat.

Pour le syndicaliste, le "grand débat" qui doit débuter le 15 janvier doit s'accompagner "d'une discussion avec les organisations syndicales, patronales, avec les élus locaux".

UN DÉBAT QUI DOIT RESTER INDÉPENDANT

L'opposition estime pour sa part que ces violences à répétition témoignent de l'incapacité du gouvernement à régler la crise.

"On se rend compte que c'est l'échec de la stratégie (...) de tout ce gouvernement qui n'a cessé de mépriser les 'Gilets jaunes', de les insulter, de les dénigrer", a dit Danielle Simonnet, oratrice nationale de La France insoumise sur BFMTV.

"Ça fait deux mois que le chaos s'installe dans le pays", a dit Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement nationale sur BFMTV. "Qu'attend le gouvernement ? Un débat ? On ne demande pas simplement un débat, on demande des actes (...) sur la répartition sociale des richesses, (...) sur la représentativité", a-t-il ajouté.

Pour la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), Chantal Jouanno, responsable de l'organisation de ce "grand débat", cette consultation ne fonctionnera que si elle dispose d'une totale indépendance.

"L'ensemble du processus jusqu'à sa restitution doit rester parfaitement neutre", a-t-elle dit au Journal du dimanche. Si le président de la République venait à "piloter directement l'organisation, ce sera sans nous", a-t-elle ajouté. "Cela saperait toute confiance dans la consultation.

La concertation portera sur la transition écologique, la fiscalité, l'organisation de l'Etat et la démocratie et citoyenneté. La CNDP dispose à cette fin d'une enveloppe de 4 millions d'euros, a indiqué Chantal Jouanno. (Caroline Pailliez, édité par Henri-Pierre André)