* Le ministre dénonce les "calomnies" le visant

* Matignon défend présomption d'innocence et voix des plaignants

* "Ça va être difficile de tenir", juge une parlementaire (Actualisé avec classement sans suite de la première affaire)

PARIS, 16 février (Reuters) - Le gouvernement apporte à Gérald Darmanin, soumis à accusations embarrassantes pour l'exécutif, un soutien de plus en plus prudent qui se veut respecteux de la présomption d'innocence mais, de manière aussi nette, de la voix des plaignantes.

Dans la Voix du Nord jeudi, puis dans Sud-Ouest ce vendredi, le ministre des Comptes publics visé par deux enquêtes - l'une pour viol, classée sans suite ce vendredi, l'autre pour abus de faiblesse - se dit "concentré" sur son travail et "tranquille", face à la "calomnie".

"Je ne suis pas le premier homme politique à devoir faire face à la calomnie. Je n'ai rien à me reprocher. Je suis tranquille et fais parfaitement confiance à la justice de mon pays", déclare-t-il dans un entretien accordé en amont d'une visite à l'Ecole des douanes de La Rochelle (Charente-Maritime).

"Je remercie le Premier ministre de la confiance qu’il me porte et je suis totalement concentré sur mon travail de ministre", ajoute le dirigeant de 35 ans issu de la droite, considéré comme l'une des révélations du gouvernement d'Edouard Philippe en place depuis neuf mois.

Après lui avoir apporté un soutien inconditionnel après la première plainte déposée fin janvier, Matignon a nuancé son propos à l'annonce du second cas rendu public cette semaine, estimant que le respect de la présomption d'innocence n'empêchait pas de tenir compte de la parole de la plaignante.

Le Premier ministre "rappelle qu'il est important de laisser travailler la justice en toute indépendance, de veiller à ce que l'on respecte les droits de chacun, la parole du plaignant comme la présomption d'innocence", déclarait-on mercredi dans l'entourage d'Edouard Philippe.

"TOLÉRANCE ZÉRO"

La sénatrice socialiste Laurence Rossignol a relevé sur LCP ce souci d'"équilibre", jugeant que, "quand on a deux ministres mis en cause sur des faits de ce type dans un gouvernement engagé sur l'égalité femmes-hommes (...), on ne disqualifie pas la parole des plaignantes en apportant un soutien bruyant, enthousiaste et sans conditions aux mis en cause".

Les tourments de Gérald Darmanin s'ajoutent à ceux de son collègue de la Transition écologique, Nicolas Hulot, qui dément deux affaires de harcèlement sexuel le visant.

En vertu de la règle édictée par le gouvernement, seule une mise en examen peut obliger un ministre à démissionner.

La question de la fragilisation se pose toutefois pour un exécutif décidé à réformer tambour battant sur fond de révolution des esprits lié au mouvement mondial de libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles.

Sur BFMTV jeudi, la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, décrivait une situation politique "pas agréable pour qui que ce soit".

Sous couvert d'anonymat, une parlementaire "macroniste" va plus loin.

"Pour Gérald Darmanin, la deuxième plainte complique les choses, ça va être difficile de tenir", a-t-elle dit à Reuters. "Quel que soit son talent, qui est grand, il y a une musique, un bruit dans une opinion sensibilisée par le mouvement #Meetoo. Tolérance zéro sur ces sujets-là. C'est le genre de situation où une goutte peut tout faire déborder".

La députée La République en marche Aurore Bergé s'en remet pour sa part à "l'Etat de droit".

"Je refuse que l'on remplace la présomption d'innocence par une présomption de culpabilité", a-t-elle dit à Reuters. "La République, ce n'est pas le soupçon mais la confiance envers nos institutions judiciaires".

Devant la presse présidentielle mardi, Emmanuel Macron avait mis en garde contre un excès des contre-pouvoirs et une "République du soupçon", assumant le maintien au gouvernement des deux ministres.

Au parti Les Républicains (LR), les avis sont partagés, entre une ligne officielle appelant à la démission de Gérald Darmanin, issu de la droite, et des députés plus circonspects.

"Je ne suis pas pour la chasse aux sorcières. La justice doit faire son oeuvre, après on verra. Lui, le Premier ministre et le président de la République ont un choix à faire", a jugé sur LCP le député LR du Nord Sébastien Huyghe. (Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)