par Sarah White et Leigh Thomas
AIX-EN-PROVENCE, 4 juillet (Reuters) - Une pénurie de
travailleurs qualifiés, les doutes soulevés par le télétravail
et des problèmes d'approvisionnement s'avèrent des obstacles
pour certaines entreprises tentant de profiter du rebond
économique post-crise sanitaire en France, ont dit dimanche des
dirigeants d'entreprise, faisant part de difficultés à trouver
preneurs pour des postes vacants.
A moins d'un an de l'élection présidentielle, les chances de
réélection d'Emmanuel Macron dépendent en partie de la solidité
d'un rebond économique qui commence à profiter à certaines
industries majeures du pays, comme les fabricants de produits de
luxe et les exportateurs d'énergie.
S'exprimant lors d'une conférence économique annuelle à
Aix-en-Provence, certains dirigeants d'entreprises ont mis en
avant des problèmes persistants sur le marché du travail - dont
une pénurie de travailleurs qualifiés - qui se sont amplifiés
avec la crise sanitaire du coronavirus, alors que les
entreprises tentent de faire face au rebond de la demande.
Le directeur général d'un important groupe industriel
français a indiqué que son entreprise avait publié des annonces
pour 150 postes vacants dans deux usines du pays, mais qu'aucun
CV n'avait été reçu.
"La crise a peut-être anesthésié la relation des gens avec
le travail", a-t-il dit à Reuters en marge des Rencontres
Economiques d'Aix-en-Provence, ajoutant cependant que le
problème était davantage d'ordre mondial, avec des difficultés
similaires rencontrées aux Etats-Unis.
Quand l'épidémie de coronavirus s'est propagée en France en
début d'année dernière, le gouvernement a mis en place un
système avantageux de chômage partiel et des millions de
salariés ont basculé vers le télétravail.
Si les salariés ont dans un premier temps apprécié de
travailler depuis chez eux, ils sont depuis lors entrés dans une
seconde phase dans laquelle ils remettent en question leur
rapport à leur entreprise et à leurs collègues, selon le patron
de La Poste.
"Je pense qu'il y a une vraie question sur la fin du
salariat", a dit Philippe Wahl à un panel lors de la conférence.
Près de la moitié des entreprises du bâtiment, 41% des
entreprises du secteur des services et un quart des firmes
industrielles peinent à recruter des travailleurs, montre la
dernière enquête de la Banque de France.
Aux yeux de certains, le mal est plus profond que cela, avec
des problèmes fondamentaux non liés au COVID-19. Pour Ross
McInnes, le patron de Safran, il est nécessaire de revoir le
système scolaire français. "Toutes nos entreprises ont du mal à
recruter dans des métiers qui sont plutôt bien payés", a-t-il
dit lors d'un débat.
En plus des soucis de recrutement, les entreprises du
bâtiment et manufacturières éprouvent des difficultés à se
procurer les matériaux nécessaires pour livrer leurs clients.
D'après l'enquête de la Banque de France, la moitié des
entreprises du bâtiment font face à des problèmes
d'approvisionnement, tandis que 70% des constructeurs
automobiles sont concernés.
"C'est un bazar complet", a déclaré le patron d'un groupe
manufacturier français à propos des chaînes d'approvisionnement.
Il a ajouté que son entreprise avait mis sur pied 23 groupes de
travail pour faire face à des problèmes spécifiques
d'approvisionnement, contre deux habituellement. Le problème
pourrait durer jusqu'à fin 2022, a-t-il dit.
(Reportage Leigh Thomas et Sarah White; version française Jean
Terzian)