* Braun-Pivet favorite pour la présidence

* Deuxième tour de scrutin, le candidat RN se retire

* Un nouveau mode de gouvernance à inventer

par Elizabeth Pineau

PARIS, 28 juin (Reuters) - La nouvelle Assemblée nationale s'est réunie pour la première fois mardi afin d'élire son président ou sa présidente, un vote plus compliqué qu'à l'accoutumée en raison d'une rare fragmentation politique qui prive le camp d'Emmanuel Macron de majorité absolue.

Favorite pour le "perchoir", la députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a obtenu 238 voix au premier tour de scrutin. Face à elle notamment, la socialiste représentante de la coalition de gauche Nupes Fatiha Keloua-Hachi(146 voix), la LR Annie Genevard (61) et le RN Sébastien Chenu (90).

La majorité absolue étant requise, un deuxième tour de scrutin était nécessaire, pour lequel le candidat Sébastien Chenu a retiré sa candidature.

Au troisième tour, une majorité relative suffira pour être désigné.

Comme le veut la tradition, cette séance était présidée par le doyen de l'Assemblée, un député du Rassemblement national élu pour la première fois à 79 ans, José Gonzales.

Avec 89 députés sur 577, le groupe RN présidé par Marine Le Pen est désormais le premier groupe d'opposition au Palais-Bourbon, où il manque une quarantaine de sièges à la confédération présidentielle Ensemble (Renaissance, Agir, MoDem et Horizons) pour avoir la majorité absolue.

Faute d'être parvenu à passer un accord de coalition avec un autre parti, le camp présidentiel s'oriente vers un quinquennat agité où le vote des textes se fera après discussions et compromis, au cas par cas. Une façon de faire courante dans des pays comme l'Allemagne, mais nouvelle en France.

"Dépasser nos intérêts partisans au service de l'intérêt national. Des majorités d'idées sur des textes en fonction des circonstances", a résumé à Reuters le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade.

"Sur des textes relatifs au réchauffement climatique, je suis certain que l'on pourra s'entendre avec la Nupes, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste. De la même manière, sur les questions de finances publiques on va pouvoir se tourner vers nos collègues des Républicains", a-t-il expliqué. "Des parlementaires européens le font au quotidien, il n'y a pas de raison qu'ici en France ils ne soient pas capables de le faire."

Boris Vallaud, nouveau président du groupe socialiste, met la balle dans le camp du gouvernement d'Elisabeth Borne, qui consulte les partis dans l'attente d'un remaniement ministériel attendu début juillet.

La Première ministre doit prononcer son discours de politique générale à l'Assemblée mardi prochain.

"Nous avons formulé des propositions sur le pouvoir d'achat, est-ce qu'ils sont prêts à s'y associer?", s'est-il interrogé face à Reuters.

"REPARLEMENTARISATION"

Pour Adrien Quatennens, de La France insoumise, Emmanuel Macron doit composer avec une nouvelle réalité.

"Le quinquennat précédent, celui de la toute puissance d'un exécutif qui reposait sur un Parlement chambre d'enregistrement, est terminé. C'est très positif car cela participe d'une reparlementarisation de la vie politique et démocratique", a-t-il dit à la presse dans les couloirs de l'Assemblée.

Première femme à diriger l'Assemblée nationale si elle est élue, Yaël Braun-Pivet, éphémère ministre des Outre-mer, aura fort à faire, dans ce contexte, à un poste déjà très stratégique.

Mardi soir, les groupes devaient déposer leur liste de composition en vue d'une validation mercredi. Le rapport de forces, au député près, sera alors connu.

L'Assemblée devrait compter au moins six groupes d'opposition - Gauche démocrate et républicaine (GDR), Europe Ecologie-Les Verts (EELV), La France insoumise (LFI), Les Républicains (LR), le Rassemblement national(RN) et Libertés, indépendance, outre-mer et territoires (LIOT). La coalition présidentielle Ensemble regroupe notamment Renaissance, Agir, MoDem et Horizons.

La commission des Finances, la plus puissante des huit commissions permanentes de l'Assemblée qui contrôle le budget de l'État, doit revenir à un groupe de l'opposition.

Côté Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy est candidat. Côté Nupes, le député LFI de Seine-Saint-Denis Éric Coquerel est intéressé. Interrogé sur ses intentions, ce dernier a dit son souhait de travailler pour la lutte contre l'évasion fiscale, notamment via des commissions d'enquêtes, et pour la défense des services publics

Pour gouverner jusqu'en 2027, le président espère notamment s'appuyer sur LR même si le président de groupe Olivier Marleix a rejeté toute idée de coalition. Les Républicains ont "le devoir de rester une alternative aux Français et de ne pas disparaître dans une coalition", a-t-il déclaré lundi sur Europe 1.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, issu des rangs de la droite, a renouvelé sa main tendue mardi matin sur RTL.

"Sur l’essentiel on est d’accord. C’est le cas sur la sécurité, les dépenses publiques et l’économie", a dit celui qui vient d'être réélu député du Nord. (Reportage Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)