* 25 ans de prison pour génocide

* Les parties civiles émues

* Elles espèrent l'avancée d'autres enquêtes

* La défense réfléchit à un appel

par Chine Labbé

PARIS, 15 mars (Reuters) - Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé à Paris pour sa participation au génocide des Tutsi en 1994, a été condamné vendredi à 25 ans de prison, quelques semaines avant les commémorations du vingtième anniversaire du génocide.

Le ministère public avait requis la réclusion à perpétuité contre l'ancien militaire et agent des renseignements rwandais.

Au terme de six semaines de procès qui ont, selon l'accusation, montré que Pascal Simbikangwa était un "donneur d'ordres", l'avocat général avait demandé qu'il soit jugé pour génocide, et non pas complicité de ce crime.

La Cour a suivi cette demande et l'a condamné vendredi pour génocide et complicité de crimes contre l'humanité commis à Kigali. Des charges pesant contre lui dans la préfecture de Gisenyi, à l'ouest du pays, ont en revanche été abandonnées.

Pascal Simbikangwa, paraplégique depuis un accident de la route en 1986, a nié durant tout le procès les faits qui lui sont reprochés, et s'est dit victime d'une "chasse aux sorcières" orchestrée par l'ancienne rébellion Tutsi, désormais au pouvoir.

Ses avocats, qui envisagent de faire appel, ont fustigé une décision politique.

"C'est la parole qui a été donnée par le procureur, par l'avocat général, c'est un dogme qui a été suivi, c'est donc une décision qui nous semble naïve, presque religieuse", a dit à la presse l'un de ses avocats, Me Fabrice Epstein.

Dans la matinée, Pascal Simbikangwa avait appelé la Cour à ne pas se laisser "rouler", et a déclaré que la justice française n'avait "rien sur (lui)".

La Cour d'assises a estimé vendredi que l'homme de 54 ans avait eu la "volonté de tromper la justice" sur ses activités réelles durant le génocide.

"Il ressort clairement des débats que Pascal Simbikangwa a apporté un concours actif au fonctionnement des barrières meurtrières de Kigali en fournissant des armes et en donnant directement des instructions pour que les Tutsi soient systématiquement exécutés sur le champ", peut-on lire dans ses motivations.

VINGTAINE D'AUTRES PLAINTES

Les parties civiles ont salué ce verdict.

"Nous pensons très très fort à nos familles, à tous les innocents tués par ces barbares, cette Cour d'assises vient de les réhabiliter", a déclaré Dafroza Gauthier, du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

Ce verdict pourrait faciliter de futures enquêtes sur de présumés génocidaires présents sur le sol français, selon un haut magistrat.

Une vingtaine de plaintes ont été déposées devant le pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris.

La France, qui peut juger de tels suspects depuis 1996, a été condamnée en 2004 par la Cour européenne des droits de l'homme pour la lenteur de sa justice.

"Ce qui est important pour nous, c'est l'ouverture que ça présente pour notre combat pour toutes les autres plaintes que nous avons déposées et qui ne manqueront pas d'arriver un jour devant une cour d'assises", a dit Alain Gauthier, président du CPCR.

Deux instructions sur des génocidaires présumés touchent à leur fin, selon des sources judiciaires. Les associations de défense des droits de l'homme espèrent des procès en 2015.

Cette condamnation pourrait aussi accélérer le rapprochement entre les deux pays, car le Rwanda a souvent reproché à la France d'avoir soutenu le régime génocidaire, ce que Paris a toujours démenti.

Dans un communiqué transmis à Reuters, l'ambassadeur du Rwanda en France a dit accueillir ce verdict avec "satisfaction".

"Pour la première fois, une juridiction française a participé à l'÷uvre de reconstruction nationale entreprise par le Rwanda", écrit-il. "Par cette condamnation, la France rejoint le concert des autres nations ayant jugé et condamné des génocidaires qui avaient cru pouvoir échapper à la justice de leur pays en se réfugiant dans des pays étrangers."

En à peine 100 jours, entre avril et juillet 1994, quelque 800.000 personnes ont été tuées au Rwanda, Tutsi pour la plupart mais aussi Hutu modérés. (Edité par Julien Dury)