* Un fonds mutualisé pour les salariés précaires

* Un projet d'accord remis aux syndicats mardi

* Des économies de 3 à 3,9 milliards d'euros en trois ans

PARIS, 18 février (Reuters) - Le patronat présentera aux syndicats un nouveau projet d'accord sur la réforme de l'assurance chômage avec pour ultime proposition la création d'un forfait sur les contrats courts alimentant un fonds pour les salariés précaires, a-t-on appris lundi de l'U2P, confirmant une information de l'Opinion.

Le montant payé par l'employeur sera fixe et indépendant de la durée du contrat, précise le syndicat des artisans. Il alimentera un fonds mutualisé qui permettra aux salariés d'accéder à des complémentaires santé ou de bonifier leur compte personnel de formation (CPF).

"Ce n'est pas un bonus-malus et ce sera efficace. C'est un signal qui est envoyé à ceux qui auraient tendance à abuser de la situation chez les employeurs, comme chez les salariés", ajoute cette source, partie prenante des négociations.

Le Medef, qui tenait une réunion de son conseil exécutif lundi, a précisé par communiqué que les organisations patronales présenteraient mercredi en séance de négociations "d’autres propositions alternatives au dispositif de bonus-malus" et qu'en cas d'échec, elles demanderaient la tenue d’une réunion tripartite au ministère du Travail.

Reste à savoir si cette proposition conviendra aux organisations syndicales.

Ces dernières ont exigé la semaine dernière du patronat un projet incluant un dispositif modulant les cotisations patronales pour pénaliser les entreprises abusant des contrats courts, à défaut de quoi, elles ne participeraient pas à la prochaine séance de négociation ce mercredi.

"Si dans ce texte, il n'y a pas les mesures que nous préconisons sur la réduction des contrats courts, il y aura un échec et après nous en appelons à la ministre du Travail pour regarder ce qu'on fait de ce constat d'échec", a déclaré le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger sur LCI.

Les syndicats avaient déjà rejeté jeudi la "prime de précarité" sur les contrats d'usage (contrats très flexibles) au motif qu'elle ne concernait que 30% des contrats courts. Sur LCI, Laurent Berger a parlé d'"usine à gaz".

Selon Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du cabinet de conseil Alixio, il serait très difficile pour les syndicats de se contenter de mesures moins exigeantes que le bonus-malus, après le soutien répété d'Emmanuel Macron à ce dispositif.

"BARRE TRÈS HAUTE"

"La négociation est mal partie, elle risque de très mal arriver. Mais il était évident dès lors qu'on a connu la lettre de cadrage qu'il y avait une très forte probabilité que ça se passe ainsi", a-t-il expliqué.

Le bonus-malus "n'a jamais été accepté par le patronat", dit-il, et les économies posent "des problèmes aux syndicats puisqu'il s'agit de (...) réduire un certain nombre de droits pour les chômeurs".

"Les mauvais esprits pourraient penser que le gouvernement a mis la barre très haute (...) pour montrer que seul lui faisait les réformes", a ajouté l'ancien conseiller social.

En cas d'échec des négociations, le gouvernement doit décider s'il reprend les rênes du régime et procède lui-même aux réformes : des économies de 3 à 3,9 milliards d'euros sur trois ans, la révision des règles de cumul emploi et chômage et la mise en place d'un dispositif pour limiter le recours aux contrats de courte durée.

Cette perspective n'enchante ni le patronat ni les syndicats. "Ce serait un échec pour tout le monde. Si le gouvernement reprend la main, ce sera aussi des baisses de droits importantes pour les demandeurs d'emploi", a dit à Reuters la secrétaire générale adjointe de la CFDT, Marylise Léon.

"Ce qui va en souffrir, c'est la capacité des partenaires sociaux entre eux à trouver des accords sur les sujets importants", analyse Raymond Soubie. "Dans un pays qui est un pays un peu défiguré, c'est pas mal d'avoir des (...) corps intermédiaires qui discutent entre eux des sujets. Le fait qu'on les mette en situation de ne pas y arriver, ce n'est pas une bonne situation pour les relations sociale en France".

L'Elysée a fait savoir que "quelle que soit l’issue de la négociation, les partenaires sociaux auront un rôle à jouer".

La loi prévoit, en cas d'échec des pourparlers, que le gouvernement reprenne la main et modifie les règles de l'assurance chômage par décret "mais, s’il y a un recours au décret, le gouvernement ne fera pas seul, les partenaires sociaux auront un rôle à jouer", a poursuivi la source. (Caroline Pailliez, édité par Sophie Louet et Elizabeth Pineau)