par Tom Wilson

LONDRES, 19 septembre (Reuters) - Le marché des cryptomonnaies doit être réglementé, demandent les parlementaires britanniques dans un rapport rendu public mercredi qui appelle le gouvernement à mettre de l'ordre dans un univers en proie à une forte volatilité des cours, exposé au piratage informatique et peu concerné par la protection des épargnants.

La démarche actuelle de gouvernement britannique est à la fois floue et intenable sur la durée, prévient le Treasury Committee de la Chambre des communes - l'équivalent de la commission des finances de l'Assemblée nationale - dans ce rapport qui réclame une réelle protection des épargnants et l'élimination des pratiques illicites comme le blanchiment.

Une réglementation appropriée pourrait permettre à la Grande-Bretagne de s'affirmer comme un des grands centres mondiaux des cryptomonnaies, estime le rapport qui appelle le gouvernement à trouver le juste équilibre entre l'encouragement à un secteur prometteur et les nombreux risques qu'il présente.

La Grande-Bretagne ne réglemente pas les cryptomonnaies en dépit du vif intérêt qu'elles ont suscité l'année dernière de la part d'investisseurs individuels avec l'envolée du bitcoin, la plus connu de ses monnaies digitales, dont le cours a atteint un pic de près de 20.000 dollars (17.100 euros) à la fin 2017 avant de plonger à moins de 6.000 dollars.

Si la Financial Conduct Authority, l'autorité de régulation des marchés financiers britanniques, a émis des mises en garde contre des arnaques aux cryptomonnaies, l'absence d'un cadre réglementaire d'ensemble a été vivement critiqué par les parlementaires.

"Le gouvernement et les régulateurs ne peuvent pas continuer d'improviser au petit bonheur la chance en mettant mollement en garde les investisseurs potentiels tout en s'abstenant d'agir", a dit Nicky Morgan, la présidente de la commission.

Etendre le cadre réglementaire existant aux cryptomonnaies et initial coin offerings (ICOs), ces levées de fonds reposant sur l'émission d'actifs numériques (token) échangeables contre des cryptomonnaies, représenterait la manière la plus rapide de permettre aux régulateurs de superviser le secteur, selon le rapport.

Ces recommandations ont été bien accueillies par CrytoUK, un organisme de promotion des cryptomonnaies en Grande-Bretagne.

"UN JUSTE ÉQUILIBRE"

Le gouvernement devrait "adopter une réglementation qui trouve un juste équilibre entre l'introduction de garde-fous et le soutien permettant à la Grande-Bretagne de devenir un leader mondial des crypto(monnaies)", a dit son président Iqbal Gandham.

Les cryptomonnaies, monnaies virtuelles utilisables sur un réseau informatique décentralisé de pair à pair, sont aussi échangeables sur des plateformes en ligne dédiées, une pratique de plus en plus répandue.

Les responsables économiques et monétaires s'interrogent partout dans le monde sur la meilleure manière de traiter les cryptomonnaies et la technologie des chaînes de blocs (blockchain) qui les sous-tend, dont les partisans estiment qu'elle peut révolutionner de nombreuses activités impliquant le transfert ou le suivi d'actif, l'identification de contreparties, l'authentification de documents ou encore le déclenchement automatique de clauses contractuelles.

Peu de pays se sont pourtant véritablement penchés sur la réglementation des monnaies virtuelles et des usages de la blockchain en dépit de plusieurs vols de cryptomonnaies sur des plateformes d'échange ou de leur utilisation dans le financement d'activités criminelles.

Le Japon a été l'année dernière le premier pays à se doter d'une réglementation nationale des plateformes d'échange de cryptomonnaies. D'autres pays comme la Chine ou la Corée du Sud ont pris des mesures pour enrayer le développement des cryptomonnaies sur leur territoire.

Les pays occidentaux n'ont jusqu'à présent guère pris de mesures concrètes. Les autorités de réglementation financières américaines se sont donné les moyens de renforcer leur contrôle en décidant que les cryptomonnaies pouvaient être considérées comme des valeurs mobilières et relevaient à ce titre de la réglementation fédérale correspondante.

Les autorités européennes n'ont jusqu'à présent pas adopté de réglementation d'ensemble en raison de la taille encore relativement limitée du secteur et de la faiblesse des échanges de bitcoin contre l'euro.

Un rapport http://bruegel.org/2018/09/the-economic-potential-and-risks-of-crypto-assets-is-a-regulatory-framework-needed du centre d'études européen Bruegel préparé pour les ministres des Finances de l'UE et rendu public au début du mois recommande à l'Union européenne d'adopter des règles communes sur les cryptomonnaies et les ICOs. (Marc Joanny pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)