Tokyo (awp/afp) - La livre britannique qui tombe au plus bas depuis 1985, le yen qui s'envole, les Bourses qui chutent: les marchés financiers en Asie scrutaient avec angoisse vendredi le dépouillement du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne.

Dans un premier temps, le vent a semblé tourner vers la victoire des partisans du maintien et les investisseurs avaient le sourire au moment de la fermeture des bureaux de vote britanniques jeudi à 21H00 GMT, la livre sterling s'envolant au-dessus de 1,50 dollar.

Un peu plus tôt, Wall Street avait fini en nette hausse, tout comme auparavant la Bourse de Londres et les autres places européennes.

Mais, volte-face dans la matinée à Tokyo, alors que les urnes livraient leur verdict, avec des résultats plus favorables que prévu au Brexit (ou British Exit).

Le vote pour une sortie de l'Union européenne était en tête avec 51,7% des voix après dépouillement dans 200 des 382 centres du pays, selon le décompte officiel.

La réaction des marchés a été immédiate: la monnaie britannique, qui est retombée d'abord sous 1,45 dollar, puis 1,40 dollar, a poursuivi sa chute à 1,3466 dollar, au plus bas depuis 1985. Elle baissait aussi face à l'euro qui s'élevait jusqu'à 81,96 pence, contre 76,02 quelques heures plus tôt.

Parallèlement, le yen, valeur refuge, flambait: le dollar chutait à 99,04 yens, du jamais vu depuis novembre 2013, contre 106,84 yens auparavant, et l'euro à 109,60 yens, contre 122,01 yens.

"Les investisseurs oscillent entre espoir et désespoir, au fur et à mesure que sont égrenés les résultats", a commenté Hideyuki Suzuki, analyste chez SBI Securities à Tokyo, interrogé par l'AFP.

Au Japon, le ministre des Finances a convoqué la presse après l'envolée du yen.

"RÉALISME"

Sur le front des indices boursiers, la Bourse de Tokyo, première grande place financière à ouvrir après la fermeture des bureaux de vote, a d'abord démarré sur des gains modérés avant de soudainement changer de cap une heure plus tard, plongeant de plus de 5% à la reprise de la mi-journée.

Ailleurs dans la région Asie-Pacifique, Hong Kong abandonnait plus de 3%, idem pour Sydney, Séoul lâchait plus de 2% et Shanghai 0,90%.

Les cours des groupes bancaires Standard Chartered et HSBC, basés à Londres, chutaient lourdement, de respectivement 9,2% et 8,6% vers 03H40 GMT à la Bourse de Hong Kong.

"Après le mouvement de confiance initial, nous allons peut-être revenir à plus de réalisme, responsable d'une certaine frilosité sur les marchés", a estimé pour l'agence Bloomberg Jeremy Stretch, responsable de la stratégie des changes à la banque canadienne CIBC à Londres.

Jason Wong, cambiste à la Bank of New Zealand, prévient: "la forte hausse des marchés cette semaine, en amont du vote, crée les conditions d'une correction très lourde si l'issue est négative", a-t-il souligné dans un commentaire, d'autres pronostiquant "une pagaille" indescriptible.

Dans ce contexte tendu, l'once d'or grimpait et les investisseurs avaient tendance à privilégier le marché obligataire, ce qui poussait vers le bas le taux d'emprunt à 10 ans du Japon.

Comme les marchés, les bookmakers, qui donnaient plus de 90% de chances au "Remain" (reste) à la clôture des bureaux de vote jeudi à 21H00 GMT, ont ensuite revu leurs cotes à la baisse, à 66%, avant de miser au milieu de la nuit sur une victoire du Brexit.

Le pétrole était aussi affecté: vers 03H05 GMT, le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en août perdait 2,12 dollars, à 47,99 dollars dans les échanges électroniques en Asie.

Le baril de Brent, référence européenne du brut, également pour livraison en août, reculait de 2,06 dollars, à 48,85 dollars.

"Nous voyons le pétrole être emporté par la fébrilité générale des marchés face au vote", a commenté sur Bloomberg News Ric Spooner, analyste chez CMC Markets à Sydney.

Cependant, les "corrections devraient être assez légères pour le pétrole, les cours devraient être soutenus par le fait qu'un marché équilibré s'annonce nettement à l'horizon".

Outre les conséquences économiques immédiates pour le pays et au-delà, un Brexit serait dommageable à plus long terme, ont prévenu les grandes institutions financières internationales, du FMI à l'OCDE.

afp/buc