(Actualisé avec nouvelle citation, § 6)

* Au moins 1.385 interpellations

* Des échauffourées à Paris et dans d'autres grandes villes

* Une nouvelle tactique des forces de l'ordre éprouvée

* Philippe veut désormais "retisser" l'unité nationale

PARIS, 8 décembre (Reuters) - Le quatrième samedi de mobilisation des "Gilets jaunes" a donné lieu à de nouvelles violences et à au moins 1.385 interpellations dans toute la France, où la situation n'a toutefois pas basculé dans le chaos redouté par l'exécutif.

Voitures incendiées, jets de gaz lacrymogène, bris de vitrines, affrontements avec les forces de l'ordre : Paris et les grandes villes ont été le théâtre de scènes similaires à celles du 1er décembre mais dans des proportions moindres.

Environ 125.000 manifestants ont participé au mouvement de colère partout dans le pays, contre 136.000 la semaine dernière, selon un décompte à 18h00 (17h00 GMT) communiqué par le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.

A Paris, ils étaient 10.000, à peine à peine plus que les 8.000 policiers et gendarmes réquisitionnés.

"Il faut désormais retisser cette unité nationale par le dialogue, par le travail, par le rassemblement", a déclaré à la presse le Premier ministre, Edouard Philippe, qui a exprimé son "admiration" à l'égard des forces de l'ordre.

"Le président s'exprimera, il lui appartiendra de proposer les mesures qui viendront nourir ce dialogue et qui permettront, je l'espère, à l'ensemble de la nation française de se retrouver et d'être à la hauteur des enjeux", a-t-il ajouté.

Discret depuis le début de la crise il y a près d'un mois, Emmanuel Macron doit prendre la parole en début de semaine prochaine, précise-t-on à l'Elysée.

Soucieuses de remédier aux failles apparues le 1er décembre, les autorités ont cette fois-ci opté pour une tactique tout en mouvement, avec le renfort de véhicules blindés, et pour des interpellations massives destinées à tuer dans l'oeuf les velléités des groupes potentiellement violents.

Policiers et gendarmes ont procédé aux premiers contrôles au petit matin, dans les gares et aux péages autour de Paris, puis le compteur a vite tourné pour atteindre 1.385 interpellations en France - un millier à Paris - en fin de journée.

C'est plus du double des chiffres enregistrés il y a une semaine.

"La priorité donnée aux interpellations à la fois avant les événements mais également pendant les événements a montré sa capacité dissuasive", s'est félicité le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, que l'opposition avait décrié après l'éruption de violences de la semaine dernière.

Selon le ministère de l'Intérieur, 135 personnes ont été blessées, dont 17 parmi les forces de l'ordre.

"MAÎTRISE DU TERRAIN"

Contrairement à samedi dernier, les manifestants ne sont pas parvenus à ériger durablement des barricades, ni à résister aux charges des forces de l'ordre, qui ont fait de temps à autre usage de gaz lacrymogène sur les Champs-Elysées ou sur le boulevard de Courcelles, dans l'ouest parisien.

Les manifestants ont laissé derrière eux quelques carcasses de véhicules calcinés, loin de la centaine de voitures incendiées la semaine dernière.

"On a gardé la maîtrise du terrain, même s'il y a eu des échauffourées, ce qui n'a pas été le cas la semaine dernière", a souligné Philippe Capon, secrétaire général de l’Unsa Police, joint par Reuters.

A Toulouse, Lyon, Bordeaux, Nantes, Saint-Etienne ou Marseille, la situation a dérapé en fin d'après-midi, a tel point que le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau (Les Républicains), a accusé le gouvernement d'avoir privilégié la capitale au détriment des autres grandes villes.

Le gouvernement a scruté avec inquiétude l'évolution de la situation, à l'image d'Edouard Philippe, qui s'est rendu plusieurs fois à la cellule de crise de la place Beauvau.

Toute la semaine, le chef du gouvernement s'est efforcé d'apaiser la situation, quitte à faire volte-face en annonçant mardi la suspension puis l'annulation complète, mercredi, des hausses de taxes sur l'essence et le diesel, le point sur lequel s'est cristallisée la contestation des "Gilets jaunes".

Edouard Philippe s'apprête en outre à lancer les trois mois de concertations censés déboucher sur des mesures consensuelles en faveur du pouvoir d'achat.

"Ce dialogue a commencé, il doit se poursuivre", a-t-il déclaré samedi soir.

"INIMAGINABLE QUE NOUS REVIVIONS ÇA"

Depuis Bordeaux, où se tenait une convention de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a salué la tournure des événements.

"Les campagnes d'intimidation et d'affolement n'ont pas empêché la mobilisation de se faire", a-t-il déclaré à la presse. "On peut donc penser que le président de la République va être mis au pied du mur parce qu’il va lui falloir trouver une réponse politique à une situation qui ne reflue pas."

A Paris, le défi sécuritaire était d'autant plus relevé que cette nouvelle mobilisation a coïncidé avec une "marche pour le climat", qui a réuni 17.000 personnes - selon le décompte de la préfecture - dans une atmosphère tranquille.

Globalement, la capitale a pris des airs de ville sous couvre-feu à une période traditionnellement propice aux achats de Noël.

Entre les dégradations, la vie économique et culturelle "à l'arrêt", l'image internationale "à restaurer", "les dégâts sont incommensurables", a déploré la maire de Paris, Anne Hidalgo, sur Twitter. "Il est inimaginable que nous revivions ça."

Donald Trump a tweeté à deux reprises samedi pour commenter les manifestations prouvant, selon lui, qu'il avait eu raison de sortir de l'Accord de Paris conçu pour limiter le réchauffement climatique et saluant les manifestants d'un "Love France!"

"Peut-être est-il temps d'en finir avec le ridicule et extrêmement cher Accord de Paris et de rendre l'argent aux gens sous la forme de taxes plus basses? ", a-t-il écrit.

A Rome, le ministre de l'Intérieur et chef de la Ligue, Matteo Salvini, a déclaré devant plusieurs dizaines de milliers de ses partisans qu'il voulait éviter à l'Italie le sort de la France en augmentant les dépenses publiques, quitte à sortir du carcan des règles budgétaires européennes.

"Ceux qui sèment la pauvreté récoltent des manifestations", a-t-il lancé de la tribune installée sur la Piazza del Popolo. (Simon Carraud avec Emmanuel Jarry, Marine Pennetier, les équipes de Reuters TV et les correspondanst en régions, édité par Yves Clarisse)