Le rouleau compresseur technologique a repris ses droits aux Etats-Unis hier. Mais c’était un petit modèle de rouleau-compresseur, juste suffisant pour permettre à l'indice large S&P500 de signer un nouveau record historique à 4551 points en séance. En Europe, la journée fut moins faste avec des indices qui plafonnent toujours et des arbitrages sectoriels confus, qui montrent que les investisseurs ont toujours du mal à choisir entre les différentes stratégies à leur disposition. C'est toujours la même rengaine : trouver de la performance quand tout monte est un exercice facile, puisqu'il suffit de surjouer les thématiques à la mode. En d'autres circonstances, c'est un peu plus compliqué.

Il s'est quand même passé quelque chose de moins anodin hier dans le secteur technologique. Vous connaissez Snap, l'appli de partage symbolisée par le petit fantôme blanc. La société n'a pas encore gagné un sou mais pèse 120 milliards de dollars sur le Nasdaq, soit l'équivalent de la plus grande banque européenne HSBC. Enfin pesait, parce que l'action plonge de 25% hors séance américaine après avoir publié des résultats qui portent les premiers coups de griffe du changement de la politique de confidentialité d'Apple. Il y a peu, Facebook avait déjà fait part de signaux identiques sur son activité. Twitter aussi. Cette grande bataille pour l'accès aux données utilisateurs, à nos données, n'est pas nouvelle, mais elle se déplace sur de nouveaux terrains. Apple n'est pas spécialement plus vertueux que ses compères : c'est surtout qu'il est devenu subitement moins partageur. Snap explique avoir désormais du mal à mesurer l'impact de ses campagnes pour ses annonceurs, mais pense pouvoir y remédier. Le marché est plus perplexe. 

Pour schématiser, dès que nous naviguons sur le web ou que nous téléchargeons une application, nous embarquons dans nos terminaux une ribambelle de pisteurs et nous laissons (grandes) ouvertes une palanquée de portes sur notre quotidien. Le cœur du modèle économique de Facebook, Google et compagnie est de récupérer ces données pour rendre notre carte d'identité numérique la plus complète possible et lui donner la valeur marchande optimale pour la vendre à un annonceur publicitaire. Pour visualiser ce que récupèrent tous ces acteurs, tentez l'expérience vous-mêmes avec l'outil mis en place par Exodus Privacy, une association française qui fait un boulot incroyable pour cartographier les pisteurs présents dans les applis.

Facebook et les autres acteurs du numérique de ce type (parenthèse : on place souvent Facebook en premier parce que la société est omniprésente dans ce business qu'elle a poussé à des niveaux de sophistication inimaginables, mais le principe est identique avec Google, Amazon, Apple, etc. Je rappelle ici que Facebook possède aussi Instagram et WhatsApp), font leur beurre avec ces données, qui sont extrêmement rentables quand elles sont précises et bien rangées. En échange, nous avons accès à toute une palette de services pratiques et peu coûteux, voire "gratuits". Chacun est libre d'en penser ce qu'il veut : de celles qui cherchent à disparaître des radars à ceux qui se fichent d'être pistés en permanence. On peut raccrocher ça au principe que le philosophe Bernard Stiegler comparait au pharmakon de Platon : quelque-chose qui est à la fois un remède et un poison. Ça dépeint assez bien notre rapport à ce type de numérique. Je crois même avoir lu que ce terme recouvre aussi le concept de bouc-émissaire, ce qui ouvre de nouvelles pistes de réflexion compte tenu de nos rapports aux réseaux sociaux. Mais n'allons pas trop loin.  

Dans cette grande bagarre pour la donnée, la prime à la puissance installée a l'air d'être particulièrement difficile à dépasser, même si l'on voit que des monstres du secteur peuvent se tourmenter les uns les autres, à l'image d'Apple et Facebook. Pour le moment, les résultats de ces entreprises n'en pâtissent pas trop. Ou du moins n'y a-t-il pas d'inflexion majeure. A l'étage en dessous en revanche, c'est l'exemple de Snap, la situation pourrait être plus compliquée. Si cela venait à se conjuguer avec une pression réglementaire plus importante, qui est dans l'air du temps, les marges financières indécentes de certains acteurs risquent d'être rabotées, avec les conséquences que l'on imagine sur la perception sectorielle qu'auront les investisseurs. A moins que, comme me le martèle inlassablement une connaissance qui travaille chez un de ces mastodontes, les acteurs du numérique n'aient toujours une longueur d'avance sur la régulation et les besoins des utilisateurs.

Ce matin, malgré les déboires de Snap (et d'Intel, mais pour d'autres raisons), les marchés ont l'air plutôt optimistes en Europe. Le CAC a démarré la séance en hausse de 0,4% à 6722 points. Le patient chinois Evergrande a honoré une échéance de dette qu'il n'avait pu payer il y a quelques semaines, ce qui a l'air d'avoir un peu apaisé les craintes le concernant. Aux Etats-Unis, les démocrates ont l'air de se résigner à revoir en baisse leurs ambitions, à la fois au niveau réformiste et de la prodigalité. Un renoncement qui pourrait avoir un impact positif sur les marchés, qui redoutaient notamment un durcissement fiscal qui pourrait ne pas avoir lieu, en tout cas pas dans les proportions annoncées. La realpolitik interne a repris le dessus à Washington.

Les temps forts économiques du jour

Revoilà les indicateurs PMI des principales économies mondiales pour le mois d'octobre. Ils sont globalement tous attendus en baisse, tout en restant bien ancrés en zone d'expansion. Aux Etats-Unis, ils pourraient être en voie de stabilisation au niveau manufacturier voire en légère hausse au niveau des services. En Soirée, Jerome Powell, le patron de la Fed doit participer à un événement qui lui donnera peut-être l'occasion de s'exprimer sur la politique monétaire.

L'euro a perdu un peu de hauteur à 1,16269 USD. L'once d'or ne bouge guère à 1786 USD. Le pétrole consolide à 84,22 USD pour le Brent et à 82,20 USD pour le WTI. Le rendement du T-Bond recule à 1,68% sur 10 ans après avoir atteint hier la barre symbolique de 1,70%, pendant que le Bund est stable à -0,1%. Le bitcoin évolue autour de 63 255 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ABB : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours ajusté de 36 à 35 CHF. Vertical Research démarre le suivi à conserver en visant 35 CHF.
  • CareTech : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 715 GBp.
  • CD Projekt : Jefferies passe d'acheter à sous performance en visant 155 PLN.
  • Damartex : Portzamparc passe d'acheter à conserver en visant 23 EUR.
  • Elisa : J.P. Morgan passe de souspondérer à neutre en visant 57 EUR.
  • Focus Home Interactive : Portzamparc passe de renforcer à conserver en visant 39,90 EUR.
  • Guerbet : Portzamparc passe d'acheter à conserver en visant 45 EUR.
  • Hays : HSBC passe de conserver à acheter en visant 195 GBp.
  • Hermès : Deutsche Bank relève son objectif de cours de 880 à 1260 EUR.
  • Iberdrola : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 13 à 11,30 EUR.
  • Iren : Stifel passe de conserver à acheter en visant 3,20 EUR.
  • Kering : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 750 à 740 EUR.
  • Lindt : UBS relève son objectif de cours de 116 000 à 124 000 CHF.
  • Moncler : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 55 à 57 EUR.
  • Orange Belgium : HSBC passe de conserver à acheter en visant 23 EUR.
  • Pernod Ricard : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 225 à 230 EUR.
  • RWE : HSBC passe de conserver à acheter en visant 42 EUR.
  • Superdry : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 280 à 265 GBp.
  • Ubisoft : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 60 EUR.

En France

Publications de résultats :

  • Air Liquide : les trimestriels plus élevés que prévu permettent de confirmer les objectifs annuels.
  • Fnac Darty : les ventes du T3 stagnent au global, avec une légère hausse pour le commerce en ligne qui pèse désormais 26% des revenus.
  • Klépierre : les prévisions sont revues à la hausse après le T3.
  • Renault : la "renaulution" n'est pas encore dans les comptes.
  • Vivendi : les revenus du T3 sont en hausse de 10,3%.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Publications de résultats :

  • Intel : le titre sombre de près de 9% hors séance après la publication de ses résultats. Le management a expliqué que les investissements pèseront plus lourd que prévu à moyen terme sur les marges.
  • Snap : l'action s'effondre de 21% après des comptes dégradés par les nouvelles pratiques d'Apple.
  • Sika : les revenus sur neuf mois sont en hausse de 18,2%.

Annonces importantes (et autres)

  • Google diminue ses commissions pour les éditeurs d'applis mobiles.
  • China Evergrande Group a obtenu une prolongation de trois mois pour une obligation échue de 260 M$ après avoir accepté de fournir une garantie supplémentaire. Le groupe a honoré une échéance manquée le mois dernier.
  • Facebook ne sait pas bien compter ses utilisateurs, selon des documents internes obtenus par le WSJ.
  • Apple va devoir héberger davantage de données clients en Chine, selon The Information, pour se conformer à la réglementation locale.
  • Les pourparlers de fusion entre Western Digital et Kioxia seraient au point mort.
  • Partners Group est en négociations pour l'achat d'une participation de 25% dans la société suisse de montres de luxe Breitling auprès de CVC Capital Partners, a rapporté Bloomberg.
  • La plateforme crypto FTX valorisée à 25 Mds$.
  • J Sainsbury met fin aux discussions sur la vente de ses activités bancaires.
  • Rogers Communications révoque Edward Rogers de son poste de président du conseil d'administration.
  • Aurizon Holdings va racheter One Rail Australia pour 2,35 MdsAUD aux fonds de Macquarie.
  • WeWork monte pour ses débuts à Wall Street après sa fusion avec un Spac.
  • Principales publications de résultats : Honeywell, American Express, Air Liquide, Chugai Pharma, China Telecom, Sika, Essity, Rémy Cointreau, Renault

Lectures