A chaque semaine son histoire sur les droits de douane. Après avoir joué depuis le début du mois d’avril la stratégie de la pression maximale contre la Chine, l’administration Trump semble désormais faire un virage à 180 degrés et amorcer une désescalade.  

Car depuis le 20 janvier, nous avions une escalade tarifaire (et rhétorique) entre la Chine et les Etats-Unis. Dans les premières semaines de son mandat, Donald Trump avait imposé un tariff de 20% à la Chine. Puis un nouveau seuil avait été franchi avec l’annonce des droits de douane réciproques, le 2 avril. Ce jour-là, le président américain avait porté les surtaxes sur les produits chinois à 54%. S’en suivirent différentes ripostes qui ont porté les droits de douane américains sur les produits chinois à 145% et les surtaxes chinoises sur les produits américains à 125%.

La stratégie américaine consistait alors à mettre une pression maximale à la Chine, pour la forcer à venir à la table des négociations et à faire des concessions. Avec l’idée que la Chine est trop dépendante des Etats-Unis, c’est-à-dire qu’il n’y a que le marché américain qui est en mesure d’absorber la production de l’industrie chinoise. C’est encore ce que disait la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, la semaine dernière : "la balle est dans le camp de la Chine : la Chine a besoin de conclure un accord avec nous, nous n’avons pas besoin de conclure un accord avec elle."

Sauf que la réalité est tout autre. La Chine achète aux Etats-Unis essentiellement de l’énergie et des produits agricoles. Des importations pour lesquelles il existe des produits de substitution à court terme. Par exemple, la Chine peut importer plus de soja du Brésil. Côté américain, l’équation est moins évidente. D’une part, les consommateurs ont besoin des produits chinois, notamment électroniques. Et d’autre part, la Chine contrôle une grande partie de la chaîne de valeurs des métaux et minerais critiques. Or, pour tous ces produits, il est difficile de trouver des alternatives à court terme. Et en attendant, les Américains ne sont pas prêts à voir le prix de l’iPhone doubler ou tripler.

Pour autant, la Chine n’a pas de quoi se réjouir. Les niveaux de droits de douane actuels sont prohibitifs, c’est à dire qu’ils mettent à l’arrêt tout commerce entre les deux pays. Ainsi, comme le rapporte le Financial Times, de nombreuses usines chinoises sont contraintes de mettre en pause leur production. Cette guerre tarifaire est donc un conflit perdant-perdant. Le président chinois, Xi Jinping, le reconnaissait lui-même le 14 avril : "il n’y a pas de gagnant dans une guerre commerciale."

Mais ce sont les Etats-Unis qui ont capitulé les premiers. Mardi, lors d’un colloque organisé par JPMorgan, le Secrétaire au Trésor a annoncé que le temps était à la "désescalade". Le même jour Donald Trump a déclaré que les droits de douane sur la Chine "diminueront considérablement". Et hier, le Wall Street Journal rapportait que l’administration Trump envisageait de ramener les droits de douane sur les produits chinois entre 50 et 65%. Dans une rencontre avec des journalistes en marge des journées de printemps du FMI et de la Banque Mondiale, Scott Bessent n’a pas souhaité commenter ces informations, mais il a tout de même déclaré : "Aucun des deux camps ne pensent que ces niveaux sont durables".

Après avoir tenu une position maximaliste, les Etats-Unis ont donc amorcé une désescalade. Reste à savoir comment les négociations avec la Chine prendront forme. Car là où Donald Trump souhaiterait négocier directement avec Xi Jinping, les Chinois n’envisagent pas d’entretien téléphonique ni de sommet tant que les contours d'un éventuel accord commercial n’ont pas été définis. Or, ce que rapportent plusieurs délégations qui se sont rendues à Washington ce mois-ci, c’est que les Américains ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent. C’est ce qu’expliquait hier, depuis Washington, le commissaire européen à l’économie, Valdis Dombrovskis : "on souhaiterait en effet avoir plus de clarté sur les attentes du côté américain". Pour reprendre les mots de la porte-parole de la Maison Blanche, la balle est dans le camp des Américains.