par Anita Komuves et Gergely Szakacs

BUDAPEST, 3 avril (Reuters) - Le Premier ministre nationaliste Viktor Orban se dirigeait dimanche vers un quatrième mandat consécutif à la tête du gouvernement hongrois, selon les premiers résultats des élections législatives, les électeurs semblant avoir validé sa position prudente sur la guerre en Ukraine et sa campagne fondée sur la défense des valeurs chrétiennes traditionnelles.

Après le dépouillement de plus de 80% des suffrages exprimés sur les listes nationales, le Fidesz, son parti, était crédité de 135 sièges sur les 199 que compte le Parlement, contre 57 sièges pour la coalition de six partis d'opposition formée pour tenter de remettre en cause l'emprise du parti au pouvoir sur la vie politique hongroise.

Le Fidesz était également en tête du scrutin par circonscription.

Viktor Orban a revendiqué sa victoire sans attendre la fin du dépouillement.

Le chef de file de l'opposition, Peter Marki-Zay, a concédé la défaite de sa coalition.

Le parti d'extrême droite Notre Patrie devrait faire son entrée au Parlement puisqu'il est crédité de plus de 5% des voix.

Plus tôt dans la journée, après avoir voté à Budapest, Viktor Orban s'était dit certain d'obtenir une "grande victoire" et avait présenté le scrutin comme un vote sur "la paix ou la guerre" en accusant l'opposition de vouloir entraîner la Hongrie dans le conflit en Ukraine, ce que dément cette dernière.

Interrogé sur ses liens étroits avec le président russe Vladimir Poutine, Viktor Orban avait répondu: "Je défends les intérêts nationaux hongrois, je suis pro-Hongrois."

Sa victoire confortable, pratiquement assurée, pourrait redonner de l'élan aux réformes engagées par Viktor Orban depuis huit ans, dans lesquelles ses adversaires voient une subversion des normes démocratiques, dénonçant la mise au pas de la presse.

L'UKRAINE ET L'INFLATION AU COEUR DE LA CAMPAGNE

Sa réélection est "le résultat auquel on peut arriver dans un pays où une seule personne contrôle totalement les médias, dans lequel il n'y a aucun débat", a dit Katalin Cseh, une députée européenne de l'un des partis de l'alliance d'opposition.

Peter Marki-Zay, un indépendant de 49 ans, avait présenté le scrutin comme un choix entre l'Occident et l'Est.

L'invasion russe de l'Ukraine a mis Viktor Orban en porte-à-faux, l'obligeant à naviguer entre une affirmation de la "neutralité" de la Hongrie, qui a refusé de laisser les armes livrées par les pays occidentaux à l'Ukraine transiter sur son territoire, tout en ne s'opposant pas aux sanctions imposées à Moscou par l'Union européenne.

Les adversaires du Premier ministre lui reprochent d'avoir trop rapproché la Hongrie de la Russie, qui lui fournit notamment tout son gaz, étouffé les libertés publiques et isolé le pays au sein de l'Union européenne.

Viktor Orban, 58 ans, se présente comme un défenseur des intérêts de son peuple, en s'opposant notamment à toute sanction contre le pétrole et le gaz russes. Il s'est dit en désaccord avec les autres sanctions adoptées par l'UE, sans pour autant chercher à les bloquer, comme il aurait pu le faire.

Pour satisfaire son opinion publique, favorable à 80% à une adhésion de la Hongrie à l'Otan, selon une enquête menée en 2021 par GLOBSEC, il a récemment donné son feu vert au déploiement sur le territoire hongrois d'un des quatre nouveaux bataillons multinationaux de l'Alliance atlantique destinés à rassurer les pays d'Europe de l'Est face aux visées russes.

Parmi les conséquences de la guerre en Ukraine figurent la flambée de l'inflation, qui a atteint 8,3% en février en Hongrie, malgré les mesures prises par Viktor Orban pour plafonner les prix de l'essence ou des aliments de base.

Selon le centre de réflexion GKI, l'indice de confiance des consommateurs a plongé de 11 points en mars.

La coalition d'opposition, qui va de la gauche à l'ancien mouvement d'extrême droite Jobbik, a tenté de capitaliser sur le mécontentement de la population, tirant à boulets rouges sur ce qu'elle présente comme une corruption systémique qui a permis aux oligarques proches du Fidesz de s'enrichir.

Pour maintenir la mobilisation de sa base conservatrice, le parti au pouvoir a de son côté fait coïncider les législatives avec un référendum sur l'éducation sexuelle à l'école, notamment en matière d'homosexualité et de transidentité, un thème sur lequel Viktor Orban n'a cessé de ferrailler avec Bruxelles ces dernières années. (Reportage de Krisztina Than, avec Krisztina Fenyo; version française Tangi Salaun et Marc Angrand, édité par Jean Terzian)