Immobilier japonais, un feu de paille ? 

En octobre dernier, les médias financiers vantaient un à un l'engouement des investisseurs étrangers pour l'immobilier japonais. Attirés par la faiblesse des taux d'intérêt et du yen, la solidité de l'économie nippone, des rendements élevés et la transparence du marché, ces derniers ont boosté leurs investissements dans le pays tout au long de 2022, et de 45% au premier semestre de 2023 par rapport au S1 2022 (CBRE). Le volume d'acheteurs étrangers s'est même offert une hausse de 100 % au T1 2023 en glissement annuel.

Ces acquéreurs, principalement en provenance de Singapour, des Etats-Unis et du Canada, et dans une moindre mesure d'Europe, ont privilégié les entrepôts logistiques, dopés par le e-commerce, et les bureaux, qui, sur l'archipel, ne connaissent pas la crise du télétravail. Puis les hôtels, misant sur les solides taux d'occupation des équipements touristiques.  

Cet enthousiasme semble toutefois avoir été de courte durée. Cette semaine, le quotidien nippon Nikkei Asia faisait déjà état d'un relatif refroidissement de la situation, dès le second semestre 2023. Les investissements ont chuté et les ventes des propriétaires étrangers ont doublé, se tassant au niveau de 2018.  

Les raisons de ce désamour sont multiples. En première ligne, les observateurs avancent la spéculation sur une hausse imminente des taux d'intérêt nippons (42% des investisseurs étrangers s'attendent à une hausse dans l'année, selon CBRE). D'autres mettent en avant la grande liquidité du marché, qui favoriserait des mouvements de capitaux plus rapides. Pour les investisseurs européens, il s'agirait d'un phénomène d'arbitrage : aux aguets sur leur propre territoire, en proie à une crise immobilière marquée, ils réserveraient leurs capitaux à ces futures aubaines. Enfin, le manque d'offres et le repli de la construction justifierait  la normalisation du secteur. 

Cours de bourse d'une sélection de grands groupes immobiliers nippons :

 

Au Royaume-Uni, une légère embellie ?

De l'autre côté de l'Eurasie, la situation est tout autre. En proie à un vif déclin de l'économie, à une forte inflation, exposé à des taux durablement élevés (au plus haut depuis 16 ans) et une chute des prix et des ventes de logements, le secteur immobilier britannique affiche un ralentissement constant depuis 2022. 

En témoigne l'acquisition, en début de semaine, du promoteur Redrow (valorisé 2 milliards de livres) par son concurrent Barratt Developments (4.5 milliards de livres), le plus grand constructeur de maisons du pays, pour 2.5 milliards de livres. L'opération donnera naissance à une nouvelle entité baptisée Barratt Redrow, qui devrait être mieux armée pour faire face aux vents contraires qui balayent le secteur. L'an dernier, l'acquéreur a réduit ses effectifs de 10% et dévoilé une chute de production de 28% au S2 (Financial Times) et l'acquis supprimé deux divisions régionales. 

Graph comparatif des cours de bourse de Barratt Developments et Redrow 

Mais le marché semble toutefois montrer quelques signes de reprise, les prix des logements au Royaume-Uni ayant augmenté en janvier pour le quatrième mois consécutif (Halifax) - de 1.3% par rapport à décembre, et de 2.5% par rapport à janvier 2022 -, atteignant leur niveau le plus élevé depuis octobre 2022. 

Cette légère embellie s'explique par un adoucissement des pressions inflationnistes, la résistance du marché de l'emploi, et une sensible baisse des taux d'intérêt réels sur les nouveaux prêts hypothécaires pour la première fois depuis 2021 (BoE). La pénurie chronique de logements, accrue par des règles de construction strictes et des manquements gouvernementaux dans ce domaine, devrait également soutenir cette tendance à moyen terme.