La volatilité, souvent difficile à comprendre ou expliquer au grand public lors de crises financières " classiques ", est particulièrement compréhensible dans le contexte actuel de crise sanitaire. La situation est très concrète pour tout le monde puisque la plupart d'entre nous, ont, sont ou vont être confinés dans les jours qui viennent. Le business est à l'arrêt. Le monde n'a probablement jamais si peu dépensé et vit dans l'anxiété de perdre ses proches. La baisse est méritée.

C'est bien là la définition du cygne noir, le choc exogène, imprévisible, qui ravage tout sur son passage. Chez Zonebourse, nous en avons connu des crises en 22 ans d'existence mais celle-ci est franchement particulière. L'ampleur de la baisse est à ce stade similaire aux précédents gros mouvements de panique mais la situation est toutefois différente. Les marchés naviguent à vue et on ne peut pas comparer cette crise à une autre. Il faut donc s'attendre à être surpris.

Nombreuses sont les sociétés dont l'activité est réduite à néant mais qui continuent de supporter des charges importantes. Certaines, beaucoup, vont tout simplement disparaître. Car si une baisse de l'activité doit toujours être envisagée par un bon entrepreneur, l'arrêt total et intégral des ventes ne doit pas être une option couramment anticipée, sauf peut-être par les plus prudents, limite paranoïaques. Combien une trésorerie moyenne peut-elle absorber de mois de charges dans l'hypothèse d'un chiffre d'affaires nul ? Trois mois doivent être du luxe pour de nombreuses sociétés.

Si les politiques se veulent rassurants, ce sont bien les entrepreneurs et leurs actionnaires qui vont supporter l'essentiel des pertes. Il faut s'attendre à des déconvenues, y compris pour des sociétés cotées. Il va y avoir des faillites.

Les grands gagnants seront ceux dont l'activité n'a pas ou peu été atteinte, ce seront désormais des valeurs défensives d'un nouveau genre. Elles seront durablement mieux valorisées qu'avant cette crise. Les sociétés qui ont beaucoup de cash devant elles, qui vont tenir et prendre des parts de marché ou pouvoir racheter des concurrents seront les autres grandes gagnantes. Les Etats pourraient aussi être tentés de prendre des participations dans des sociétés cotées. Après tout, pourquoi pas. Ils pourraient même le faire en masse puisqu'ils créent actuellement de la monnaie en pagaille. Autant la convertir en actifs tangibles : des parts de sociétés. L'Etat actionnaire pourrait faire son grand retour. Les particuliers qui n'ont jamais investi en bourse et qui s'intéressent désormais aux marchés vont mettre le pied à l'étrier avec un meilleur timing que deux mois plus tôt.

Il ne faudra pas se presser pour autant. Si l'on considère que les marchés étaient relativement chers avant la crise, que le cash d'aujourd'hui vaut beaucoup plus cher que le cash d'hier, que les opportunités vont être nombreuses et que les paranos (cf ci-dessus) considèrent probablement qu'il est encore trop tôt pour utiliser sa trésorerie, on peut alors se dire qu'il reste du potentiel de baisse. Quoiqu'il en soit, il est trop tôt et il va falloir être sélectif.

Certes le rebond pourrait intervenir à tout moment en fonction des dernières annonces et découvertes médicales ; il serait d'ailleurs d'autant plus rapide et violent qu'elles interviendraient rapidement, reléguant aux livres d'histoire ce que nous vivons. Ce serait le scénario idéal d'une reprise en V mais sa probabilité baisse chaque jour. Un rebond moins violent pourrait aussi venir d'une remontée du pétrole suite à une clé de bras de Trump sur l'Arabie Saoudite pour sauver son industrie pétrolière. Un autre catalyseur plus solide serait l'annonce d'opérations capitalistiques importantes portant sur des acteurs de renom : des prises de participations venant d'industriels et portant sur d'autres industriels. Ce serait alors un signe que les valorisations sont attrayantes. Encore une fois c'est probablement encore trop tôt pour cela.

En attendant ces signaux on pourra rebalancer ses portefeuilles, c'est-à-dire gérer les variations des poids de ses différentes lignes. On pourra alléger son exposition aux valeurs qui ont tenu et ne profiteront pas dans les mêmes proportions d'un rebond au moins technique pour renforcer les valeurs massacrées dans la mesure où elles restent de qualité.

On restera à l'écart des colosses aux pieds d'argiles, des valeurs pétrolières, des valeurs bancaires et des valeurs spéculatives c'est à dire celles dont la viabilité était déjà remise en question avant crise (faible rentabilité, fort endettement). On ne cherchera donc pas les valeurs qui ont le plus baissé pour maximiser un éventuel rebond. On ne s'attendra pas non plus à toucher les dividendes qui étaient encore prévus fin février. Nous sommes en guerre mais on commencera par fourbir ses armes en identifiant les sociétés de croissance que l'on a toujours voulu avoir mais que l'on considérait comme trop chères. Ce sont elles qui repartiront durablement. C'est probablement quand ces valeurs seront bon marché que le marché sera prêt. On surveillera donc des sociétés comme Apple ou LVMH.

En matière d'investissement, nous sommes contre le " market-timing " et la recherche du meilleur point d'entrée ou de sortie, cette crise sera probablement l'exception qui confirmera la règle. Si l'on est investi et que l'on a subi, comme c'est notre cas, le repli de ces dernières semaines, il est trop tard pour vendre et trop tôt pour acheter et augmenter son exposition. Nous avions bien tenté de rendre nos portefeuilles Europe, US et Asie beaucoup plus défensifs mais notre stratégie nous a seulement permis de surperformer de quelques pourcents nos indices de référence. Nous attendrons désormais un rebond technique pour faire des remaniements.

Soyez prudents et patients.