CONFLANS-SAINTE-HONORINE, Yvelines, 16 octobre (Reuters) - E mmanuel Macron a déclaré vendredi soir que le professeur tué à l'arme blanche à Conflans-Sainte-Honorine, au nord-ouest de Paris, avait été victime d'un "attentat terroriste islamiste caractérisé" et a affirmé que "l'obscurantisme et la violence qui l'accompagne ne gagneront pas".

L'homme a été tué de plusieurs coups couteau au niveau de la gorge. Son agresseur est tombé sous les balles des forces de l'ordre dans la ville limitrophe d'Eragny.

"Un de nos concitoyens a été assassiné aujourd'hui parce qu'il enseignait, parce qu'il apprenait à des élèves la liberté d'expression, la liberté de croire et de ne pas croire", a dit le président, l'air sombre, devant le collège du Bois d'Aulne où la victime enseignait.

"Notre compatriote a été lâchement attaqué, a été la victime d'un attentat terroriste islamiste caractérisé", a insisté le chef de l'Etat, ajoutant que "l'obscurantisme et la violence qui l'accompagne ne gagneront pas". "Ils ne passeront pas", a-t-il martelé, appelant la nation à "faire bloc".

"Cette unité est indispensable", a-t-il dit au terme d'une courte allocution d'un peu moins de cinq minutes.

Emmanuel Macron était arrivé vers 21h10 au collège de Conflans, dans les Yvelines, où le professeur enseignait, accompagné notamment du ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et rejoint par Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur.

Il en est ressorti après près d'une heure et demie d'échanges avec les équipes éducatives sous le choc.

De source policière, on indiquait en début de soirée que l'enseignant avait montré en classe une ou des caricatures du prophète Mahomet. Des parents d'élèves l'ont confirmé, indiquant qu'il l'avait fait dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression.

D'après le père d'un collégien, l'enseignant avait auparavant demandé à ses élèves de confession musulmane de lever la main et les avait invité à quitter la salle de classe, leur précisant qu'il montrerait une caricature du prophète qui pourrait les heurter. Certains parents, informés, ont alors réagi en dénonçant un blasphème.

"CETTE BATAILLE, C'EST LA NÔTRE."

Emmanuel Macron a "eu une pensée" pour les proches et les familles de l'enseignant assassiné, dont il n'a pas souhaité prononcer le nom.

Apportant son soutien à l'ensemble des équipes du collège du Bois d'Aulne, il a aussi "plus largement" dit à tous les enseignants de France que "la nation tout entière sera là à leurs côtés, aujourd'hui et demain, pour les protéger, les défendre, pour leur permettre de faire leur métier qui est le plus beau qui soit, faire des citoyens libres".

"Il n'y a pas de hasard, si ce soir c'est un enseignant que ce terroriste a abattu, c'est parce qu'il a voulu abattre la République dans ses valeurs, les Lumières, la possibilité de faire de nos enfants (...) des citoyens libres."

"Cette bataille, c'est la nôtre."

Jean-Michel Blanquer a indiqué qu'il recevrait samedi les représentants des personnels et des parents d’élèves. Il s'adressera aussi par vidéo à tous les professeurs, personnels et familles pour, écrit-il sur Twitter, "une réaction de solidarité absolue et de solidité de toute notre institution".

Emmanuel Macron a également exprimé ses remerciements aux forces de l'ordre qui, a-t-il dit, "avec un courage exemplaire sont intervenues avec une rapidité exceptionnelle pour mettre fin à la course mortelle de ce terroriste".

LE PARQUET NATIONAL ANTITERRORISTE SAISI

Le suspect pris en chasse a été stoppé par des policiers d'une équipe de la BAC, la brigade anti-criminalité, sur le territoire de la commune limitrophe d'Eragny, dans le Val d'Oise. Refusant d'obtempérer, il a péri sous les balles tirées par les policiers.

D'après plusieurs médias, l'agresseur de Conflans était un jeune homme de dix-huit ans né à Moscou. Il était semble-t-il inconnu des services de la sécurité intérieure.

L'attaque qui s'est produite vers 17h00, alors que débutaient les vacances scolaires de la Toussaint, a soulevé une vague d'émotions et de colère.

Le parquet national antiterroriste (PNAT) a annoncé qu'il s'était saisi des chefs "d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste criminelle".

Elle survient alors que se poursuit le procès des attentats contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher en janvier 2015 devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Dans un communiqué, l'hebdomadaire satirique a fait part dans la soirée "de son sentiment d'horreur et de révolte après qu'un enseignant dans l'exercice de son métier a été assassiné par un fanatique religieux".

"L'intolérance religieuse vient de franchir un nouveau seuil et ne semble reculer devant rien pour imposer sa terreur à notre pays", poursuit Charlie Hebdo.

Son assassinat a lieu trois semaines après une attaque au hachoir dans le XIe arrondissement de Paris, où se trouvait la rédaction du journal satirique lors de la tuerie de janvier 2015.

L'agresseur de la rue Nicolas-Appert, un ressortissant pakistanais interpellé par les forces de l'ordre, entendait "se révolter" contre la republication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet à l'occasion du procès, mais n'a prêté allégeance à aucun groupe, avait alors déclaré le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard.

Le procureur Ricard devrait s'exprimer "dans les heures qui viennent" sur cette nouvelle attaque, a indiqué le chef de l'Etat.

(Rédaction de Paris, édité par Henri-Pierre André)