(Actualisé avec déclarations de Marina Silva, ex-ministre de l'Environnement, § 17-18-19)

par Anthony Boadle

BRASILIA, 23 août (Reuters) - Le président brésilien Jair Bolsonaro a demandé jeudi soir aux puissances étrangères de ne pas s'immiscer dans la question de l'Amazonie, alors que les incendies qui ravagent la forêt amazonienne provoquent une inquiétude grandissante au sein de la communauté internationale.

Le président français Emmanuel Macron et le secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres ont tous les deux fait part de leur préoccupation à l'égard des incendies dans la forêt amazonienne, qui ont atteint un nombre record depuis le début de l'année, dévastant une zone considérée comme essentielle dans la lutte contre le changement climatique.

Jair Bolsonaro a réagi avec colère à ce qu'il considère comme de l'ingérence étrangère.

"Les pays qui envoient de l'argent ici ne le font pas par charité (...) Ils le font avec l'objectif d'interférer dans notre souveraineté", a déclaré le dirigeant d'extrême droite dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook.

Un peu plus tôt dans la journée, Bolsonaro avait toutefois déclaré que son gouvernement n'avait pas les moyens de lutter contre les incendies dans la forêt amazonienne. "L'Amazonie est plus grande que l'Europe, comment combattez-vous des incendies dans une zone aussi vaste ?", avait-il dit aux journalistes en quittant le palais présidentiel. "Nous n'avons pas les ressources pour cela."

D'après des données gouvernementales, les incendies dans la forêt amazonienne ont augmenté depuis le début de l'année de 83% par rapport à la même période l'an dernier.

Si les feux de forêt se produisent régulièrement de manière naturelle durant les mois les plus secs de l'année, les experts environnementaux attribuent cette hausse importante du nombre d'incendies aux pratiques des agriculteurs qui ont recours au feu pour défricher leurs terres.

En cela, les agriculteurs pourraient avoir été influencés par la politique de Bolsonaro en matière d'environnement.

"NOTRE MAISON BRÛLE"

Arrivé au pouvoir en janvier dernier, l'ancien officier s'est engagé à favoriser le développement de l'Amazonie en l'ouvrant davantage aux investissements agricoles et miniers. Il a aussi promis d'assouplir les réglementations environnementales et de réduire les amendes imposées aux exploitants qui y contreviennent.

Bolsonaro avait accusé mercredi les ONG d'être responsables des incendies en Amazonie, sans présenter de preuve pour soutenir son propos (). Il a semblé faire marche arrière jeudi, en déclarant pour la première fois que les agriculteurs pourraient avoir illégalement causé les feux.

Emmanuel Macron a qualifié jeudi la situation en Amazonie de "crise internationale" et a appelé à ce que la question soit discutée lors du sommet du G7 qui se tiendra ce week-end à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

"Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu", a déclaré le président français sur Twitter. "C'est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence", a-t-il ajouté.

Le Brésil ne fait pas partie du G7, qui regroupe la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, le Canada et les Etats-Unis.

Le secrétaire général des Nations unies a dit pour sa part être "profondément inquiet". "Nous ne pouvons pas nous permettre davantage de dégâts à cette source majeure d'oxygène et de biodiversité", a tweeté Antonio Guterres.

"UN CRIME CONTRE L'HUMANITÉ"

Une enquête a été ouverte par le parquet fédéral brésilien pour déterminer les circonstances dans lesquelles ces incendies se sont produits.

L'ancienne ministre brésilienne de l'Environnement et ex-candidate à la présidence, Marina Silva, a estimé pour sa part que les incendies dans l'Amazonie relevaient d'un "crime contre l'humanité" et a accusé la politique actuelle du gouvernement Bolsonaro d'attiser les flammes.

"Nous avons eu tout au long de l'histoire du Brésil des situations difficiles, mais c'est la première fois que nous sommes face à une situation pratiquement et officiellement alimentée par le gouvernement", a-t-elle dit lors d'une conférence à Bogota.

"Le gouvernement Bolsonaro a brisé toutes les politiques environnementales mises en place depuis des décennies", a-t-elle ajouté.

La forêt amazonienne, plus grand puits de carbone au monde, se trouve à 60% sur le territoire du Brésil, qui fait figure de pays clé dans la lutte contre le dérèglement climatique.

La Norvège et l'Allemagne ont suspendu ce mois-ci leurs financements au Fonds pour la préservation de l'Amazonie, accusant l'administration Bolsonaro d'en avoir modifié les structures de gouvernance.

La Colombie, qui abrite une partie de l'Amazonie, a proposé jeudi d'apporter son aide. Dans un communiqué, le ministère colombien des Affaires étrangères a ajouté que les autorités du pays oeuvraient à contenir la propagation des flammes vers le territoire colombien. (avec Stephen Eisenhammer et Gabriel Aruajo à Sao Paulo, Ricardo Brito à Brasilia et Anastasia Moloneu à Bogota Jean Terzian et Henri-Pierre André pour le service français)