New Delhi (awp/afp) - La croissance indienne a confirmé mercredi sa vitesse vertigineuse, l'une des plus rapides du globe, sur le trimestre juillet-septembre mais les perturbations économiques entraînées par la démonétisation font craindre un freinage brutal.

Le PIB de ce pays de 1,2 milliard d'habitants a augmenté de 7,3% sur un an sur le trimestre juillet-septembre, contre 7,1% au trimestre précédent, soutenu notamment par une bonne mousson après deux années consécutives de faibles précipitations.

L'agriculture, secteur vital pour une société encore très rurale, "fait un peu mieux que l'année dernière (...) comme attendu", a noté T.C.A. Anant, statisticien en chef de l'Inde.

Le taux de croissance est toutefois un peu en-deçà de de la prévision de 7,5% d'un panel Bloomberg pour ce deuxième trimestre de l'année fiscale (avril-mars).

"Les chiffres pour le deuxième trimestre à 7,3% sont marginalement meilleurs que ceux du trimestre précédent", a constaté Subramaniam Sharma de Greenback Forex.

Si la croissance trimestrielle indienne n'a pas réservé cette fois-ci de surprise particulière, l'indicateur du prochain trimestre sera scruté avec une attention redoublée. Les analystes redoutent un net ralentissement de la croissance du PIB sur octobre-décembre en raison du choc de la démonétisation.

"Nous ne nous attendions pas à une chute particulière pour le trimestre jusqu'à septembre car la mesure de démonétisation a été lancée en novembre", a commenté Sujan Hajra, économiste à Anand Rathi Securities.

- Pression sur la banque centrale -

Le gouvernement nationaliste hindou a décrété que les billets de 500 et 1.000 roupies (6,5 et 13 euros), coupures les plus élevées et qui représentaient 86% de la valeur de l'argent liquide en circulation, n'avaient plus de valeur légale.

Cette mesure radicale, dont la mise en oeuvre et la pertinence sont critiquées par de nombreux économistes, se veut destinée à lutter contre l'évasion fiscale et à faire rentrer dans le secteur bancaire une partie de l'énorme secteur informel de l'économie indienne.

Mais elle a eu pour effet immédiat de déclencher une ruée sur les banques, qui se sont trouvées à sec, et d'entraîner un ralentissement de la consommation dû à la pénurie d'argent liquide.

"Au prochain trimestre clos en décembre, nous allons assister à une grosse chute des chiffres du PIB dans la mesure de 3-4 points" de croissance en moins, a prévenu Ashutosh Datar, économiste de IIFL Equities à Bombay.

"Les entreprises font face à un choc de liquidités et les fermiers, le secteur manufacturier ont assisté à un ralentissement ces derniers jours qui se reflètera dans les chiffres", a-t-il analysé.

L'agence de notation Fitch a abaissé mardi sa prévision de croissance pour l'exercice annuel 2016/2017 à 6,9%, contre 7,4% auparavant, citant des "perturbations temporaires" de l'activité économique liées à la démonétisation.

L'opposition accuse le gouvernement Modi de ne pas avoir suffisamment préparé les répercussions de la démonétisation des 24 milliards de billets dans une nation où 90% des transactions s'effectuent en liquide.

Le gouvernement défend lui une vision de long terme. Malgré des cahots passagers, estime-t-il, sa décision permettra une accélération de la croissance notamment grâce à la hausse des dépôts bancaires.

Les troubles économiques en vue devraient accentuer la pression sur la banque centrale indienne, dont le principal taux directeur est à son plus bas niveau depuis six ans.

La Reserve Bank of India "abaissera ses taux de 50 points de base car l'économie va ralentir à cause de la démonétisation et l'inflation chutera aussi", prévoit M. Datar.

La décision de la prochaine réunion du comité monétaire de la RBI, la première depuis la démonétisation, sera annoncée le 7 décembre.

afp/rp