William Higgons, pouvez-vous nous rappeler les fondements de votre philosophie de gestion ?

" Depuis plus de trente ans, notre pratiquons ce que nous appelons l’investissement « Quality Value », c’est-à-dire que nous investissons dans des entreprises faiblement valorisées qui se développent de façon très rentable. Ce modèle unique de gestion, très stable, repose sur les principes suivants :

  • l’avenir est imprévisible ;
  • les êtres humains surestiment leurs capacités à distinguer les sociétés promises à un avenir radieux des sociétés qui vont avoir des problèmes ;
  • de sorte qu’en réalité, les sociétés les mieux valorisées risquent de décevoir alors que les moins bien valorisées ont de fortes chances de surprendre agréablement.

Ainsi, pour surperformer, nous achetons des sociétés mal valorisées et à forte rentabilité des capitaux employés (ROCE), c’est-à-dire dotées d’un avantage compétitif. Ainsi, nous jouons sur deux leviers de performance : le changement de valorisation et la croissance des bénéfices par action, laquelle sera soutenue par un meilleur ROCE. Cela fonctionne puisque sur une trentaine d’années nous avons surperformé le marché 24 années sur 31, moyennant une performance annuelle moyenne de 12.6%. Cette méthodologie a été répliquée avec succès au sein du fonds Europe Small lancé en 2018 : son alpha s’élève à 5% annuel avec une surperformance constatée 5 années sur 6. "

    

Composition et caractéristiques du fonds France Small & Mid à fin décembre 2024

Votre fonds France a malgré tout fini dans le rouge en 2024, année particulièrement difficile pour les petites valeurs françaises, et ce malgré une montée en taille de capitalisation du fonds, rebaptisé « France Small & Mid ».

" La dissolution de l’Assemblée Nationale a fortement pesé sur les marchés français, notamment les plus petites valeurs. Le fonds affichait +13% à fin mai pour finir à -1.2%, ce qui reste supérieur à son indice de référence (-3.6%). Sur 5 ans, l’écart de performance entre les petites et les grandes valeurs françaises est énorme, de plus de 30%, soit deux fois supérieur à ce que l’on observe sur l’ensemble des autres marchés européens. Compte tenu de la faible liquidité des plus petites valeurs et de niveaux de valorisation similaires sur les valeurs moyennes, nous avons privilégié ces dernières (à l’image de Nexans, Mersen, Technip Energies, Alten…) de sorte que la capitalisation médiane du fonds se situe aujourd’hui à 1.5 milliard d’euros. Cette montée en capitalisation ne s’est pas faite au détriment de la valorisation ni du ROCE puisque la VE/REX moyenne du fonds s’élève à 5.8x et le ROCE à 19% à comparer à une moyenne de 7.5% pour le marché. "

Comment jugez-vous les valorisations des PME-ETI françaises ?

" Les niveaux de valorisations actuels anticipent « la fin du monde » puisque nous sommes, à 1.1x les fonds propres pour l’ensemble du marché des petites et moyennes valeurs, revenus aux niveaux des précédentes crises des 20 dernières années : crise Covid en 2020, crise des dettes européennes de 2011, et crise des subprimes de 2009. Ce phénomène est exacerbé pour les valeurs françaises : le courtier Exane estime qu’avoir son siège en France coute 20% de décote. Sachant que ces sociétés réalisent à peine plus d’un tiers de leur activité en France, cela revient à appliquer plus de 50% de décote sur leur CA français. Sans compter la décote des PME et ETI par rapport à leurs comparables du non coté, lequel bénéficie encore des montants importants levés ces dernières années par les fonds de private equity. Nous croyons à un rattrapage des multiples de valorisation pour les small cap cotées, non seulement par rapport au Large, mais également par rapport au secteur du Private Equity. Ces écarts de valorisation constituent actuellement une inefficience de marché évidente. Il serait logique que cette situation soit exploitée par les investisseurs avec un retour de flux positifs sur les petites sociétés cotées. Ceci pourrait permettre de lancer un nouveau cycle de revalorisation de ces sociétés, à commencer par les plus qualitatives. Ce processus peut prendre du temps."

Pourquoi avoir lancé en octobre dernier le fonds Europe Mid ?

" Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, notre fonds Europe Small doit être investi à 75% minimum dans des valeurs éligibles au PEA-PME pour en conserver le label. Par ailleurs, ce fonds, même s’il peut encore grandir compte tenu de l’alpha qu’il est encore capable de dégager, a vu son encours fortement progresser pour atteindre 375 M€ à fin janvier. Enfin, les opportunités d’investissement sont nombreuses sur les mid caps, et même sur de plus grandes capitalisations. Actuellement, ce nouveau fonds est investi à 64% sur des sociétés capitalisant 1 à 10 milliards (capitalisation médiane de 3 milliards d’euros) avec un taux de recoupement de l’ordre de 50% avec les positions du fonds Europe Small. Sa valorisation moyenne est de 9.5x en PE contre 10.1x pour Europe Small sachant que les achats les plus récents font logiquement baisser la moyenne. Et si en termes de ROCE les niveaux sont comparables, le rendement sur Europe Mid est supérieur, à 3.9%, car les plus grandes sociétés ont atteint un plus grand niveau de maturité. "

Quelles secteurs ou thématiques privilégiez vous ou évitez vous actuellement ?

" Quels que soient les secteurs, nous recherchons des sociétés décotées et rentables, actuellement plutôt de taille moyenne que petite car le manque de liquidité n’offre pas de prime en conséquence. Même dans un secteur cyclique comme la construction, nous avons investi sur le marché néerlandais au travers de la société Heijmans alors qu’en France nous avons plutôt eu tendance à nous désengager du secteur. Comme dans le passé, les entreprises en capacités de s’adapter, peu endettées, et rentables, seront les grandes gagnantes de demain."

Nexans constitue la première position du fonds France. Pourquoi l’appréciez vous autant ?

" Nexans a pâti de plusieurs phénomènes après une forte hausse de son cours début 2024. Le titre a d’abord pâti, quelques jours après celle de Bpifrance, de la vente de 5% du capital de la part du premier investisseur du fabricant de câbles, le chilien Quinenco (qui représente la famille Luksic, l’un des principaux actionnaires de Nexans avec une participation de 14,2%). Par ailleurs, suite à l’élection américaine, des nouvelles négatives sur l’éolien en mer ont pesé sur le titre Nexans, et ce davantage que sur son concurrent Prysmian. Nous restons convaincus sur le potentiel de cette société qui profite à plein de la tendance long terme à l’électrification des économies, en ayant conscience de son caractère cyclique, ne serait-ce que d’un point de vue boursier. »

Quelle est la valeur française la plus injustement valorisée à l’heure actuelle selon vous ?

" Une des valeurs françaises les moins bien valorisées selon nous est l’entreprise Viel & Cie. Son PER 2024e est de 6,5x selon nos estimations. L’entreprise est valorisée seulement 2,7x son résultat opérationnel attendu en 2024 ou encore 5,8x son autofinancement alors même que la société est très rentable. Elle offre une rentabilité des fonds propres de plus de 21%."

Des fonds très bien classés sur tous les horizons (Source : Quantalys à fin décembre 2024)