(Répétition sans changement de cette interview diffusée mardi soir)

* Jean-Louis Girodolle succède à Matthieu Pigasse à Lazard France

* Un changement de direction, pas de stratégie, dit-il

* Lazard au défi de conserver ses clients et ses banquiers-sces

* Girodolle exclut des réductions d'effectifs en France

par Pamela Barbaglia et Gwénaëlle Barzic

PARIS, 6 novembre (Reuters) - Le nouveau numéro un de Lazard en France promet de partager les décisions et la lumière alors qu'il tente de battre en brèche l'idée selon laquelle le succès de la banque d'affaires, acteur incontournable des fusions-acquisitions dans l'Hexagone, reposait sur le charisme de son banquier vedette Matthieu Pigasse.

Le départ soudain du banquier français en octobre a été précédé de plusieurs semaines de rumeurs faisant état de tensions au sein des équipes, frustrées de sa main-mise sur l'institution dont il était devenu l'incarnation après 17 ans.

Des départs, dont ceux récents de Nicolas Constant et Pierre Pasqual, ont par ailleurs alimenté les craintes de défections.

"Ce n'est pas un 'one man show'", a déclaré Jean-Louis Girodolle, le nouveau directeur général de la banque d'affaires de Lazard en France, dans le cadre d'un entretien à Reuters dans les locaux de la banque, boulevard Haussmann.

"Mon travail consiste à faire en sorte que chacun ait l'occasion de briller."

La France est le deuxième plus important bureau de Lazard après New York, une grande partie de l'activité en Europe et au Moyen Orient étant gérée depuis la capitale française, qui dirige également le conseil aux gouvernements.

Le patron de Lazard Ken Jacobs a passé une semaine à Paris fin octobre pour superviser la transition après la sortie cafouilleuse de Matthieu Pigasse, dont le départ avait été démenti par le groupe une semaine plus tôt.

Enarque, ancien inspecteur des Finances, patron de médias, ce dernier est crédité d'avoir permis à Lazard de participer à des opérations majeures, dont le mandat de conseil sur l'introduction en Bourse du géant saoudien Aramco. Mais ses détracteurs lui reprochent d'avoir négligé de faire monter de nouvelles générations de talents dans la banque et d'avoir bridé l'ascension d'autres membres clefs de l'équipe.

"Sous la direction de Pigasse, il était difficile pour des banquiers juniors d'émerger car il avait tendance à centraliser la couverture des plus grands clients français et à gérer personnellement les relations", a expliqué à Reuters Xavier Mayer, un ancien banquier de Morgan Stanley.

Agé de 51 ans, Jean-Louis Girodolle, qui prône le travail en équipe, a dit ne pas avoir l'intention de changer sensiblement la taille des effectifs.

"Nous n'avons actuellement pas l'intention de recruter des profils seniors car nous avons déjà une équipe fournie de banquiers expérimentés."

Lazard Paris emploie actuellement environ 140 banquiers, dont 25 sont associés gérants.

Au cours des deux dernières années, la banque a débauché six associés gérants chez des rivaux alors qu'elle a promu trois banquiers de la maison à cette fonction sur la même période.

Après le départ de Matthieu Pigasse, Ken Jacobs a décidé d'élargir l'équipe de direction parisienne en nommant deux associés aguerris - Charles-Henri Filippi et François Kayat - aux postes de co-présidents.

CONCURRENCE CROISSANTE

Jean-Louis Girodolle a souligné que le changement de direction n'impliquait pas de changement de stratégie, alors que Lazard continue d'occuper le deuxième rang dans le conseil en France derrière BNP Paribas, selon des données Refinitiv à la date du 31 octobre.

"Matthieu est parti pour un certain nombre de raisons et il rendra public ce qu'il souhaite rendre public mais il n'est pas parti parce que le bureau de Paris serait dans une sorte de crise", a expliqué Jean-Louis Girodolle.

Le groupe fait néanmoins face à une concurrence croissante, venant notamment de plusieurs "boutiques" américaines de conseil qui veulent recruter des banquiers parisiens de haut vol, ont dit des sources à Reuters.

Rothschild, de son côté, génère toujours le montant le plus élevé d'honoraires dans toute la banque d'affaires en France.

"La domination de Lazard en France est en recul car ils font face à de plus en plus de pression à la fois des grandes banques et aussi des boutiques rivales de M&A", a estimé Xavier Mayer, petit-fils d'Antoine Bernheim qui a transformé Lazard en place forte du M&A en l'espace de 30 ans.

Lazard conseille actuellement Exor, le propriétaire du constructeur italien Fiat Chrysler dans ses discussions avec Peugeot. Mais selon des sources, il n'a pas à ce stade de rôle de premier plan auprès de LVMH dans sa tentative de conquête du joaillier américain Tiffany.

"Vous n'êtes jamais propriétaires d'un client. Jour après jour, vous devez faire la preuve que vous méritez d'être le premier choix de votre client", a expliqué Jean-Louis Girodolle.

Originaire de Limoges, lui aussi diplômé de Sciences Po et de l'ENA, il a rejoint Lazard en 2007 pour s'impliquer notamment dans les opérations incluant des groupes à actionnariat public comme Thales.

Présenté comme l'archétype du banquier français, il a notamment occupé diverses fonctions au ministère des Finances avant de rejoindre l'Agence des participations de l'Etat (APE).

Pendant des années, il a été considéré comme le bras-droit de Matthieu Pigasse, gérant la banque au quotidien pendant que le PDG était en déplacement pour décrocher de nouveaux mandats ou s'occuper de ses activités personnelles dans les médias.

Au moment où il prend les rênes de l'équipe, il dit vouloir inclure les principaux cadres dans les décisions clefs.

"Mon intention n'est pas de diriger seul", a-t-il expliqué. "Je travaille avec 24 autres associés (...) Je vais faire en sorte qu'ils se sentent inclus, écoutés et qu'ils fassent partie du jeu."

Jean-Louis Girodolle le 31 octobre dernier au siège parisien de Lazard. REUTERS/Benoît Tessier

(Edité par Henri-Pierre André)