Présentation

NACON est un "spinoff", une scission, du groupe BigBen Interactive, bien connu des boursicoteurs pour être présent à la Bourse de Paris depuis 20 ans, puisque son introduction sur feu le Second Marché date de 1999. Même si sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille, BigBen peut se targuer d'avoir survécu à la bulle internet et aux années qui ont suivi. Le cimetière du début du siècle déborde de jeunes pousses technologiques françaises prometteuses. Après une réflexion stratégique, Bigben a décidé de filialiser sa branche "Gaming" (jeux vidéo, quoi) au sein d'une société créée l'été dernier, NACON. La dénomination NACON elle-même avait déjà été lancée par BigBen en 2014 pour ses accessoires haut de gamme de fans de jeux vidéo.

Au final, BigBen conserve ses segments audio et mobile et NACON hérite des studios de développement, de l'édition de jeux ainsi que des accessoires de gaming (manettes, claviers, sièges et toutes sortes de produits annexes). En tout, une belle petite entreprise de 430 salariés (dont 300 développeurs de jeux vidéo) qui ont généré sur l'exercice 2018/2019 un chiffre d'affaires de 113,1 M€. La croissance annuelle moyenne des trois derniers exercices a dépassé 20%. La marge opérationnelle a pris la pente ascendante puisqu'elle a été multipliée par 8 en trois ans, à 11,1% sur l'exercice clos fin mars dernier.

Partie technique

NACON va émettre entre 16,528 et 20 millions d'actions, à un cours compris entre 4,90 et 5,80 EUR. Dans l'hypothèse la plus favorable (haut de fourchette, exercice de l'extension et de la surallocation), le montant brut de la levée de fonds atteindrait 115,9 M€ environ. Dans le cas contraire, ce serait 81 M€. L'opération prend la forme classique OPO (pour les particuliers) et placement global (pour les professionnels). Les actionnaires de la maison-mère BigBen Interactive bénéficieront d'ordres prioritaires. L'offre court du 20 février 2020 au 4 mars 2020 pour l’OPO et jusqu’au 5 mars 2020 pour le placement global, date de fixation du prix. La société a obtenu 21,9 M€ d'engagements de souscription. L'action sera cotée sous l'ISIN FR0013482791 et le mnémonique NACON. Les éléments techniques sont disponibles dans le prospectus, lui-même mis à disposition sur le nouveau site corporate de l'entreprise

La calendrier de l'opération

Le capital devrait être divisé en au moins 80 millions de titres à l'issue de l'opération, en fonction de l'intérêt qu'elle suscite chez les investisseurs. Les fins observateurs auront sûrement noté que, même sur la base du bas de fourchette de l'opération, NACON est valorisée autour de 319 M€… à peine moins que la capitalisation actuelle de sa maison-mère BigBen (323 M€ à l'heure où ces lignes sont écrites, le 21 février 2020). Et cela sans intégrer la levée de fonds, un prix plus avantageux et a fortiori l'extension et la surallocation.

Partie activités

NACON opère sur deux grands segments liés aux jeux vidéo, les jeux eux-mêmes et les accessoires.

Penchons-nous d'abord sur les jeux, soit la partie développement / édition. L'industrie du jeux vidéo est désormais bien connue quant à ses débouchés : c'est la seule capable d'accaparer autant l'attention des consommateurs que la vidéo ou les réseaux sociaux. Après la démocratisation du jeu à domicile, le secteur a connu une nouvelle révolution avec la dématérialisation des contenus (sans parler de la révolution du streaming qui se dessine, mais c'est une autre histoire).

L'essor des jeux en téléchargement a permis à de nouveaux acteurs de se développer, là où le réseau physique de distribution créait une barrière à l'entrée. Ces jeux offrent de bien meilleures marges que les jeux "physiques", dont il a fallu payer l'impression, le packaging, l'expédition, etc. La digitalisation des contenus permet en outre d'exploiter des fonds de catalogue qui seraient sans cela tombés aux oubliettes (un peu comme les artistes abandonnés qui ont recommencé à être écoutés grâce aux plateformes de streaming musical). En 2015, les ventes digitales représentaient 41,5% des ventes de jeux vidéo. Ce taux est monté à 64,4% en 2018 et devrait atteindre 80% en 2024.

Encore faut-il produire des jeux et, surtout, les vendre. NACON ne cherche pas à ferrailler avec les stars du secteur, les Activision, Electronic Arts et autres Ubisoft. Sa cible, c'est le segment dit "AA", c’est-à-dire des jeux relativement qualitatifs mais loin des méga-franchises, dites "AAA", dont les aficionados se comptent par millions voire dizaines de millions. Un jeu AA très bien vendu peu espérer flirter avec les 3 millions d'unités. Ses coûts de développement se situent entre 1 et 20 M€. Les budgets peuvent être élevés, mais n'ont rien à voir avec ceux des "blockbusters" AAA. Le niveau d'exigence des joueurs est un peu moindre. Le marketing est plus simple, puisqu'il s'agit en général de jeux de genre qui ciblent une catégorie spécifique de "gamers". Et les prix de vente sont proches des jeux AAA, même s'ils ont tendance à baisser plus rapidement après le lancement.

WRC, un classique du jeu de rallye par NACON
WRC, un classique du jeu de rallye par NACON

NACON ne cache pas son ambition de devenir un acteur intégré développeur / éditeur, une denrée rare sur le segment AA, mais qui "constitue un modèle économique vertueux permettant de capter 100% de la valeur des jeux". Les studios français, dont Cyanide, EKO ou Kylotonn, sont ainsi détenus à 100%. Le portefeuille se décline en quatre grandes catégories, le Racing (jeux de course comme V-Rally, WRC…), le Sport (Pro Cycling Manager, Rugby 20, Tennis World Tour…), la Simulation (Hunting Simulator) et l'Aventure (Warhammer, Styx…).

L'autre pan d'activité, ce sont les accessoires, avec la marque NACON qui sert désormais d'ombrelle au groupe tout entier. Ce choix patronymique s'explique par la notoriété acquise par les produits dans l'univers du gaming pour PC, avec ses casques, ses manettes et ses autres lignes d'équipements. 

Dans un secteur très concurrentiel, NACON a acquis ses lettres de noblesse en proposant des produits haut-de-gamme, soutenus par d'importants investissements de promotion, notamment des partenariats avec des stars du secteur. La presse spécialisée a même décerné le prix de "meilleure manette PC au monde" à un modèle de la marque. L'un des best-sellers de NACON est une manette dédiée à l'eSport sous licence Playstation4. Le groupe propose désormais des manettes, des souris, des claviers, des casques et même des fauteuils.

La manette arcade de la société
Un exemple du catalogue accessoires NACON : l'arcade Stick

Partie financière

NACON a tiré 48% de ses revenus du dernier exercice de ses jeux (dont 8% via le fond de catalogue, les jeux anciens) et 52% de ses accessoires. Sur l'exercice en cours, qui s'achève le 31 mars prochain, le management s'estime en mesure d'atteindre entre 127 et 133 M€ de revenus et une marge opérationnelle courante de 16% environ. Trois ans plus tard, le 31 mars 2023, le curseur est placé à "180 à 200 M€" de revenus et une marge opérationnelle courante de plus de 20%. Ce niveau de marge visé à moyen terme se rapproche d'acteurs de référence du secteur, comme Ubisoft ou Take-Two (anticipations 2021) et dépasse le niveau actuel des comparables de taille plus modeste comme le français Focus Home Interactive et l'italien Digital Bros. Quant à la partie accessoires, les comparables purs ne sont pas nombreux, mais on pourra se référer à Guillemot, l'une des planètes de la "galaxie de la famille Guillemot" (Ubisoft), pour se faire une idée de l'activité.  

Sur la base du point médian et sans les facultés optionnelles, le capital post-opération sera réparti entre le public (18%), Bpifrance (2,3%) et BigBen (79,75%). Si la surallocation et l'extension sont activées, toujours sur la base du point médian, le public aurait 21,3%, Bpifrance 2,2% et BigBen 76,50%. La maison-mère a pris un engagement de conservation de 18 mois sur le solde des titres, sauf exemptions usuelles.

L'endettement financier net s'est fortement accru sur l'exercice précédent, avec les acquisitions de Cyanide, Kylotonn et Eko. Il est passé de 3,33 M€ fin mars 2017 à 38,19 M€ fin mars 2019, soit 1,1 fois l'Ebitda (descendu à 1 fois à l'issue du 1er semestre 2019/2020). La marge sur les covenants de la dette est confortable, puisque le levier maximum autorisé est de 2 fois et le ratio de couverture des frais financiers par l'Ebitda doit dépasser 6 fois (il est actuellement sur des multiples de près de 50 fois).

Notons que NACON possède aussi la société Games.fr, dont la principale activité est de commercialiser sur des places de marchés, de type Amazon.com, les produits du groupe au format physique.

Fiche synthèse

Points forts

  • Toutes les sociétés qui s'introduisent ne fixent pas dès l'introduction des objectifs financiers aussi précis : c'est un gage de confiance, comme le choix du marché réglementé d'Euronext.
  • Un modèle économique bien maîtrisé et des ambitions en cohérence avec le marché adressé.
  • Une marque forte dans les accessoires, qui réduit l'impact d'un échec sur un titre.
  • Des jeux AA déjà installés sur plusieurs "niches".
  • Les fonds levés vont servir au développement et pas à solder un passif.
  • Eligible au PEA et au PEA-PME.

Points faibles

  • Un marché qui reste très concurrentiel.
  • Le risque inhérent à l'industrie de rater un titre ou de subir des retards, qui crée de la volatilité en bourse.
  • L'afflux de papier à moyen terme si BigBen décidait de céder en une ou plusieurs fois ses parts.
  • La dette, quoique largement couverte, s'est accrue pour renforcer l'offre interne.