"Vous participez à la gestion collective du fonds Invesco Pan European Structured Equity Fund (LU0119750205). Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots la genèse de ce fonds ?
Invesco Pan European Structured Equity Fund est né de la volonté de créer un fonds de gestion systématique quantitative sans contrainte. A l’époque, nos stratégies actions étaient majoritairement benchmarkées. La composition des portefeuilles était alors très similaire à celle de l’indice de référence.
Dans le but de parvenir à un meilleur couple rendement/risque, il a été décidé de concevoir une fonds dont la composition ne serait pas tributaire de celle du benchmark et dont la gestion serait basée sur une optimisation du ratio de sharpe au lieu d’une optimisation du ratio d’information.

En quoi consiste le processus d’investissement du fonds ?

Le fonds investit dans des actions européennes suivant une approche qui associe attractivité des titres et prévision de risque absolu.

L’attractivité des titres est appréciée à partir d’une série d’indicateurs liés à la dynamique des résultats et des prix (momentum), à la qualité et à la valorisation. La liste de ces indicateurs ainsi que leur hiérarchisation peuvent varier d’une région géographique à une autre.
Le risque est jaugé sous le spectre de la volatilité.
Les analyses effectuées s’appuient sur toute une série de données collectées à partir de différentes bases et traitées en interne.
Sur l’appui de celles-ci, un rendement futur et une volatilité future sont établis pour les différents titres éligibles au portefeuille. La sélection porte ensuite sur les titres qui présentent le meilleur rapport rendement/risque.

En quoi votre stratégie se distingue-t-elle d’une stratégie « minimum volatility » ?

Une stratégie « minimum volatility » n’attache pas autant de considération à l’ensemble des facteurs qui guident notre allocation. Elle se concentre principalement sur le niveau absolu de la volatilité du titres. Davantage de considération est accordée aux facteurs qualité, momentum et value.Or, notre objectif est d’accroître l’exposition à une combinaison de facteurs.

Combien de sociétés sont considérées...

A partir d’un univers initial de 1000 titres, une limite posée concernant la taille de la capitalisation des sociétés, de 1 milliard d’euros, aboutit à une sphère de 500 valeurs.

Pourquoi une telle limite de capitalisation ?

Cette limite s’explique par l’impératif d’avoir des données de qualité à exploiter et le souci de conserver une bonne liquidité au sein du portefeuille.
Les encours du fonds s’élèvent à 5 milliards d’euros. La constitution d’une nouvelle position peut aisément représenter 100 millions d’euros.

Parlez-nous de l’équipe de gestion ?

Le fonds est géré par l'équipe de gestion Invesco Quantitative Strategies (IQS). L'équipe, créée en 1983, est composée aujourd’hui de plus de 50 professionnels de l'investissement, comptant en moyenne 18 années d'expérience dans ce domaine.

De quelle manière les critères ESG sont-ils appréhendés dans votre process ?

Les critères ESG nous permettent surtout de réduire les risques en évitant les sociétés qui pourraient rencontrer des controverses significatives. Nous évaluons la dynamique de la notation ESG des sociétés. Nous redoublons de vigilance sur les sociétés dont la notation suit une tendance négative.

Vous apportez en permanence des améliorations à votre modèle pour englober des critères plus pertinents, plus fiables, qui entraînent une moindre rotation des titres. Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Une illustration peut être faite à travers le facteur momentum des titres. L’idée sous-jacente à l’admission de ce facteur dans notre process est que les investisseurs ont tendance à vendre trop rapidement les titres qui performent et à garder trop longtemps les titres qui se comportent mal.

Nous avons, avec l’expérience, quelque peu modifié la manière dont nous observons ce momentum. Au-delà de l’ampleur de la trajectoire de performance des titres, nous faisons davantage attention à sa forme. Autrement dit, nous avons renforcé la vigilance sur le caractère stable de l’historique de performance des sociétés sur lesquelles nous sommes positionnées.

Nous avons par ailleurs cherché à appréhender dans cette dimension momentum l’inversion de tendance de la dynamique de performance.

Vous cherchez à utiliser des critères qui ne sont pas communs…

Effectivement. Ainsi nous avons été amenés à faire une analyse des chiffres utilisés dans l’élaboration des bilans des sociétés de telle sorte que nous puissions déterminer si ces derniers ne sont pas manipulés.

Nous sommes en train d’implémenter un « natural language processor » qui suppose l’analyse du vocabulaire employé lors des annonces faites par le top management des sociétés au moment des publications de résultats. Cela devrait nous servir à capter des indicateurs avancés pour le momentum. Nous avons travaillé avec un linguiste et développé un véritable vocabulaire pour ce faire.

Quelles principales caractéristiques présente le fonds ?

Le portefeuille d’investissement est composé d’environ 100 titres. Notre processus de gestion est systématique, le portefeuille est rebalancé deux fois par mois ; le turnover est d’environ 6% par mois en moyenne.

De manière à assurer un certain niveau de diversification, et compte tenue de l’augmentation du risque spécifique aux titres, nous nous sommes imposés des seuils à ne pas dépasser dans l’allocation d’actifs : 2% par ligne, 25% par secteur, 40% par pays.

Affiche-t-il des biais ?

Une notable sous-pondération sur la finance peut être relevée. Celle-ci est historique et n’a cessé de progresser depuis la crise financière de 2008. Nous sommes clairement sur un plus bas depuis la création du fonds : 2,5% contre 20% pour le benchmark.
Bien qu’elles puissent paraître peu chères, les valeurs financières sont excessivement volatiles. Cela est notamment lié à leurs besoins répétés de capitaux propres, ainsi qu’à leur faible rentabilité. Nous détenons à ce jour seulement des banques scandinaves.

Le secteur technologique est également faiblement présent. Les valeurs technologiques européennes sont très fluctuantes.

A l’inverse, le secteur dominant dans notre allocation est la consommation de base. L’industrie, les télécoms et les matériaux constituent d’autres importantes pondérations.

Qu’en est-t-il de l’allocation géographique ?

La Scandinavie constitue notre plus grande sur-exposition géographique aujourd’hui. Elle représente 25% du portefeuille.

Depuis la crise de 2008, nous avons continuellement réduit notre exposition à la zone euro. Nous avons 28% des encours positionnés sur des valeurs de la zone euro contre 50% pour le benchmark. Nous n’avons quasiment pas d’Italie, ni d’Espagne, essentiellement pour des considérations de volatilité.

En revanche, nous sommes quelque peu surpondérés sur les valeurs britanniques, 27,5% contre 25,9% pour l’indice de référence. Les sociétés que nous avons en portefeuille ont une dimension très internationale et présentent une valorisation intéressante avec une volatilité modérée.

Quel a été le comportement du fonds en 2018 ?

Le fonds avait bien entamé l’année. Il a plutôt bien résisté jusqu’en septembre date à laquelle il a commencé à témoigner des signes de sous-performance relative, en particulier lors de la correction des marchés en octobre. L’ensemble des facteurs qui déterminent notre allocation ont mal fonctionné à ce moment-là. Dans la configuration atypique qui a prévalu, certaines sociétés détenues dans le fonds ont été lourdement sanctionnées.

En conséquence l’année 2018 s’est conclue avec un bilan contrasté pour le fonds.
Ceci étant, nous avons déjà vécu des phases de sous-performance par le passé, par exemple en 2003 ou 2009. A chaque fois, la tendance s’est inversée sur les années suivantes. Ainsi les années 2004, ou 2010 se sont caractérisées par de très bons track record.

Nous sommes confiants sur le fait qu’avec le processus d’investissement systématique que nous avons mis en place nous serons en mesure de manœuvrer dans l’environnement difficile que nous connaissons.

Il est à retenir, par ailleurs, que nous avons une vue de long terme. Nous évitons de céder aux phénomènes de mode. Aussi, nous préférons les critères stables dans le temps comme le rendement des flux de trésorerie et le rendement des bénéfices (pour le facteur Value) aux critères qui fonctionnent seulement dans certaines configurations ponctuelles pendant un laps de temps donné comme le rendement des dividendes et le rendement comptable.

Sur cinq ans, à fin octobre, le fonds a délivré une performance de plus de 6% contre 4% pour l’indice.

Structurellement, votre approche cherche à réduire la volatilité. L’année dernière, la volatilité réalisée s’est avérée être a posteriori proche de celle de l’indice alors que l’analyse a priori concluait à une volatilité moindre. Comment l’expliquez-vous ?

En effet, le beta s’est situé autour de 0.90/1 ex-post, notre fourchette historique étant de 0,70/0,90
Nous pouvons l’expliquer par deux faits. D’une part, le niveau de volatilité de l’indice a été relativement faible.
Ensuite, les sociétés qui se sont caractérisées par une plus faible volatilité avaient concomitamment une valorisation bien trop élevée.

Il est peu probable que cette configuration se répète cette année. La volatilité du marché devrait prendre de l’ampleur au cours des mois à venir. En conséquence, l’écart avec la volatilité du fonds devrait se creuser.

Comment pressentez-vous cette année 2019 ?

Les investisseurs devraient continuer à être préoccupés par les incertitudes qui planent sur les marchés.
Cette inquiétude laisse place à des biais comportementaux et à des anomalies que nous chercherons à exploiter.



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