Les marchés boursiers sortent d'une nouvelle séance curieuse, de celles où les signaux paraissent assez clairs mais aboutissent à un résultat sans queue ni tête. Je vous rappelle que le financier américain de base, appelons-le Bill, se fout un peu de ce qui se passe autour tant que le prix de l'argent baisse. Bill a donc fait figurer tout en haut de sa wishlist la baisse des taux d'intérêts de la banque centrale américaine. Qui nécessite quelques ingrédients comme une dégradation de la situation économique, du genre qui forcerait un banquier central, appelons-le Jerome, à baisser ses taux même si Jerome a un peu peur que l'inflation dérape. J'essaie de raconter la même chose de façon différente tous les jours, pour éviter la lassitude, mais c'est pas facile, croyez-moi.
Bref, Boule Jerome et Bill auraient pu trouver une cause commune hier, quand les dernières données d'activité américaines (l'ISM) ont montré que l'économie était en voie de ralentissement, confirmant les statistiques publiées ces derniers jours. Ben oui, parce qu'un ralentissement pousserait la Fed à baisser ses taux pour éviter un crash économique. D'ailleurs, les marchés obligataires ont correctement interprété les données : les rendements ont plongé, signe que ce marché anticipe un environnement de taux moins élevé que prévu à terme.
Le hic, c'est que Bill n'a pas fait monter les actions. Il y a bien eu cette hausse de 0,11% sur le S&P500 à la cloche hier, mais elle est imputable à un sursaut de fin de journée et à la hausse de Nvidia, qui a gagné 4,9% sur un nouveau plus haut de clôture à 1150 USD. La société est tellement à la mode qu'elle n'est plus qu'à 5,3% d'Apple et à 8,7% de Microsoft pour devenir la première capitalisation mondiale. Ça a l'air encore relativement loin, sauf quand une action qui pèse près de 3000 milliards de dollars est capable de faire des +4%. Le S&P500 a donc gagné 0,11%, mais le S&P500 équipondéré a baissé de 0,57%. En clair, cela signifie que les grosses capitalisations, essentiellement Nvidia et Meta, ont tracté le marché pendant que le reste de la cote souffrait. Compte tenu de l'amélioration des perspectives de baisses de taux, on était en droit d'attendre une adhésion plus large du marché à la hausse. Raté.
Pourtant, le pari d'un assouplissement monétaire dès le mois de septembre aux Etats-Unis a repris du poil de la bête. Il n'y a pas si longtemps, les financiers avaient presque renoncé à toute baisse de taux en 2024. C'est donc une amélioration, mais une amélioration qui repose sur une dégradation de la situation économique. C'est peut-être là que le bât blesse. Le risque est que les investisseurs deviennent plus préoccupés par le risque de crash économique que par le reste. Jamais contents, en somme.
Pour éviter ces réactions de canard sans tête, il faudrait sans doute prendre un peu de hauteur par rapport aux indicateurs dont les marchés sont bombardés. Mais ça semble mission impossible. Sur la journée d'hier, le marché a pris connaissance aux Etats-Unis d'un indicateur PMI manufacturier en amélioration et en zone d'expansion et d'un ISM manufacturier en baisse et en zone de contraction. Les deux statistiques sont censées mesurer à peu près la même chose. Ils ont aussi appris d'un sous-indice d'une des deux enquêtes que le marché du travail était en amélioration, d'où ils ont extrapolé que les chiffres de l'emploi de mai, attendus vendredi, risquent d'être plus robustes que prévu. Là-dessus, l'indice maison de la Fed de New York sur l'inflation a montré une petite détente... Démentie en partie par une composante de l'ISM ! Vous suivez toujours ? Je n'ai pas fini. L'indice maison de la Fed d'Atlanta (GDPnow) sur la prévision d'évolution du PIB US au T2 est descendu hier à 1,8% contre 2,7% le 31 mai. Est-il bien raisonnable de marquer le PIB à la culotte pour obtenir des variations d'une telle amplitude d'une semaine à l'autre ? Quant à la probabilité de voir les taux américains baisser en septembre, elle est passée de 46% en fin de semaine dernière à 60% ce matin, selon l'outil FedWatch du CME.
Cette agitation court-termiste va continuer aujourd'hui avec les statistiques sur les commandes de biens durables et l'enquête JOLTS sur l'emploi aux Etats-Unis. Les membres de la Fed n'ajouteront pas à la cacophonie : l'institution leur a coupé le sifflet jusqu'à la décision de politique monétaire qui doit être annoncée le 12 juin (la Fed impose une période de silence une dizaine de jours avant les réunions du FOMC et un jour après).
Les marchés n'ont plus beaucoup de résultats d'entreprises à se mettre sous la dent, ce qui explique aussi le retour en force de la macroéconomie. L'actualité est en outre dominée par les échéances électorales, avec les scrutins achevés au Mexique et en Inde et ceux qui se profilent en Europe le weekend prochain et au Royaume-Uni en juillet. Sans oublier en toile de fond l'élection américaine de novembre. A Wall Street hier, on parlait aussi beaucoup du retour de la spéculation sur les actions-mèmes, GameStop en tête, et du gros pépin technique rencontré par le NYSE. Une soixantaine d'actions ont connu des épisodes de volatilité indue. C'est le cas de Berkshire Hathaway, le holding de Warren Buffett, dont le cours a perdu plus de 99% à un moment de la séance. Les petits veinards qui pensaient avoir obtenu la ristourne du siècle sur la plus fameuse société d'investissement de la planète risquent d'être déçus : les échanges erronés de ce type sont presque à coup sûr annulés.
En Asie Pacifique ce matin, les doutes de Wall Street ont l'air de s'être propagés. Le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et l'Australie reculent de 0 à 1%. En Inde, après le rebond marqué de la veille, les indices décrochent spectaculairement de 4,5%. Le triomphe électoral annoncé de Modi est en train de se transformer en une victoire plus disputée, apparemment. La Chine s'en tire mieux ce matin, avec des gains de 0,3% à Shanghai et à Hong Kong.
Le CAC40 perd 0,3% à 7972 points à l'ouverture. Le SMI est stable à 12 000 points. Le Bel20 recule de 0,3% à 3923 points.
Les temps forts économiques du jour
La journée débutera avec l'indice des prix à la consommation en Suisse (8h30), suivie de la variation du chômage en Allemagne (9h55). Plus tard, aux Etats-Unis, les commandes de biens durables, les commandes industrielles et les offres d'emploi JOLTS seront toutes annoncées à 16h00. Tout l'agenda ici.
L'euro remonte à 1,0909 USD. L'once d'or remonte à 2344 USD. Le pétrole poursuit son reflux, avec un Brent de Mer du Nord à 77,84 USD le baril et un brut léger américain WTI à 73,64 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans baisse fort à 4,41%. Le bitcoin se négocie 69 100 USD.
Les principaux changements de recommandations
- Allianz Se : Citi passe d'acheter à neutre avec un objectif de cours relevé de 272,80 EUR à 283 EUR.
- Alstom : HSBC maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 21.692 à 24 EUR.
- Aramis Group : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et relève l'objectif de cours de 8,70 à 9,20 EUR.
- Ariston Holding N.v. : Citi dégrade son conseil de neutre à achat avec un objectif de cours réduit de 6,50 à 5,80 EUR.
- Axa : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 34,57 à 39,10 EUR.
- Carnival Corporation : Peel Hunt relève sa recommandation d'accumuler à acheter avec un objectif de cours relevé de 1100 GBX à 1300 GBX.
- Casino, Guichard-Perrachon : Bryan Garnier & Co. maintient sa recommandation de vente et relève l'objectif de cours de 0,02 à 0,024 EUR.
- Equinor Asa : Sparebank 1 Markets passe de neutre à acheter avec un objectif de cours de 340 NOK.
- Flutter Entertainment Plc : Oppenheimer démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 240 USD.
- Groupe Bruxelles Lambert Sa : ING Bank maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 94 à 92 EUR.
- JCDecaux Se : Citigroup reste à recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 18,20 à 22,30 EUR.
- Klépierre : Citi passe de vendre à acheter avec un objectif de cours relevé de 14,60 EUR à 32,50 EUR.
- Michelin : Bernstein démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 43 EUR.
- Novartis Ag : Bank Vontobel AG maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 109 à 110 CHF.
- Pirelli : Bernstein démarre le suivi avec une recommandation de performance de marché et un objectif de cours de 6,20 EUR.
- Rubis : Oddo BHF maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 36 à 39 EUR.
- Stellantis N.v. : Stifel maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 32 à 29 EUR.
- Wise Plc : Peel Hunt améliore sa recommandation de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 950 GBX à 1000 GBX.
- Zurich Insurance Group Ltd : Citigroup reste à neutre avec un objectif de cours réduit de 490 à 488 CHF.
En France
Annonces importantes (et moins importantes)
- Crédit Agricole a bouclé le rachat de la banque privée Degroof Petercam.
- Vivendi lance mercredi l'OPA de Canal+ sur le diffuseur sud-africain MultiChoice.
- TotalEnergies signe deux nouveaux contrats de vente de GNL en Asie.
- Selon Bloomberg, Airbus est en pourparlers pour vendre plus de 100 gros-porteurs à des compagnies aériennes chinoises.
- Eiffage Génie Civil et Vinci Construction remportent un contrat de conception-construction de trois usines de traitement d'eau auprès de Veolia, pour plus de 400 M€.
- Saint-Gobain a finalisé l'acquisition de Bailey au Canada.
- L'Oréal lance une quatrième opération d’actionnariat salarié.
- Les salariés québécois de Safran entament une grève illimitée mardi, selon le syndicat.
- STMicroelectronics signe un contrat de fourniture de carbure de silicium avec Geely.
- Sarclisa (Sanofi), en association avec un protocole VRd, est le premier anti-CD38 permettant d’améliorer significativement la survie sans progression des patients.
- Wavestone atteint une marge opérationnelle annuelle de 15,4%.
- Catana améliore nettement ses bénéfices semestriels.
- Valneva annonce la publication de deux essais de phase II sur la maladie de Lyme dans le Lancet Infectious Diseases.
- Voltalia confirme ses objectifs 2024 et 2027.
- Kalray est entré en négociation exclusive en vue d'un rapprochement avec la société israélienne Pliops, par voie d'apport des actions de Pliops à Kalray.
- SQLI propose de distribuer un coupon de 0,64 EUR.
- Emeis (Orpea) cède les murs de 3 maisons de retraite en Irlande pour 56 M€.
- Nestlé met fin à son accord avec Valbiotis sur TOTUM63.
- Le groupe Avril propose de reprendre l'usine Metabolic Explorer d'Amiens et une partie de la R&D et du commercial de la société.
- WeAccess veut lever 0,8 M€ à 1 EUR par action, par augmentation de capital.
- Medesis étend son horizon de trésorerie à octobre, après un prêt d'actionnaires.
- Ikonisys lève 0,15 M€ à 0,50 EUR par placement privé.
- Acticor Biotech veut poursuivre le développement de glenzocimab dans le traitement de la phase aigüe de l’AVC ischémique, après son échec en phase II/III sur une indication plus large.
- Les principales publications du jour : Smart Good Things, Catana, Nacon, BigBen...
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- AP Moller Maersk relève ses prévisions d'Ebitda 2024.
- Le ministère américain des Transports a obtenu de trois compagnies aériennes qu'elles remboursent près d'un milliard de dollars à des passagers pour annulations ou modifications importante de vols du fait de la pandémie de Covid-19. Lufthansa écope de 776 M$, KLM (Air France-KLM) de 115 M$ et South African Airways de 15,5 M$.
- KFW lance la vente de 110 millions d'actions Deutsche Telekom pour 2,5 Mds€.
- Snam a proposé 500 à 600 millions d'euros pour les actifs de stockage de gaz d'Edison en Italie.
- ASML et Imec ouvrent un laboratoire aux Pays-Bas pour tester un nouvel outil de fabrication de puces électroniques.
- Merck KGaA va lancer de nouvelles études cliniques dans le cadre de son pipeline oncologique.
- Mobimo place un Green Bond de 150 MCHF.
- Les principales publications du jour : Londonmetric, Ferguson, Burckhardt…
Des Amériques
- Illumina, fabricant de machines de séquençage génétique, va procéder à la scission de Grail, fabricant de tests de dépistage du cancer, par distribution d'une action Grail pour six actions ordinaires d'Illumina détenues à la clôture des marchés le 13 juin 2024.
- Intel se rebelle contre AMD avec de nouvelles puces pour centres de données.
- +21% pour GameStop hier après un post Reddit de l'investisseur Roaring Kitty dévoilant sa position longue sur le titre.
- Microsoft va supprimer des centaines d'emploi dans sa division Azure. Par ailleurs, Microsoft et Hitachi concluent un partenariat de plusieurs milliards de dollars dans l'IA.
- Google supprime au moins 100 emplois dans son unité "cloud", selon CNBC.
- Le jury de l'Oregon estime que Johnson & Johnson doit payer 260 millions de dollars après le dernier procès sur le talc.
- Berkshire Hathaway brièvement suspendue à New York après un problème technique.
- E*Trade (Morgan Stanley) envisage d'expulser Keith Gill, le leader des mèmes boursiers, de sa plateforme.
- Les principales publications du jour : CrowdStrike Holdings, Ferguson, Hewlett Packard Enterprise…
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- Toyota et Mazda ont interrompu les livraisons de certains véhicules lundi 3 juin, alors que le scandale des tests de sécurité s'amplifie au Japon. Honda et Suzuki sont aussi visés par l'enquête des autorités.
- Les principales publications du jour : Fast Retailing…
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Les grandes entreprises technologiques déconnectent le marché boursier de la réalité (Wall Street Journal, en anglais).
- L'incroyable histoire du manuscrit de L'Étranger de Camus (Le Figaro).
- Les vendeurs à découvert, une espèce menacée (Bloomberg, en anglais).
- L'Australie force les fonds d'investissement chinois à réduire leurs parts dans des groupes miniers de terre rares stratégiques (Financial Times, en anglais).
- Retour de Trump : de quoi l'Europe a-t-elle peur ? (The Atlantic, en anglais).
- Ozempic : les gamins en passe de s'y mettre (L'ADN).
- La Russie chercherait à obtenir les actifs d'uranium détenus par la France au Niger (Bloomberg, en anglais).
- Pourquoi la neige est cruciale pour l'approvisionnement en eau - et que se passera-t-il lorsqu'elle se raréfiera ? (Nature, en anglais).