Washington (awp/afp) - L'ancienne présidente de la Fed Janet Yellen s'est inquiétée jeudi, dans une interview au Financial Times, de la dérégulation bancaire en cours et des "risques systémiques" que présentent les prêts à effet de levier souscrits par les entreprises.

"Le système présente de nombreuses faiblesses et au lieu de chercher à y remédier, je trouve qu'on se dirige vers une vaste déréglementation", affirme Mme Yellen, qui a quitté la Banque centrale il y a un peu moins d'un an pour être remplacée par Jerome Powell, choisi par le président Donald Trump.

Elle s'inquiète notamment de la détérioration des normes prudentielles dans le secteur des prêts à effet de levier, souscrits par des entreprises déjà endettées et qui sont ensuite revendus comme des actifs par les banques. Ce marché représente quelque 1.300 milliards de dollars, selon le FT.

Ce mécanisme, massivement utilisé pendant la bulle immobilière avec les crédits à risques, a conduit à la catastrophe financière de 2008.

L'ancienne patronne de la Fed, autorité de régulation des banques, s'est dite "vraiment préoccupée par le fait que nous sommes sur le point d'oublier la crise financière et le besoin de davantage de régulation".

Elle n'hésite pas à affirmer que s'il y avait un retournement de la conjoncture économique, de nombreuses faillites d'entreprises sont à craindre à cause de cet endettement. "Cela aggraverait le ralentissement", assure-t-elle au Financial Times dans un entretien qui sera publié dans son intégralité vendredi.

L'administration Trump a fait de la dérégulation bancaire une de ses stratégies de relance économique et assoupli les exigences de coussins de capitaux pour les banques de taille moyenne notamment. Le Trésor et les régulateurs financiers ont aussi récemment ôté le géant de l'assurance Prudential de la liste des groupes à risques systémiques soumis à des règles de gestion plus prudentes.

L'actuel patron de la Banque centrale Jerome Powell a reconnu récemment que l'endettement des entreprises était en effet un secteur que la Fed "surveillait".

Interrogé lors de sa dernière conférence de presse en septembre, M. Powell, un ancien banquier, a admis que "la prise de risque excessive sur les marchés du crédit à effet de levier a des moyens d'affecter l'économie réelle (...) et nous surveillons cela de près".

Dans l'entretien au Financial Times, Janet Yellen, qui figure maintenant parmi les économistes du prestigieux centre d'études Brookings Institution, s'alarme aussi des virulentes critiques du président Trump qui n'apprécie pas les hausses de taux d'intérêt opérées par la Fed.

"Saper ainsi totalement des institutions qui sont des atouts pour les Etats-Unis et le monde est vraiment inquiétant", affirme-t-elle.

Elle s'est ainsi faite l'écho de l'alerte lancée par un autre ancien patron respecté de la Réserve fédérale, Paul Volcker qui a déploré mardi dans un entretien au New York Times "la perte de respect" pour les institutions.

afp/rp