La stratégie de relance du Premier ministre japonais Shinzo Abe, connue sous le nom d'Abenomics, était déjà chancelante avant même qu'il annonce vendredi sa démission pour raisons de santé, selon de nombreux observateurs japonais.

En enfonçant encore davantage le pays dans la récession, la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus vient peut-être de donner le coup de grâce à son projet de voir l'économie nippone renouer avec une croissance auto-entretenue et écarter définitivement la menace déflationniste grâce aux "trois flèches" de l'assouplissement monétaire massif, des dépenses budgétaires et des réformes structurelles.

Lancé fin 2012 au moment de l'arrivée au pouvoir de Shinzo Abe, ce programme de relance en trois volets a d'abord rencontré quelques rapides succès.

Le programme d'assouplissement monétaire au "bazooka" de la Banque du Japon (BoJ) a fait progresser le climat des affaires et à contribué à affaiblir le yen, favorisant les entreprises exportatrices dont les bénéfices ont été répercutés sur les salaires et les créations d'emplois.

Mais Shinzo Abe, qui a annoncé sa démission vendredi pour raisons de santé, laisse à son successeur une série de dossiers inachevés.

"Les Abenomics ont singulièrement échoué à fournir au Japon les conditions internes lui permettant d'atteindre une croissance plus élevée, au-delà d'une de sa dépendance accrue à l'égard de la demande extérieure", observe Brian Kelly, directeur associé de l'Asian Century Quest.

Le COVID-19 a également sonné le glas de l'approche visant à renverser la "mentalité déflationniste" du Japon, qui voit les entreprises et les ménages reporter leurs dépenses sur fond de craintes persistantes d'une croissance fragile et de faibles salaires.

L'économie japonaise a connu une contraction record au deuxième trimestre, avec une chute du produit intérieur brut (PIB) nominal à 507.000 milliards de yens (4.000 milliards d'euros), un niveau comparable à ceux de 2013 et très éloigné de l'objectif de 600.000 milliards de yens fixé par Shinzo Abe.

"L'économie japonaise s'est peut-être mieux portée après les Abenomics, mais pas assez pour changer radicalement l'opinion publique", souligne Yoshiki Shinke, économiste en chef du Dai-ichi Life Research Institute.

"Le Japon n'a pas réussi à normaliser ses politiques monétaires et budgétaires lorsque l'économie se portait mieux", constate Takahide Kiuchi, ancien membre du conseil d'administration de la Banque du Japon. "Maintenant, il en paie le prix."

(Avec Tetsushi Kajimoto, Kaori Kaneko et Daniel Leussink, version française Kate Entringer, édité par Myriam Rivet)

par Leika Kihara et Takaya Yamaguchi