Tokyo (awp/afp) - Le Japon a subi un déficit commercial inattendu en mai, le premier depuis janvier, à cause des exportations qui ont dévissé de 11,3% en valeur, venant fragiliser un peu plus les efforts de relance du Premier ministre Shinzo Abe.
Le solde des comptes commerciaux est tombé dans le rouge (-40,7 milliards de yens, -340 millions d'euros), selon les statistiques publiées lundi par le ministère des Finances, bien que les importations aient aussi fortement chuté du fait du fort recul des factures de pétrole et produits dérivés ainsi que du gaz naturel.
C'est certes beaucoup moins que le déficit de 215,35 milliards de yens enregistrés un an plus tôt (-81%), mais les économistes interrogés par l'agence Bloomberg misaient sur un excédent de 70 milliards de yens.
"Les exportations manquent de vigueur sur fond de morosité de la demande à l'étranger et alors que les effets positifs du yen faible constatés l'an dernier s'estompent", a commenté pour Bloomberg News Atsushi Takeda, économiste chez Itochu.
Le récent regain du yen, valeur refuge - qui se situe au-dessous de 105 yens pour un dollar, contre 120 yens en début d'année - pèse sur les exportations.
"Avec le vote sur le Brexit qui se profile et les attentes qui s'amenuisent quant à une nouvelle hausse des taux par la Réserve fédérale américaine, l'appréciation du yen pourrait se prolonger, amplifiant les risques pour l'économie japonaise", a estimé l'analyste.
Ce mouvement, qui remet en cause un des principaux acquis de la stratégie "abenomics", est "un élément négatif de long terme car il va inciter les firmes japonaises à étendre davantage leur production à l'étranger", a renchéri dans une note Toru Suehiro, de Mizuho Securities. La troisième économie mondiale se retrouve ainsi privée d'un moteur de croissance, déjà très affaibli par les délocalisations menées à l'époque du yen fort, avant le retour de Shinzo Abe au pouvoir fin 2012.
- Asie, USA, Europe: déclin sur tous les fronts -
Dans le détail, le ministère blâme le fort recul des expéditions à l'étranger de fer et acier, de composants électroniques ou encore de matériaux organiques.
Les exportations sont ainsi tombées à 5.091,0 milliards de yens (42,42 milliards d'euros). Elles ont reflué de 2,4% en volume. Les importations ont quant à elles cédé 13,8% sur un an à 5.131,7 milliards de yens (42,76 milliards d'euros), sur fond de manque de dynamisme au Japon. A noter aussi que le yen contribue à diminuer les coûts des marchandises importées.
Les exportations déclinent depuis huit mois de suite en valeur et trois mois d'affilée en volume, en raison d'une moindre demande provenant des pays d'Asie, notamment de Chine (dont l'activité s'est ralentie).
A l'égard de l'ensemble de la région asiatique, il peut se targuer d'un excédent mais, là encore, tant les importations que les exportations ont nettement reculé, de 10,7% pour les premières et de 13% pour les secondes.
Dans le cas des Etats-Unis, les arrivages ont reflué en valeur de 8,5% sur un an et les expéditions de 10,7% (du fait d'un recul des envois de véhicules et pièces détachées, ainsi que d'équipement de centrales électriques). Aidé par le repli des tarifs de l'énergie, le Japon a quand même dégagé un excédent envers le marché américain en dépit de la disparition de l'avantage d'un yen faible face au dollar.
Le tableau n'est pas glorieux non plus vis-à-vis de l'Europe, en direction de laquelle les exportations ont baissé de 4,0%. Les importations ont quant à elles fléchi de 1,5%, le tout se traduisant par un déficit aux dépens du Japon.
Le commerce extérieur japonais reste vulnérable à l'environnement extérieur et très fragile même en ayant connu une embellie récemment grâce au pétrole bon marché. La situation du pays, qui était habitué à des excédents enviables, s'est retournée à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima en mars 2011, sinistre qui l'a contraint à recourir massivement aux importations d'énergies fossiles pour compenser l'arrêt des réacteurs nucléaires. Seules deux tranches sur un parc de 42 sont actuellement en service.
afp/al
